Le projet de loi C-377, intitulé Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières), a été déposé par Russ Hiebert, député conservateur de la Colombie-Britannique, à titre de projet de loi d’initiative parlementaire le 5 décembre 2011, à la Chambre des communes. Il a été adopté au cours de la nuit précédant la Fête du Canada 2015, par un vote de 35 à 22, au Sénat.
Les partisans du projet de loi C-377 ont prétendu qu’il s’agissait seulement d’augmenter la divulgation des renseignements financiers des syndicats. En réalité, ce projet de loi est une attaque hautement politique et partisane contre le droit à la liberté d’association et la liberté d’expression au Canada.
Ce projet de loi apporte des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu, obligeant toutes les organisations syndicales à mettre à la disposition du public des rapports financiers annuels détaillés sur les salaires, les revenus et les dépenses.
Lorsque les modifications entreront en vigueur, tous les renseignements devront être affichés sur le site Web de l’Agence du revenu du Canada (ARC) et seront accessibles au grand public. Auparavant, les renseignements financiers des syndicats étaient accessibles seulement à leurs membres.
Les exigences de déclaration comprennent la soumission d’au moins 24 relevés détaillés, même pour les plus petits syndicats nationaux et locaux, les conseils du travail, les fédérations syndicales et d’autres organismes ombrelles, ainsi que les organismes intermédiaires.
Des états financiers détaillés seront exigés, ainsi que la divulgation du total de toutes les transactions et de tous les versements, y compris les transactions détaillées individuelles de plus de 5 000 $, avec le nom du payeur, du bénéficiaire ainsi que le but et la description de la transaction.
Les amendes pour non-conformité s’élèvent à 1 000 $ par jour et jusqu’à 25 000 $ par année.
La divulgation des versements aux dirigeants, administrateurs, fiduciaires, employés et entrepreneurs sera également obligatoire, y compris leur salaire brut, leurs allocations et prestations, ainsi que la divulgation supplémentaire du pourcentage de temps consacré aux activités politiques et au lobbying.
L’honorable Hugh Segal, sénateur conservateur à la retraite
« En tant que conservateur, je crois que la société prospère lorsque des opinions différentes au sujet des enjeux publics, autant de la gauche que de la droite, sont exprimées par différents groupes, personnes et groupes d’intérêts. Le débat entre des groupes opposés dans cette chambre, dans d’autres lieux et dans la société en général est l’essence même de la démocratie. Limiter la portée et l’ampleur de ce débat n’est jamais dans l’intérêt à long terme d’une société libre et ordonnée. »
Afficher une grande partie de cette information sur un site Web public serait une infraction aux lois sur la protection de la vie privée. Lorsque le projet de loi sera en vigueur, des déclarations sur les versements seront requises concernant :
- les activités liées aux relations de travail
- les activités politiques
- les activités de lobbying
- l’administration
- les frais généraux
- les activités de négociation collective
- les activités liées aux conférences et congrès
- les activités d’éducation et de formation
- les activités juridiques
- les activités de recrutement
Discriminatoire, injuste et dispendieux
Les exigences de déclaration de C-377 dépassent largement les exigences de divulgation imposées aux députés et sénateurs. Les députés fédéraux ne divulguent qu’un seul relevé financier comprenant 14 éléments, alors que les sénateurs ne déclarent que 5 éléments dans un seul relevé. Les entreprises privées, les entreprises publiques et les sociétés d’État sont toutes tenues de divulguer publiquement beaucoup moins de renseignements que ce que les syndicats devront divulguer pour se conformer au projet de loi C-377.
Les sociétés privées ne sont pas tenues de divulguer publiquement quelque renseignement financier que ce soit. Les organismes de bienfaisance enregistrés et autres organismes sans but non lucratif déclarent moins de renseignements. Les partis politiques enregistrés déclarent moins de renseignements en général et beaucoup moins entre les élections.
Le Bureau parlementaire du budget et l’Agence du revenu du Canada ont tous deux publié une analyse des coûts démontrant que le gouvernement devra dépenser près de 20 $ millions pour établir un système de suivi, et plusieurs millions chaque année pour la mise en œuvre du système de déclaration.
L’honorable Elaine McCoy, sénatrice PC (indépendante)« [Le projet de loi C-377] ne doit pas être écarté légèrement. Il doit être rejeté avec beaucoup de vigueur… Depuis un millier d’années, dans notre tradition du côté anglophone, nous avons progressé lentement avant d’arriver à une société juste pour tout un chacun. Nous avons une société qui inclut tout le monde. Nous ne faisons pas de différence lorsqu’il n’y a pas de différence. Ce projet de loi viole tous ces principes. Il viole une tradition vieille de mille ans. Il viole le code canadien de l’équité. Je pense que ce projet de loi devrait être rejeté très catégoriquement, et je suis certaine que c’est ce que nous ferons lorsque viendra le temps. »
Service de la recherche du SCFP