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Les libéraux fédéraux ont intitulé leur budget 2018 Égalité + Croissance. Ils ont mis l’emphase sur la diminution des inégalités, particulièrement pour les femmes et les Autochtones. Malheureusement, le budget fédéral ignore presque entièrement des programmes et des services publics qui feraient une grande différence dans la vie de la plupart des travailleuses, comme un réseau national de garderies ou un salaire minimum fédéral à 15 dollars l’heure.

L’ajout de quatre milliards de dollars sur cinq ans aux services aux Autochtones (protection de l’enfance, éducation, eau potable, logement, soins de santé et soutien aux organisations autochtones) constitue une agréable surprise. Par contre, le gouvernement Trudeau semble reporter au budget de l’an prochain ou même après la campagne électorale de 2019, toute action concrète dans les dossiers des services de garde, de l’assurance-médicaments, de la lutte à la pauvreté et du changement climatique.

De plus, le budget contient peu de mesures en matière d’équité fiscale. Le gouvernement semble même reculer sur sa promesse électorale d’éliminer les échappatoires fiscales régressives et inefficaces qui profitent aux plus riches. Enfin, le budget 2018 n’élimine pas les échappatoires fiscales qui accordent aux géants étrangers du numérique comme Google, Facebook et Uber un avantage indu sur les entreprises et les travailleurs canadiens.

Les enjeux

L’équité salariale

Dans le budget 2018, le gouvernement fédéral annonce que le projet de loi de mise en œuvre du budget contiendra une loi proactive sur l’équité salariale qui s’inspirera des modèles québécois et ontarien. Elle s’appliquera au milieu de travail sous réglementation fédérale de dix employés et plus, ainsi qu’aux contrats d’un million de dollars et plus accordés par l’entremise du Programme de contrats fédéraux (PCF). En outre, cette loi assurera « une application rigoureuse de la loi fédérale sur [l’équité] en matière d’emploi ». Elle couvrira les postes saisonniers, temporaires, à temps partiel et à temps plein. Enfin, elle prévoira des réexamens obligatoires.

  • Le SCFP compte plus de 30 000 membres dans les secteurs sous réglementation fédérale. Ils pourraient profiter d’une loi fédérale sur l’équité salariale. Ces membres travaillent dans les secteurs du transport aérien, du transport ferroviaire, des ports et des communications. Le SCFP représente aussi des employés civils à la GRC. Nous réclamions au fédéral le dépôt d’une loi proactive sur l’équité salariale qui tienne compte des recommandations du Groupe de travail sur l’équité salariale formulées en 2004. Les quelques précisions sur cet engagement contenues dans le document budgétaire sont conformes à ces recommandations. Malheureusement, le gouvernement n’a prévu aucune enveloppe budgétaire pour l’atteinte de l’équité salariale. Les libéraux doivent fournir davantage d’informations à ce chapitre. Le SCFP espère que cette loi inclura un processus transparent, la participation des travailleurs, une représentation syndicale à de vastes comités mixtes, une commission autonome de l’équité salariale, un tribunal, un échéancier de mise en œuvre précis pour et des réexamens obligatoires. L’Islande est un chef de file en matière d’équité salariale. Elle oblige les employeurs à démontrer que leurs travailleurs bénéficient de l’équité salariale et impose une amende de 500 dollars par jour aux contrevenants. Le gouvernement islandais s’est engagé à éliminer l’écart salarial entre les hommes et les femmes d’ici 2022.
  • Le fait que les exigences fédérales en matière d’équité salariale et d’équité en matière d’emploi s’appliqueront uniquement aux contrats d’un million de dollars et plus octroyés par l’entremise du PCF est préoccupant. Le gouvernement fédéral devrait plutôt rétablir le seuil de 200 000 dollars qui prévalait avant que le gouvernement Harper ne mette la hache dans ce programme en 2012. Il devrait aussi fixer des objectifs quantifiables et des lignes directrices claires, autant pour le programme d’équité salariale que pour une loi fédérale sur l’équité en matière d’emploi.

Le congé parental

Le budget crée un congé « à prendre ou à laisser » pour le deuxième parent. Il sera administré par l’assurance-emploi et ajoutera cinq semaines de prestations aux 35 semaines de prestations parentales équivalant à 55 pour cent du salaire. Les couples qui choisissent l’option « congé prolongé » auront droit à huit semaines de prestations supplémentaires équivalant à 33 pour cent du salaire. Les partenaires de même sexe et les parents adoptifs pourront se prévaloir de ce congé, mais les chefs de famille monoparentale n’auront rien de plus.

  • Le SCFP se réjouit de la création d’un congé pour le deuxième parent. Cela favorisera l’égalité des sexes dans les rôles parentaux et l’emploi. Malheureusement, après ces semaines supplémentaires, les parents, tout particulièrement les mères, n’auront toujours pas accès à plus de places en garderie, ce qui faciliterait leur retour sur le marché du travail. De plus, nous craignons que ce programme ne profite pas aux parents à faible revenu ou aux travailleurs à statut précaire qui n’ont pas droit à l’assurance-emploi ou qui ne peuvent pas se contenter du bas niveau de prestation pour vivre. Nous espérons que le gouvernement s’inspirera du régime québécois et qu’il assouplira les règles d’admissibilité et bonifiera les prestations. Le SCFP avait recommandé au gouvernement fédéral d’offrir douze semaines de congé, comme le font plusieurs pays, et d’assurer des prestations similaires aux chefs de famille monoparentale au lieu de les désavantager.

L’égalité entre les sexes

Le budget 2018 est présenté comme un budget d’égalité entre les sexes, parce qu’en plus des engagements sur l’équité salariale et la création d’un nouveau congé parental, il contient :

  • une approche d’« analyse comparative entre les sexes plus » (ACS+) et l’engagement d’enchâsser cette analyse dans les prochains budgets.
  • des programmes pour accroître la participation des femmes aux professions bien rémunérées dans les sciences, les technologies, le génie et les mathématiques.
  • de l’argent pour les organismes de défense des femmes.
  • de l’argent pour les femmes racisées et les immigrantes.
  • de nouvelles initiatives pour les entrepreneures et les femmes d’affaires.

Dans le cadre du budget, le gouvernement fédéral a aussi annoncé que Condition féminine Canada deviendra un ministère en bonne et due forme.

  • Cette emphase mise sur l’égalité des sexes et les actions qui en résultent sont les bienvenues. Par contre, pour faire une vraie différence, d’autres actions qui amélioreraient les conditions de travail et de vie de la grande majorité des Canadiennes sont nécessaires, comme un investissement substantiel dans un programme pancanadien de garderies à coût abordable, une augmentation du financement accordé aux soins continus dans le secteur de la santé, de l’argent frais pour les services sociaux, une amélioration de l’accès au Régime de pensions du Canada et à l’assurance-emploi pour les femmes, l’élimination des dépenses fiscales régressives qui profitent très majoritairement aux hommes à revenu élevé et l’instauration d’un salaire minimum fédéral à 15 dollars l’heure. Tous ces éléments manquent ne figurent pas au budget 2018.

La violence faite aux femmes

Ce budget comporte plusieurs mesures importantes pour lutter contre la violence faite aux femmes :

  • une enveloppe additionnelle de 86 millions de dollars sur cinq ans consacrée à une stratégie sur la violence fondée sur le sexe administrée par Condition féminine Canada et l’Agence de la santé publique du Canada.
  • 50 millions de dollars sur cinq ans pour lutter contre le harcèlement sexuel au travail, dont une moitié financera l’aide juridique et l’autre le développement d’un programme de sensibilisation des travailleuses, particulièrement les plus vulnérables, à leurs droits au travail.
  • 5,5 millions de dollars sur cinq ans pour les centres d’aide aux victimes d’agressions sexuelles sur les campus collégiaux et universitaires.
  • une enveloppe additionnelle pour que la GRC enquête sur les nombreux cas d’agression sexuelle classés à l’origine comme non fondés et qu’elle soutienne mieux les survivantes.
  • une proposition de modification au Code canadien du travail pour accorder cinq jours de congé payé aux survivantes de violence familiale ou à leurs parents.
  • de l’argent pour les organismes communautaires de femmes et pour promouvoir l’égalité entre les sexes, particulièrement chez les jeunes Canadiens, ainsi que chez les hommes et les garçons.

Les peuples et les communautés autochtones

Le budget 2018 contient d’importantes nouvelles enveloppes pour les peuples autochtones du Canada. Celles-ci totalisent 4,7 milliards de dollars de plus sur cinq ans, notamment :

  • 1,4 milliard de dollars sur six ans pour les services à l’enfance et à la famille des Premières Nations. Avec cette mesure, le gouvernement fédéral se plie à la décision du Tribunal canadien des droits de la personne qui lui a ordonné d’accorder le même niveau de financement aux services autochtones pour les enfants résidant dans les réserves que celui accordé aux services aux enfants non autochtones ailleurs au pays.
  • 447 millions de dollars sur cinq ans pour renouveler la formation pour les compétences et l’emploi en la modulant différemment pour les Premières Nations, les Inuits, les Métis et les Autochtones vivant en milieu urbain.
  • 1,5 milliard de dollars sur cinq ans pour les programmes de santé destinés aux Autochtones.
  • 173 millions de dollars supplémentaires sur trois ans pour l’alimentation des réserves en eau potable.

Le budget prévoit un milliard de dollars pour les programmes de logement pour les Autochtones (100 millions de dollars supplémentaires et 900 millions en fonds réalloués, ainsi que 249 millions de dollars sur trois ans pour les programmes de santé s’adressant aux survivants des pensionnats.

  • Ce budget ajoute beaucoup d’argent pour les peuples autochtones, plus que ce à quoi on s’attendait. Néanmoins, ce n’est pas suffisant pour combler les besoins. Le budget réserve un milliard de dollars pour l’ensemble des programmes de logement pour les Autochtones. Or, l’Assemblée des Premières Nations estime qu’à eux seuls les besoins en logement dans les réserves représentent au moins un milliard de dollars par année.
  • Une bonne portion de l’enveloppe du logement, soit 500 millions de dollars sur dix ans, est consacrée au logement pour les Métis. C’est l’un des plus gros engagements jamais pris par le gouvernement fédéral pour un financement pluriannuel spécifique aux Métis. Voilà une importante évolution dans la politique fédérale envers les Métis.
  • Le gouvernement fédéral cessera aussi d’accorder des prêts aux gouvernements autochtones pour financer leurs négociations sur les revendications territoriales. Il les remplacera par des subventions non remboursables. Plusieurs Premières Nations se sont endettées considérablement à cause de ces prêts.
  • Le budget 2016 avait consacré 1,8 milliard de dollars sur cinq ans pour les infrastructures d’approvisionnement en eau potable des Premières Nations. Le budget 2018 ajoute 173 millions de dollars à cette somme. Pourtant, les besoins sont estimés à 5 milliards de dollars sur dix ans. Même si les libéraux ont promis d’éliminer le plafond de deux pour cent imposé au financement des services aux autochtones, la plupart des augmentations demeurent sous les deux pour cent. En raison de ce plafond, le manque à gagner des Premières Nations en matière de financement est de 9 milliards de dollars au cours des 20 dernières années.
  • Le budget ne précise pas comment se fera la scission du ministère des Affaires autochtones et du Nord en deux ministères distincts (l’un responsable des relations fédérales-autochtones, l’autre des services aux autochtones). Le budget ne donne pas d’indication non plus sur l’effet que cette scission aura sur le financement versé aux peuples et aux gouvernements autochtones. Le budget 2018 évoque vaguement les responsabilités des deux nouvelles entités, mais il ne fixe pas d’échéancier.

Autres mesures favorisant l’égalité

En plus des mesures clés portant sur l’équité salariale, l’égalité entre les sexes et le soutien aux peuples autochtones, le budget comporte d’autres mesures pour aider les personnes racisées et les groupes en quête d’égalité :

  • 31,8 millions de dollars sur trois ans pour soutenir les programmes s’adressant aux nouvelles arrivantes racisées.
  • 7,8 millions de dollars sur cinq ans pour les organismes communautaires qui aident les nouveaux arrivants, les Autochtones et les personnes ayant un handicap à obtenir du financement gouvernemental.
  • 23 millions de dollars de plus pour les programmes multiculturels.
  • 19 millions de dollars sur cinq ans pour les mesures communautaires de soutien aux jeunes Afro-Canadiens en difficulté.
  • 198 millions de dollars sur cinq ans pour la protection des droits des travailleurs étrangers temporaires, dont 3,4 millions sur deux ans pour un projet-pilote de réseau d’organismes de soutien à ces personnes. Cette mesure était attendue depuis très longtemps.
  • 81,4 millions de dollars sur cinq ans pour que le Canada élabore son propre Programme de protection des passagers, ce qui devrait répondre aux préoccupations entourant le fait que des personnes racisées, particulièrement des enfants, soient ciblées injustement en raison de l’utilisation d’une liste d’interdictions de vol produite par les États-Unis.
  • 12,8 millions de dollars pour l’aide juridique aux demandeurs d’asile.
  • 6,7 millions de dollars sur cinq ans pour que Statistique Canada crée un Centre pour les statistiques sur les sexes, la diversité et l’inclusion.
  • Les mesures budgétaires ont été soumises à une analyse comparative entre les sexes plus poussée (ACS+). Cela démontre clairement un souci d’évaluer les répercussions des mesures sur les groupes en quête d’égalité et les populations vulnérables, en plus de reconnaître explicitement que plusieurs personnes vivent de multiples formes de marginalisation. Le gouvernement annonce même qu’il déposera un projet de loi pour que l’ACS+ devienne partie prenante des processus budgétaires et de gestion des finances publiques. Cette analyse sera aussi étendue aux dépenses fiscales, aux transferts fédéraux et aux dépenses gouvernementales actuelles.
  • Ce budget consacre aussi de l’argent à l’obtention de données additionnelles sur la diversité et l’intersectionnalité. Le SCFP pressait le gouvernement fédéral et Statistique Canada de recueillir et de rendre disponibles beaucoup plus de données désagrégées par sexe, groupe ethnique et autres facteurs identitaires. Nous sommes heureux que cela se fasse enfin.

L’Allocation canadienne pour le travail

Le budget rebaptise la Prestation fiscale pour le revenu de travail (PFRT), qui devient l’Allocation canadienne pour le travail (ACT) et l’améliore comme le gouvernement l’avait promis dans sa mise à jour économique de l’automne. La prestation maximale annuelle de l’ACT sera plus généreuse, soit 1355 dollars. C’est 170 dollars de plus que la PFRT. En outre, la diminution des montants versés en vertu de l’ACT sera plus graduelle, au taux de 12 pour cent, plutôt que 14 pour cent. Enfin, son supplément pour invalidité augmente de 160 dollars. Et, puisque bon nombre de personnes à faible revenu qui y auraient eu droit ne la réclamaient pas sur leur déclaration de revenus, le gouvernement va demander à l’Agence du revenu du Canada de l’accorder automatiquement aux contribuables à faible revenu.

  • La majoration de cette prestation fiscale rehaussera le revenu de certains travailleurs pauvres. L’inscription automatique est une mesure souhaitable, puisque la PFRT est actuellement versée après coup, selon le revenu de l’année précédente. De plus, peu de gens s’en prévalent. Le budget fédéral alternatif avait proposé de bonifier le crédit de TPS au lieu de la PFRT, ce qui aurait profité à toutes les personnes à faible revenu, qu’elles aient un revenu d’emploi ou non. Même si l’ACT a un rôle à jouer, l’instauration d’un salaire minimum fédéral de 15 dollars l’heure aiderait davantage les travailleurs pauvres, et ce, à un coût moindre pour le gouvernement fédéral.

Les services de garde à l’enfance

Malheureusement, le budget 2018 ne consacre qu’une petite somme additionnelle aux services de garde à l’enfance, soit 100 millions de dollars pour « l’innovation en matière d’éducation préscolaire et de garde des jeunes enfants » et 95 millions pour « combler les lacunes afin de mieux comprendre ce à quoi ressemble la garde des jeunes enfants au Canada ».

  • Le SCFP et les militantes des services de garde réclamaient du gouvernement fédéral une augmentation annuelle du financement d’un milliard de dollars jusqu’à ce que cette enveloppe représente un pour cent du PIB, soit la référence reconnue mondialement. Nous reconnaissons les engagements et les actions du gouvernement en matière d’égalité entre les sexes, mais l’absence de financement et de progrès concrets dans le dossier des services de garde une lacune majeure de ce budget soi-disant consacré à égalité entre les femmes et les hommes.

L’assurance-médicaments

Une autre lacune importante de ce budget est l’absence de mesures concrètes dans le dossier de l’assurance-médicaments. Le budget annonce la création d’un conseil consultatif qui entamera « un dialogue national ». Il sera présidé par l’ancien ministre ontarien de la Santé, Eric Hoskins. Toutefois, aucun échéancier et aucune enveloppe budgétaire ne sont prévus au budget.

  • Le SCFP réclame depuis plusieurs années la création d’un régime universel d’assurance-médicaments pour venir en aide aux millions de Canadiens qui n’ont pas les moyens de faire remplir leurs ordonnances et qui, trop souvent, doivent choisir entre leurs médicaments et le loyer ou l’épicerie. Pourtant, après les études du directeur parlementaire du budget et du Comité permanent sur la santé, ainsi qu’une motion parlementaire pour la création de ce régime à laquelle le gouvernement Trudeau s’est opposé en octobre 2017, le temps des études devrait être terminé. Le gouvernement fédéral doit maintenant prendre un engagement politique et financier concret envers la réalisation de ce régime.
  • La déclaration du ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, faite immédiatement après le dépôt du budget et selon laquelle le régime national d’assurance-médicaments ne ferait que combler les lacunes du système sans être universel, est extrêmement troublante. Cette déclaration est en contradiction avec les preuves irréfutables et les avis d’expert sur cette question qui sont tous favorables à la création d’un système universel. Ce faisant tire des conclusions avant même que la consultation soit amorcée. Finalement, le ministre Morneau se place en conflit d’intérêts, puisque son cabinet familial, Morneau Shepell, est l’un des plus gros fournisseurs privés de prestations d’assurance-maladie aux employés. En raison de cette apparence de conflit d’intérêts, le ministre devrait se retirer du dossier. Le gouvernement devrait aussi prendre ses distances des commentaires du ministre.

L’environnement et les changements climatiques

Le budget fédéral prévoit 1,3 milliard de dollars sur cinq ans pour la création de nouvelles aires protégées (terres, plans d’eau), dont 500 millions qui iront au nouveau Fonds de la nature qui sera créé en partenariat avec d’autres organismes publics et privés. Ce fonds servira, entre autres, à protéger des terres privées. Le budget consacre aussi un milliard supplémentaire à la réalisation des études d’impact environnemental.

  • Ce financement correspond aux recommandations du budget alternatif fédéral et de la Coalition du budget vert pour un investissement de 1,4 milliard de dollars sur trois ans pour faire passer, d’ici 2020, la proportion des terres et des cours d’eau protégés à 17 pour cent et celle des océans à 10 pour cent.
  • Il faudra s’assurer que le nouveau Fonds de la nature ne sert pas à enrichir des propriétaires terriens et des entreprises privés.
  • Malheureusement, le budget ignore les priorités urgentes suivantes :
    • accroître notre contribution à la protection du climat mondial.
    • éliminer les dernières subventions aux carburants fossiles.
    • financer l’amélioration de l’efficacité énergétique des maisons.
    • financer la « transition juste » des travailleurs et des communautés touchées par l’abandon des carburants fossiles.
    • mieux financer les mesures d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques.
    • électrifier nos flottes de véhicules.

Équité fiscale

Les libéraux fédéraux avaient promis d’éliminer les échappatoires fiscales régressives. Le budget 2018 va beaucoup moins loin. Il n’ajoute qu’une petite somme à l’enveloppe de la lutte à l’évasion fiscale qui rapporte pourtant presque du cinq pour un au gouvernement.

Le budget va aussi moins loin que la proposition mise de l’avant par les libéraux pour une imposition équitable des revenus tirés d’investissements passifs dans des entreprises privées. Cette proposition visait l’élimination graduelle de la déduction accordée aux petites entreprises pour les revenus d’investissement passif au-delà de 50 000 dollars par année. En vertu du budget, les contribuables riches seront encore imposés au taux général des entreprises de 15 pour cent au lieu du taux d’imposition personnel le plus élevé de 33 pour cent.

  • Le budget 2018 n’impose pas équitablement les compagnies numériques étrangères comme Google et Facebook. L’iniquité fiscale qui nuit aux entreprises canadiennes et qui entraîne des pertes d’emplois dans tous les secteurs, particulièrement dans les médias et la radiodiffusion et la télédiffusion, est donc maintenue. Depuis plusieurs années, le SCFP demande au gouvernement de traiter les entreprises numériques canadiennes et étrangères fédéral équitablement. Malheureusement, le gouvernement fédéral préfère plaire aux géants étrangers du numérique au détriment des entreprises et des travailleurs canadiens.
  • Le SCFP a aussi demandé au gouvernement fédéral d’éliminer les échappatoires fiscales régressives, par exemple en éliminant la déduction pour option d’achat d’actions, en augmentant le taux d’inclusion dans les gains en capital et en haussant le taux fédéral d’imposition des entreprises. De plus, le SCFP a exhorté le fédéral à combattre l’évasion fiscale internationale en taxant les multinationales pour la teneur économique de leurs activités dans chaque pays. Ces mesures permettraient au gouvernement fédéral d’ajouter plusieurs milliards de dollars à ses revenus annuels. Les revenus des gouvernements provinciaux augmenteraient aussi substantiellement.

Les médias et la culture

Au lieu d’imposer équitablement les entreprises étrangères du numérique et d’obliger les diffuseurs numériques comme Netflix à cotiser au Fonds des médias du Canada qui a un besoin criant de financement supplémentaire, le budget 2018 préfère offrir des subventions en guise de dédommagement pour le financement perdu à cause des activités de ces compagnies. Le budget comporte une enveloppe de 10 millions de dollars par année pendant cinq ans pour un fonds de soutien au journalisme local « afin de veiller à intégrer les perspectives locales fiables ainsi que d’assurer la responsabilisation dans les communautés locales ». Il s’engage aussi à maintenir le financement du Fonds des médias du Canada au niveau de 2016-2017.

  • Les industries médiatiques et culturelles du Canada souffrent gravement des échappatoires fiscales qui favorisent les entreprises et les plateformes numériques étrangères au détriment des producteurs et des travailleurs canadiens. En effet, des dizaines de journaux et de médias ont cessé leurs activités dans diverses communautés, des centaines de travailleurs ont perdu leur emploi et le financement disponible pour les émissions et les films canadiens est en baisse depuis l’essor de Netflix. Quelles sont ces échappatoires fiscales ? On n’impose pas la TPS et les taxes de vente sur les services numériques importés (y compris les 3 milliards de dollars et plus qu’empochent Google et Facebook en publicités canadiennes). On permet aux entreprises de déduire entièrement leurs dépenses publicitaires sur ces plateformes numériques étrangères. On ne taxe pas les entreprises étrangères sur la teneur économique de leurs activités au Canada. Enfin, on n’oblige pas les services de diffusion numérique à cotiser au Fonds des médias du Canada. Toutes ces mesures profitent aux géants étrangers du numérique, au détriment des radiodiffuseurs et télédiffuseurs et des travailleurs canadiens. En outre, elles privent les gouvernements fédéral et provinciaux de plus d’un milliard de dollars annuellement.
  • Il est odieux de voir que le gouvernement fédéral n’a toujours pas la volonté de taxer équitablement certaines des plus grosses et des plus rentables entreprises étrangères au monde pour leurs activités au Canada. Au lieu, le budget 2018 prévoit des subventions pour atténuer une partie des dommages qu’entraîne cette absence d’équité fiscale. Une subvention de 10 millions de dollars par année au journalisme local, c’est mineur comparativement à l’étendue des dommages. Et l’utilisation de ces sommes par de tiers risque de poser problème. Il serait préférable de s’attaquer directement aux racines du problème, soit les échappatoires fiscales qui profitent aux géants étrangers du numérique, au détriment des entreprises et des travailleurs canadiens.

L’aide internationale

Le budget 2018 ajoute 2 milliards de dollars sur cinq ans à l’enveloppe de l’aide internationale, en mettant particulièrement l’accent sur les femmes et les filles, par l’entremise de la « Politique d’aide internationale féministe ». Aussi, 1,5 milliard de dollars sur cinq ans d’aide internationale déjà prévue seront réaffectés pour financer des outils « novateurs », comme des garanties, des apports en capital et des contributions remboursables.

  • Le budget alternatif fédéral et le Conseil canadien pour la coopération internationale réclamaient des augmentations substantielles pour que l’aide internationale atteigne 0,7 pour cent du revenu national brut (RNB). L’argent additionnel est le bienvenu, mais au terme des cinq années couvertes par l’annonce budgétaire, l’aide internationale canadienne n’atteindra même pas la moitié de cette cible. Le Canada peut et doit faire mieux. Au lieu d’offrir une aide publique adéquate, le gouvernement canadien est devenu un important promoteur du financement privé et de la privatisation à l’international, particulièrement des « obligations à impact social ». Le Canada devrait plutôt favoriser l’élargissement des services publics et des coopératives à l’étranger. Le Canada qui préside le G7 cette année devrait également profiter de cette position pour stimuler la coopération internationale en matière d’équité fiscale et de lutte aux paradis fiscaux. En effet, une approche internationale est nécessaire imposer les multinationales pour la teneur économique de leurs activités dans chaque pays. Les calculs montrent que l’évasion fiscale coûte beaucoup plus cher aux pays en voie de développement que ce qu’ils reçoivent en aide internationale.

Infrastructures

Le budget 2018 ne prévoit aucun investissement supplémentaire pour les infrastructures provinciales et municipales. Par contre, il consacre des fonds pour l’infrastructure des communautés autochtones et des universités, aux infrastructures numériques, à un projet conjoint entre Archives nationales et la Bibliothèque publique d’Ottawa, ainsi qu’à la Commission de la Capitale nationale.

Ce budget confirme un retard considérable dans les dépenses prévues en matière d’infrastructures : plus de 2 milliards de dollars qui devaient être investis l’an dernier ont été reportés et une autre somme de 2 milliards sera probablement reportée cette année. Cela signifie que le financement sera encore plus concentré à la fin de la période sur laquelle les investissements devaient être échelonnés. Ainsi, les dépenses prévues seront quatre fois plus importantes en 2027-2028 que dans le prochain exercice financier.

De plus, l’entrée en fonction de la Banque de l’infrastructure du Canada est beaucoup plus longue que prévu. La Banque n’a toujours pas trouvé son PDG. Il se pourrait qu’elle n’ait pas encore autorisé un seul projet d’ici la fin de l’année.

Le logement abordable

Le budget prévoit des investissements supplémentaires pour le logement des Premières Nations, des Inuits et des Métis, pour un total d’un milliard de dollars sur cinq ans. Malheureusement, la majorité de cette somme provient d’enveloppes existantes. En outre, le gouvernement va autoriser la Société canadienne d’hypothèques et de logement à faire passer l’enveloppe consacrée aux prêts sous l’Initiative Financement de la construction de logements locatifs de 2,5 milliards à 3,75 milliards de dollars. Cette mesure vise à accroître l’offre en logement. Cela dit, il n’y a rien de plus pour le logement social pour les moins nantis.

  • Ce budget fait très peu de choses pour clarifier ou mettre en œuvre les engagements pris dans la Stratégie nationale de logement.
  • Selon les projections du gouvernement, le financement ajouté à l’Initiative Financement de la construction de logements locatifs va entraîner la mise en chantier de 14 000 unités de logement, ce qui va atténuer la pression sur la classe moyenne dans les grands centres urbains comme Toronto et Vancouver. Or, cette mesure ne fait rien pour rattraper le retard au chapitre des réparations et des rénovations à apporter aux logements sociaux existants.
  • L’Association canadienne de logement et de rénovation urbaine (ACLRU) a demandé au gouvernement de consacrer une enveloppe distincte à la réparation et à la rénovation des logements sociaux existants, ainsi qu’une enveloppe distincte pour l’ajout de logements sociaux. Cela ne fait pas partie du budget.
  • La Fédération canadienne des municipalités a souligné qu’à la lumière du budget déposé, le gouvernement fédéral a raté une belle occasion de lancer en force la Stratégie nationale de logement. La FCM déplore aussi que le fédéral reporte à plus tard le financement nécessaire aux réparations critiques qui sont prêtes à aller de l’avant.
  • En créant un programme d’amélioration du rendement énergétique pour les propriétaires à faible revenu, on diminuerait leurs dépenses tout en aidant l’environnement. Mais il n’y a pas d’argent pour une telle mesure dans ce budget.

Le commerce

Le budget précise qu’il est important de diversifier les échanges commerciaux du Canada, mais révèle que le gouvernement s’attend à perdre plus de 2 milliards de dollars en recettes douanières dans les quatre prochaines années avec l’entrée en vigueur du Partenariat transpacifique, un accord sur le commerce et l’investissement auquel le gouvernement Trudeau souscrit.

La pauvreté

Les deux principales initiatives de lutte à la pauvreté du budget sont l’Allocation canadienne pour le travail et les mesures pour les Autochtones. Outre ces éléments, le budget contient très peu de mesures concrètes pour lutter contre la pauvreté.

  • Le budget fédéral alternatif proposait pourtant un plan global pour diminuer la pauvreté de 50 pour cent en trois ans, rétablir le Conseil national du bien-être social (ou une agence fédérale similaire de lutte à la pauvreté), créer un nouveau transfert fédéral de 4 milliards de dollars pour réduire la pauvreté, hausser le crédit pour la TPS, augmenter les prestations d’invalidité et les crédits d’impôt aux handicapés et instaurer un salaire minimum fédéral de 15 dollars l’heure.

La recherche, les sciences, l’innovation et l’éducation postsecondaire

La recherche, les sciences et l’innovation constituent l’autre gros pôle d’attraction du budget 2018. Le gouvernement ajoute 1,7 milliard de dollars sur cinq ans aux conseils subventionnaires, dont un nouveau fonds pour les trois conseils, une enveloppe additionnelle pour les Chaires de recherche du Canada et 231 millions de dollars pour un fonds de soutien à la recherche. Le budget ne fournit pas tout ce que recommandait l’Examen des sciences fondamentales, mais il alloue des fonds à la plupart des secteurs qui y étaient identifiés.

En tout, le budget 2018 alloue 6,4 milliards de dollars de plus sur cinq ans à la recherche, aux sciences, à l’innovation et aux programmes axés sur le commerce. Mais, étonnamment, il n’y a pas de ressources additionnelles pour les bourses d’études supérieures. Par contre, le budget contient les mesures suivantes :

  • 763 millions de dollars sur cinq ans pour la Fondation canadienne pour l’innovation.
  • 572 millions de dollars pour l’exploitation « des données massives ».
  • un nouveau Programme d’innovation dans les collèges et la communauté.
  • 540 millions de dollars de plus pour le Conseil national de recherches.
  • de l’argent frais pour le Programme d’aide à la recherche industrielle.
  • et de l’argent frais pour les organismes régionaux de développement.
  • Si ce budget réserve beaucoup d’argent aux sciences, à la recherche et à l’innovation dans les collèges et les universités, il prévoit très peu de choses pour les étudiants, les employés saisonniers à statut précaire et les autres travailleurs du secteur postsecondaire. Le SCFP avait demandé au gouvernement fédéral de présenter un projet de loi sur l’éducation postsecondaire (ÉPS) pour fixer des normes nationales, enchâsser le droit à l’ÉPS et créer un transfert fédéral réservé à ce secteur pour régler le manque de financement et contrôler la hausse des droits de scolarité.

Les régimes de retraite et la sécurité de la retraite

Il n’y a, dans ce budget, aucune mesure concernant spécifiquement les régimes de retraite et la sécurité de la retraite.

  • Le SCFP demande au gouvernement fédéral d’aller plus loin dans la bonification du Régime de pensions du Canada (RPC) et du Supplément de revenu garanti (SRG) et de modifier la loi sur la bonification du RPC pour inclure à toutes les prestations du régime les périodes d’exclusion pour invalidité ou pour élever des enfants, en plus de retirer le projet de loi C-27 qui autorise la conversion rétroactive de régimes de retraite sécuritaires en régimes à prestations cibles moins avantageux. En décembre 2017, les ministres fédéral et provinciaux se sont entendus pour augmenter les prestations de retraite à compter de 2019 pour les personnes pénalisées précédemment pour avoir élevé des enfants ou en raison d’une invalidité. Cependant, cette mesure risque d’être moins généreuse que les clauses d’exclusion qui s’appliquent aux prestations ordinaires du RPC.

L’assurance-emploi et la protection des salaires

Le budget 2018 propose de rendre permanent le programme « Travail pendant une période de prestation » et d’en faire profiter les bénéficiaires de prestations de maternité ou de maladie de l’assurance-emploi. Ce programme permet aux prestataires de l’assurance-emploi de garder jusqu’à 90 pour cent de leurs revenus. Il y a aussi un engagement à fournir aux provinces 230 millions de dollars, par l’entremise des ententes sur le développement de la main-d’œuvre, pour aider les travailleurs saisonniers qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi, ainsi qu’une enveloppe additionnelle de 128 millions de dollars sur trois ans pour améliorer le traitement des demandes au centre d’appels de l’assurance-emploi. Le fédéral compte faire passer les prestations maximales du Programme de protection des salariés de quatre à sept semaines. Elles couvriront aussi la paie de vacances, l’indemnité de départ et l’indemnité de licenciement.

  • Ce sont de bonnes mesures. Le financement additionnel pour le traitement des demandes à l’assurance-emploi devrait raccourcir les délais inacceptables que subissent plusieurs demandeurs. Malheureusement, il n’y a pas d’argent pour corriger le processus d’appel dysfonctionnel du Tribunal de la sécurité sociale mis sur pied par le gouvernement précédent. Le gouvernement se dit résolu à trouver la bonne solution, mais il faut agir de toute urgence. Plusieurs petits changements pourraient faire une grosse différence si on les mettait en œuvre tout de suite.
  • Nous sommes aussi déçus qu’on n’ait pas bonifié le Programme de protection des salariés pour offrir les mêmes protections aux retraités et prioriser ceux-ci dans les cas de faillite.

La formation, l’apprentissage et l’alphabétisation

Outre le financement accordé aux Autochtones, le budget contient peu de chose pour la formation, l’alphabétisation ou la création d’emplois directs. Voici ce qu’on y trouve :

  • une enveloppe additionnelle de 449 millions de dollars sur cinq ans pour Emplois d’été Canada.
  • une subvention incitative aux apprenties dans les corps de métiers qui donne jusqu’à 3000 dollars par année pour deux ans de formation.
  • un nouveau programme de préparation à la formation d’apprenti pour encourager les groupes sous-représentés (femmes, Autochtones, nouveaux arrivants, personnes ayant un handicap) à faire carrière dans les métiers spécialisés.
  • 32 millions de dollars sur trois ans pour un projet pilote qui aide les nouvelles arrivantes racisées à acquérir les compétences linguistiques et autres nécessaires pour intégrer le marché du travail.
  • 7,8 millions de dollars sur cinq ans pour un projet pilote qui permettra aux organismes communautaires qui œuvrent auprès des personnes vulnérables à obtenir du financement du gouvernement pour améliorer leurs compétences linguistiques et de base.

De plus, le budget annonce que le gouvernement fédéral mène un examen de ses programmes d’alphabétisation, de numératie et d’acquisition des compétences de base. On peut donc s’attendre à des changements dans ces domaines.

La sécurité et la cybersécurité

Le budget 2018 contient des enveloppes additionnelles pour la sécurité et la cybersécurité, dont 50 millions de dollars pour la santé mentale et le stress post-traumatique des agents de sécurité publique, les agents de la GRC y compris. Le budget reconnaît la dominance masculine dans le secteur de la sécurité publique, le harcèlement dont sont victimes les femmes et les minorités, ainsi que la nécessité de diversifier la main-d’œuvre dans ce secteur et de mettre en place des programmes et des mesures de lutte au harcèlement.

  • Nous sommes heureux de voir que le gouvernement fédéral bonifie son soutien aux agents de la GRC en consacrant 21,4 millions de dollars sur cinq ans à leur santé mentale. Par contre, il y a d’autres travailleurs de première ligne à la GRC (comme les opérateurs de télécommunications et les analystes au monitorage) qui vivent beaucoup de stress au travail, au point d’afficher un taux élevé d’épuisement professionnel. Le gouvernement fédéral doit s’occuper de la santé mentale de tous les employés de la GRC, autant les policiers que les civils, pour qu’ils puissent tous continuer à prodiguer d’excellents services à la population.

Les déficits, les revenus, les dépenses

Les conservateurs et les regroupements de gens d’affaires se plaignent que ce budget poursuit dans la voie des déficits, qu’il ne contient pas de baisses d’impôts pour les entreprises et qu’il augmente les dépenses, particulièrement à un moment où l’économie croît plus rapidement que prévu depuis un an.

Or, les projections de ce budget pour les cinq prochaines années sont très semblables, au chapitre du déficit, à ce qu’on trouvait dans l’Énoncé économique de l’automne 2017, nettement inférieures aux projections du budget 2017 et plutôt en phase avec ce que prévoyait le budget 2016.

La dette fédérale, exprimée en pourcentage du PIB, devrait être nettement inférieure aux projections précédentes, chutant sous la barre des 30 pour cent en 2019-2020, puis à 28,4 pour cent dans cinq ans. C’est un niveau d’endettement beaucoup plus bas que prévu.

Un gouvernement peut continuer d’accumuler un déficit annuel de manière responsable si le ratio dette-PIB diminue (la dette totale représente une part décroissante de l’économie), pourvu que l’économie croisse plus vite que la dette. C’est ce qui se passe au Canada en ce moment. En fait, il semble que, si la croissance économique a été plus forte que prévu l’an dernier, c’est en grande partie grâce à l’augmentation des dépenses progressistes effectuées par le gouvernement. Les services publics et l’Allocation canadienne pour enfants ont plus stimulé l’économie que l’avaient fait les baisses d’impôts et les dépenses en matière d’infrastructures du gouvernement conservateur.

On devrait plutôt s’inquiéter de la baisse prévue du pourcentage des dépenses du gouvernement fédéral par rapport à l’économie. Celles-ci passeront de 14,2 pour cent du PIB en 2017-2018 à 13,6 pour cent en 2022-2023. Cela représente une réduction des dépenses dans les programmes fédéraux de 15 milliards de dollars par rapport aux niveaux actuels. En fait, si les dépenses et les revenus du gouvernement fédéral correspondaient à leur moyenne respective pour les 50 dernières années, soit respectivement 15,4 et 16,4 pour cent du PIB, ils seraient tous deux supérieurs de 50 milliards de dollars en 2022-2023 que ce que prévoit ce budget.

Les prévisions fiscales du gouvernement révèlent aussi une tendance préoccupante : une réduction de la part des revenus du gouvernement provenant de l’impôt des entreprises et une augmentation de la part provenant de l’impôt des particuliers. Les revenus tirés de l’impôt des entreprises vont croître trois fois plus lentement que ceux de l’impôt des particuliers au cours des cinq prochaines années : 1,6 pour cent par année contre 4,5 pour cent. Jusqu’au début des années 1950, l’impôt des entreprises représentait au moins la moitié des revenus du gouvernement fédéral. Aujourd’hui, il en fournit moins du tiers.

Plusieurs mesures progressistes permettraient pourtant au gouvernement fédéral d’accroître ses revenus, comme le montre le budget fédéral alternatif. La mise en œuvre de ce dernier permettrait d’engranger plus de 12 milliards de dollars grâce à l’élimination des déductions sur les options d’achat d’actions et les gains en capital et un autre 12 milliards en ramenant le taux d’imposition des entreprises à ce qu’il était en 2006. Le gouvernement pourrait récupérer beaucoup plus d’argent en éliminant d’autres échappatoires fiscales régressives, en obligeant les multinationales (comme les géants étrangers du numérique) à payer leur juste part d’impôts et de taxes, ou encore en créant une taxe sur les transactions et les activités financières.

Le budget fédéral 2018 met l’emphase sur l’égalité. L’objectif est louable, mais les actions proposées sont insuffisantes dans plusieurs domaines névralgiques où le gouvernement fédéral a le pouvoir d’agir pour favoriser l’égalité, comme les services de garde, l’assurance-médicaments, la lutte à la pauvreté, l’amélioration des services publics et l’équité du système fiscal. D’ici aux élections fédérales du gouvernement Trudeau a encore un budget pour offrir plus que des promesses aux Canadiens dans ces dossiers.