Points saillants
- Le budget libéral rassure les grandes entreprises, mais ne contient que des promesses vagues et creuses pour le reste de la population.
- Le gouvernement s’appuie sur le principe erroné que ce qui est bon pour les entreprises est bon pour les travailleuses et travailleurs.
- Le budget de 2025 favorise les intérêts des grandes sociétés sans proposer de solutions concrètes aux travailleuses et travailleurs et à leurs familles.
Survol
Les libéraux s’attendent à ce que nos membres et nos proches acceptent bonnement les mesures d’austérité alors que les riches et les grandes sociétés récoltent les faveurs des libéraux.
Ce budget entraînera la perte de 40 000 emplois dans la fonction publique au cours des quatre prochaines années. Faute du renouvellement de fonds essentiels, le personnel du secteur des soins continuera d’être surchargé et sous-payé. Les libéraux n’ont pas corrigé les lacunes de l’assurance-emploi, du financement en santé, des services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants et des soins de longue durée, mais ils ont trouvé le moyen d’offrir aux riches des allègements fiscaux sur les jets privés et les logements locatifs inoccupés.
Mark Carney avait promis des changements transformateurs, mais son budget n’offre rien d’autre que des remaniements mineurs et des demi-mesures.
Les libéraux ont opté pour le statu quo pour ce qui est du financement des services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, laissant pour compte les parents sans place pour leurs enfants. Certaines mesures bénéficieront à nos membres, comme le crédit d’impôt pour les préposé(e)s aux services de soutien à la personne, la correction des erreurs de classification des emplois et la restriction du recours aux clauses de non-concurrence. Toutefois, des problèmes plus importants subsistent comme la nécessité d’obtenir des augmentations salariales suffisantes et le recours abusif à l’article 107.
Le SCFP se réjouit des investissements majeurs dans le Nord et les infrastructures autochtones. Toutefois, nous nous préoccupons de l’approche générale du gouvernement à l’égard des grands projets d’infrastructure, qui privilégie les occasions d’investissement pour les grandes entreprises plutôt que les retombées concrètes pour nos communautés.
Nous accueillons favorablement les investissements grandement nécessaires dans l’infrastructure sociale et le système de santé, mais ils proviennent en majorité d’une réaffectation des dépenses existantes, et les gains sont éclipsés par le nouvel élan donné à la privatisation sous différentes formes.
Les libéraux ont présenté d’importantes propositions, avec peu de détails, qui favorisent les partenariats public-privé et une approche unique à l’intelligence artificielle, au logement, à l’énergie et à l’infrastructure sociale. Nous ne pouvons pas appuyer ces plans sans indications claires sur la façon dont ils bénéficieront aux travailleuses et travailleurs et à leurs communautés.
Privatisation
Le budget de 2025 redonne de l’élan à la privatisation, passant à côté de belles occasions d’effectuer les investissements requis dans les infrastructures et les services publics sans recourir au privé.
La Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) voit son enveloppe de capital bonifiée de 10 milliards de dollars pour financer des « projets d’intérêt national » soumis au Bureau des grands projets. L’intention explicite est d’augmenter le nombre de projets soutenus par des investissements du privé — un modèle dont les ratés sont pourtant connus : moins bons services, moins bons emplois et coûts plus élevés.
Plusieurs investissements en capital annoncés dans l’ensemble du budget favorisent la privatisation des infrastructures publiques. Par exemple, pour accéder aux 6 milliards de dollars sur dix ans alloués au soutien de projets importants à l’échelle régionale, les municipalités devront solliciter des investissements du secteur privé. Le gouvernement fédéral ouvre également la porte à la privatisation partielle des grands aéroports.
Municipalités et financement des infrastructures communautaires
Le budget de 2025 annonce un investissement de 51 milliards de dollars dans le Fonds pour bâtir des collectivités fortes. Cependant, la plus grande partie de cet engagement financier provient en fait d’une réaffectation de fonds dont profitaient déjà les municipalités aux termes de plans d’investissement en capital comme le Fonds canadien pour les infrastructures liées au logement.
Ce nouveau fonds sera administré par Logement, Infrastructures et Collectivités Canada. Les gouvernements des provinces et des territoires agiront comme intermédiaire pour attribuer une partie de ce financement aux municipalités.
Le programme comprend trois volets :
• Un volet provincial et territorial qui fournira 17,2 milliards de dollars sur dix ans, à compter de 2026-2027, pour appuyer les infrastructures favorisant l’accès au logement (ex. routes, aqueducs, eaux usées), les infrastructures de santé (ex. hôpitaux) et les infrastructures collégiales et universitaires. Pour accéder aux fonds, les provinces et territoires doivent accepter de réaliser des investissements égaux à ceux du gouvernement fédéral, de réduire considérablement les redevances d’aménagement et de ne pas prélever d’autres droits qui entravent l’offre de logements. Cette façon de faire subventionne les promoteurs et les sociétés immobilières au détriment des recettes fiscales des provinces et des territoires. Le volet provincial et territorial prévoit réserver 5 milliards de dollars pour créer un fonds pour les infrastructures dans le domaine de la santé. L’exigence relative aux redevances d’aménagement et aux autres droits ne s’appliquera pas à ce fonds afin d’aider les provinces et les territoires à rapidement bâtir les infrastructures de santé dont la population a besoin.
• Un volet de prestation directe fournira 6 milliards de dollars sur dix ans, à compter de 2026-2027, pour soutenir des projets qui sont importants à l’échelle régionale, des rénovations majeures, l’adaptation climatique ou les infrastructures communautaires. Pour être admissibles à du financement au titre de ce volet, les promoteurs des projets seraient tenus de solliciter des investissements du secteur privé, y compris par l’intermédiaire du financement de la Banque de l’infrastructure du Canada. Autrement dit, l’infrastructure publique sera privatisée. En outre, les petites municipalités auront du mal à accéder au financement, faute de moyens ou de relations pour répondre à ce critère.
• L’actuel Fonds pour le développement des collectivités du Canada sera intégré au Fonds pour bâtir des collectivités fortes pour en devenir le volet communautaire. Ce volet fournira, comme prévu, 27,8 milliards de dollars sur dix ans, à compter de 2026-2027, et 3,0 milliards de dollars par année par la suite, pour appuyer des projets d’infrastructures locaux. Les problèmes relevés jusqu’à présent dans le processus de demande pour ce fonds ne sont toujours pas résolus.
Un point positif à cette annonce : le gouvernement fédéral tiendra désormais compte sans sa sélection des projets financés de facteurs comme le recours à des travailleuses et travailleurs syndiqués et à des ententes sur les avantages communautaires en matière d’emploi.
On salue aussi la création d’un nouveau Fonds d’infrastructure pour l’Arctique (1 milliard de dollars sur quatre ans) et d’un Fonds pour la diversification des corridors commerciaux (5 milliards de dollars sur sept ans) auxquels les municipalités pourront accéder.
Le budget de 2025 reconduit aussi le Programme amélioré pour l’approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées des Premières Nations en y consacrant 2,3 milliards de dollars sur trois ans à compter de 2026-2027. Ce financement devrait permettre de maintenir les progrès réalisés à l’égard de 800 projets actifs et de poursuivre le travail en vue d’éliminer les avis concernant la qualité de l’eau potable.
Logement
Le budget de 2025 contient très peu d’annonces sur le financement du logement. L’agence Maisons Canada semble prometteuse, mais on ignore encore comment elle fonctionnera. On peut lire ici la liste de nos attentes pour Maisons Canada. On aimerait connaître les cibles et échéances du gouvernement fédéral pour le financement des promoteurs de logements hors marché en vue de faire construire 50 000 nouvelles unités de logement social par année pendant dix ans.
Dans ce budget, le gouvernement fédéral dédaigne de prendre des mesures audacieuses pour garantir la protection des locataires, notamment par des mécanismes de régulation des loyers et des logements vacants. De plus, il ne s’attaque pas à la financiarisation du secteur, laissant les grandes sociétés continuer à profiter de notre système de logement.
Santé
Le budget de 2025 maintient les transferts en santé de 2025-2026 à 2027-2028. Des coupes de 300 millions de dollars par année sont cependant prévues en 2028-2029 et 2029-2030 étant donné que le Transfert canadien en matière de santé augmentera alors en fonction d’une moyenne mobile sur trois ans de la croissance du PIB nominal (un accroissement d’au moins 3 % par année du financement restant garanti). Ce choix est préoccupant, puisque le PIB nominal ne reflète pas adéquatement l’inflation des coûts de santé. En fait, l’inflation et la population vieillissante feront en sorte que le coût réel pour maintenir les niveaux de service dépassera forcément la croissance du PIB nominal. La croissance du PIB nominal n’est pas un bon indicateur des besoins économiques réels dans les secteurs de la santé et des services publics. Le budget prévoit 600 millions de dollars supplémentaires par année en transferts relatifs aux soins de longue durée, mais ces transferts arriveront à échéance après 2027-2028.
En raison de ces changements, la part du financement fédéral allant au budget de santé des provinces et des territoires diminuera au cours des cinq prochaines années. Le budget ne mentionne pas si la Loi canadienne sur la santé sera appliquée ni si des normes seront instaurées sur les soins de longue durée, ce qui laisse le champ ouvert à la privatisation rampante qui sévit dans ce secteur.
Le SCFP s’inquiète grandement des coupes prévues dans le Transfert canadien en santé, celles-ci étant plus fortes que prévu. Si les gouvernements des provinces et des territoires n’ont pas la volonté ou la capacité de pallier ce manque, il en résultera vraisemblablement des pertes d’emploi, une dégradation des salaires et des avantages sociaux, des surcharges de travail, et une augmentation des risques en milieu de travail et du surmenage chez nos membres.
Le budget effleure à peine la question de l’assurance médicaments et du régime de soins dentaires : il maintient les dépenses prévues et évoque un possible élargissement des programmes, sans fournir plus de détails à ce propos. Le SCFP aurait aimé trouver dans le budget fédéral une hausse du financement et des mesures pour élargir ces programmes essentiels, et continuera de militer en faveur de l’expansion de ces deux programmes sur lesquels comptent beaucoup de ses membres.
Le budget de 2025 propose un nouveau crédit d’impôt temporaire pour les préposé(e)s aux services de soutien à la personne. La plus grande partie de la somme de 1,48 milliard de dollars affectée à ce programme provient d’un financement déjà engagé pour appuyer les hausses de salaire des préposé(e)s. Seulement trois ententes bilatérales ont été signées jusqu’à présent en vertu de ce programme : avec la Colombie-Britannique (232 millions de dollars), Terre-Neuve-et-Labrador (25 millions) et les Territoires du Nord-Ouest (5,3 millions). Les préposé(e)s admissibles travaillant dans les autres provinces et territoires pourront réclamer un crédit d’impôt remboursable correspondant à 5 % de leurs revenus admissibles, pour un soutien pouvant atteindre 1 100 $ par an. Même s’il est temporaire, ce programme profitera à nos membres. Nous continuerons toutefois à militer pour plus de mesures fédérales qui permettront d’offrir à ces travailleuses et travailleurs des hausses salariales suffisantes et durables.
Services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants
Le SCFP souhaite que le système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants soit un succès. Jusqu’à présent, celui-ci ne parvient toutefois pas à offrir des services à toutes les familles qui en ont besoin. Afin d’élargir l’accès à ces services, le gouvernement doit investir massivement dans l’infrastructure et le personnel des services éducatifs à la petite enfance.
Le SCFP réclamait 10 milliards de dollars sur 5 ans consacrés au recrutement et à la rétention de travailleuses et travailleurs dans le secteur par l’intermédiaire de transferts aux provinces destinés à améliorer les salaires, les régimes de retraite et les avantages sociaux. Le SCFP a aussi demandé un investissement supplémentaire de 15 milliards de dollars sur 5 ans dans le Fonds d’infrastructure pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants. Nous soutenons depuis longtemps que tout financement fédéral destiné à l’éducation à la petite enfance devrait être versé uniquement aux fournisseurs du secteur public ou à but non lucratif, ou à des gouvernements et organisations autochtones.
Le gouvernement a maintenu le financement précédemment annoncé en éducation à la petite enfance, soit environ 8 milliards annuellement, dont 625 millions pour le Fond d’infrastructure : ce qui est loin d’être suffisant pour atteindre l’objectif d’offrir une place subventionnée dans un milieu accrédité à 65 % des enfants de moins de six ans. Le budget ne limite pas le financement à l’expansion des services publics et à but non lucratif. Le gouvernement pourrait cependant encore exiger des provinces qu’elles plafonnent les services privés dans les plans d’action et les accords bilatéraux qui n’ont pas encore été négociés.
Les membres du SCFP qui ont actuellement accès à des services pour leurs jeunes enfants peuvent toutefois se rassurer. Il était essentiel de protéger le financement actuel pour maintenir l’abordabilité des services, bien que ce financement demeure insuffisant. D’autant plus qu’il laisse pour compte les familles qui n’ont actuellement pas de place pour leurs enfants. Le budget de 2025 est loin de répondre aux besoins des membres du SCFP qui travaillent dans ce secteur, particulièrement dans les provinces où les avantages sociaux, les salaires et l’accès à un régime de retraite demeurent insuffisants. Sans les mesures nécessaires pour retenir la main-d’œuvre dans ce secteur, les listes d’attente continueront de s’allonger.
Intelligence artificielle
Le budget 2025 n’applique pas les mesures nécessaires pour protéger les travailleuses et travailleurs contre les risques de l’intelligence artificielle (p. ex. un observatoire canadien sur l’IA et le travail, ou encore des lois et règlements pour protéger les travailleuses et travailleurs contre les risques de l’IA sur le marché du travail).
Pour répondre aux besoins du secteur public, on devrait privilégier une infrastructure publique souveraine d’IA qui fournirait les capacités de calcul nécessaires aux systèmes d’IA. Les données sensibles sur la santé, l’éducation et l’immigration que détient le gouvernement doivent être hébergées sur des serveurs appartenant à l’État et situés en territoire canadien. Au-delà de la puissance de calcul, le gouvernement fédéral devrait construire des modèles d’IA souverains fondés sur des données d’entraînement canadiennes et encadrés par des lois strictes en matière de confidentialité et d’IA.
On craint que le gouvernement fédéral signe d’autres protocoles d’entente avec des sociétés d’intelligence artificielle cherchant à profiter du secteur public. Le gouvernement fédéral doit collaborer avec les travailleuses et travailleurs et les syndicats afin de concevoir des outils numériques qui renforceront la capacité humaine plutôt que de mener à la suppression d’emplois et à la privatisation des services publics. La façon dont le gouvernement entend intégrer l’IA – en supprimant des emplois – est un coup bien bas à la population.
Le SCFP se réjouit de la mise en place du programme de mesure des technologies et de l’intelligence artificielle (TechStat) par Statistique Canada. Ce programme améliorera la collecte de données sur les répercussions de l’IA sur les travailleuses et travailleurs. Nous n’avons actuellement pas les données nécessaires pour en saisir la portée. Les syndicats doivent participer à l’élaboration de ces outils de collecte de données afin de s’assurer qu’ils recueilleront l’information nécessaire pour orienter les politiques et protéger les travailleuses et travailleurs. Un observatoire sur les effets de l’IA sur le travail devrait être mis sur pied en parallèle.
Secteur des transports
Le budget de 2025 s’attaque à la crise des infrastructures aéroportuaires du Canada au moyen de mesures visant à attirer les investissements privés, notamment en négociant des prolongations de baux avec les administrations aéroportuaires, en permettant de réaliser plus d’activités de développement économique sur des terrains aéroportuaires et en examinant les formules actuelles d’établissement des loyers de baux fonciers pour les aéroports.
L’objectif du gouvernement est de garantir « à long terme la viabilité et la compétitivité » des aéroports du Canada. Cette forme de privatisation des aéroports se traduira par une augmentation des coûts pour les voyageuses et voyageurs et pour les Canadien(ne)s.
Le SCFP se réjouit quand même de deux annonces dans le budget concernant les investissements dans les infrastructures publiques, soit le Programme d’aide aux immobilisations aéroportuaires et le Fonds d’infrastructure pour l’Arctique. Ces deux initiatives ont le potentiel d’améliorer l’accès et les services, notamment en facilitant l’accès aux aéroports régionaux et aux autres moyens de transport dans le Nord.
Médias et télécommunications
Le SCFP espérait un budget stable, mais accordant une modeste augmentation au financement de l’Office national du film (ONF). Or, l’ONF voit son budget de fonctionnement réduit de 3,3 millions de dollars sur quatre ans, ce qui pourrait entraîner de nouvelles contraintes structurelles après la mise à pied de quelque 50 employé(e)s en 2024. Parallèlement, l’Office reçoit 26,1 millions de dollars supplémentaires (sur trois ans) pour soutenir la création de contenu canadien et l’économie. Il y a ainsi un risque que les personnes qui travaillent à l’ONF ne bénéficient pas de cet argent, qui servira plutôt à privatiser les services publics assurés depuis des années par des membres du SCFP. L’ONF a déjà subi plusieurs coupes, si bien qu’il ne lui reste plus beaucoup de marge de manœuvre pour fonctionner sans compromettre sa mission publique essentielle.
Le SCFP espérait aussi que ce budget soutienne davantage les diffuseurs en leur donnant accès au crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne et en renforçant la Loi de l’impôt sur le revenu. Le gouvernement fédéral attend peut-être l’issue d’une contestation judiciaire de l’application de la Loi sur la radiodiffusion par le CRTC, cette tentative d’obliger les plateformes de diffusion en continu à payer pour le contenu journalistique diffusé sur leur site Web. Hélas, plus les interventions en faveur des diffuseurs canadiens tardent, plus la menace de perte d’emplois plane sur le secteur.
Services sociaux
Le Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS) est le troisième plus important transfert fédéral en bloc aux provinces et aux territoires, après le Transfert canadien en matière de santé et la péréquation. Il fournit du financement pour l’éducation postsecondaire, l’aide sociale, les services sociaux, le développement de la petite enfance, et l’apprentissage et la garde des jeunes enfants.
Depuis 2009-2010, la loi prescrit une augmentation annuelle de 3 % de ce financement jusqu’en 2027. De 2021 à 2023, l’inflation a dépassé cette augmentation annuelle, amoindrissant la valeur réelle des transferts et érodant le pouvoir d’achat lié à ce financement. Les organisations et agences publiques et à but non lucratif du secteur des services sociaux ont désespérément besoin d’une augmentation du financement pour surmonter les difficultés qui secouent le secteur à l’échelle du pays.
Malheureusement, le budget de 2025 se contente de respecter la loi avec une hausse annuelle de 3 % jusqu’en 2027, qu’il prévoit maintenir jusqu’en 2030. Aucun financement n’est consacré à l’élaboration d’une stratégie sur la main-d’œuvre, stratégie dont le secteur des services communautaires et des organismes à but non lucratif a pourtant grandement besoin.
Le budget de 2025 prévoit un paiement unique supplémentaire de 150 $ au titre de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées pour compenser les coûts associés à la demande de crédit d’impôt afférente. Les libéraux proposent en outre d’exclure du calcul du revenu au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu la Prestation canadienne pour les personnes handicapées afin que les bénéficiaires la conservent en entier.
Éducation (postsecondaire, primaire et secondaire)
Le budget de 2025 ne prévoit rien de concret pour remédier à la crise financière qui frappe les établissements d’enseignement postsecondaire partout au Canada. Les trois organisations subventionnaires (le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, et les Instituts de recherche en santé du Canada) verront leur financement disponible réduit de 2 %, une baisse qui va à l’encontre des hausses durement acquises qui avaient été promises dans le budget 2024. En principe, les collèges et les universités seront admissibles à du financement dans le cadre du nouveau Fonds pour bâtir des collectivités fortes (volet provincial et territorial), mais les critères d’admissibilité comprennent la recherche d’investissements privés, contrainte qui accentuera la privatisation rampante du secteur postsecondaire.
Une autre annonce troublante du gouvernement Carney est la Stratégie d’attraction des talents internationaux et le plan d’action connexe, qui semblent surtout viser les chercheuses et chercheurs des États-Unis. Cette supposée stratégie ne fait rien pour améliorer la santé de l’écosystème postsecondaire ni garantir la stabilité et le soutien dont a besoin le personnel du milieu de l’enseignement postsecondaire à court et à long terme.
Le SCFP est consterné de constater l’inaction du gouvernement fédéral pour remédier au gel général des fonds alloués en vertu du principe de Jordan aux enfants autochtones vivant hors réserve. Les écoles employaient les sommes versées dans le cadre du principe de Jordan pour pallier le manque de financement découlant des incessantes compressions provinciales. Le sous-financement provincial combiné au gel fédéral des fonds provoquera la perte de centaines d’emplois et plongera les familles et les communautés dans l’incertitude quant à la possibilité pour leurs enfants d’obtenir le soutien et les ressources nécessaires à leur réussite scolaire. Le processus de financement semble certes nécessiter certaines modifications, mais celles-ci ne doivent pas se faire au détriment des emplois en éducation, ou des services communautaires et aux familles. Le budget de 2025 fait abstraction de la nécessité de mobiliser ces fonds afin d’assurer le financement adéquat des mesures de soutien destinées aux Autochtones que le principe de Jordan visait à protéger.
Environnement
La Stratégie de compétitivité climatique confirme que le gouvernement préfère subventionner les entreprises du secteur pétrolier et gazier plutôt que de mettre en place des mesures concrètes pour l’environnement. D’un côté, le budget prévoit des allègements fiscaux pour les installations de gaz naturel liquéfié et de captage et stockage du carbone prétendument à faibles émissions de carbone. De l’autre, il laisse pour compte les travailleuses et travailleurs en n’abordant ni la protection des emplois ni la transition juste pour la main-d’œuvre du secteur.
Le gouvernement se détourne du plafonnement des émissions dans le secteur pétrolier et gazier, et promet d’améliorer la tarification du carbone industriel, sans trop de détails. Les changements annoncés concernant la mise en œuvre d’autres politiques climatiques majeures manquent aussi de précisions, et laissent présager un nouveau recul vis-à-vis d’autres engagements climatiques.
La création d’un service jeunesse pour le climat financé à la hauteur de 40 millions de dollars offrira de bons emplois aux jeunes dans ce domaine, mais ne suffit pas pour avoir un impact tangible.
Énergie
Le SCFP réclamait dans le budget 2025 des investissements dans un réseau électrique d’est en ouest. Toute nouvelle ligne de transport devrait être détenue et gérée par le secteur public. Même si le gouvernement fédéral reconnaît la nécessité de développer de nouvelles sources d’énergie propre et d’étendre le réseau électrique interprovincial, il ne s’est pas engagé à financer un réseau d’est en ouest. Il utilise plutôt les fonds publics pour financer le secteur pétrolier et gazier, alors que les changements climatiques exigeraient plutôt d’investir dans les énergies renouvelables.
Le budget confirme également l’investissement de trois milliards de dollars pour la construction et l’exploitation de quatre petits réacteurs modulaires (PRM) au nouveau projet nucléaire de Darlington situé à Bowmanville, en Ontario. Il semblerait que la conception et la construction relèveront d’un partenariat avec GE Hitachi, tandis que le secteur public financera, détiendra et exploitera le projet. Le budget mentionne que ce projet soutiendra 3 700 emplois annuellement pendant 65 ans, en plus de quelque 18 000 emplois pendant la phase de construction. Cette annonce figure parmi les initiatives du gouvernement en matière d’énergie propre. Des questions subsistent quant aux profits que le gouvernement de l’Ontario pourrait dégager de la commercialisation de la technologie des PRM à l’échelle internationale, et quant à la stratégie sous-jacente aux emplois qui seront créés.
Assurance-emploi et formation
Le budget de 2025 ne prévoit pas de réformes qui rendraient l’assurance-emploi plus accessible ou viable pour les travailleuses et travailleurs.
Le SCFP se réjouit cependant de voir le gouvernement fédéral prolonger ses mesures temporaires d’assurance-emploi comme l’annulation de la période d’attente d’une semaine et la suspension de la répartition de la rémunération payée en raison d’une cessation d’emploi, ce qui permet aux travailleuses et travailleurs mis à pied de conserver leur indemnité de départ plutôt qu’elle soit déduite de leurs prestations d’assurance-emploi. Le gouvernement doit toutefois encore régler la faille qui empêche les travailleuses mises à pied pendant un congé de maternité ou peu après leur retour d’accéder à l’assurance-emploi.
Le gouvernement fédéral doit aussi revoir son Allocation canadienne pour la formation et sa prestation d’assurance-emploi de soutien à la formation afin d’y intégrer les travailleuses et travailleurs précaires, et augmenter à au moins 26 semaines le soutien à la formation (partie II de la Loi sur l’assurance-emploi) afin de permettre l’inscription aux programmes de certification dans les domaines en demande. Les travailleuses et travailleurs en départ volontaire devraient aussi être admissibles aux programmes de formation de l’assurance-emploi dans des domaines connexes, ce qui permettrait par exemple aux préposé(e)s aux soins personnels de suivre la formation pour devenir infirmière ou infirmier auxiliaire autorisé, ou au personnel de soutien à la petite enfance de devenir éducatrice ou éducateur de la petite enfance.
Le budget de 2025 reconduit la contribution de 570 millions de dollars sur trois ans pour les ententes sur le développement du marché du travail conclues avec les provinces et les territoires afin de favoriser l’aide à l’emploi et à la formation destinée aux travailleuses et travailleurs touchés par les droits de douane et les changements sur les marchés mondiaux. Cette somme est largement insuffisante, et ne compense pas les compressions des budgets précédents du côté de la formation.
On annonce par ailleurs un investissement de 382,9 millions de dollars sur cinq ans pour établir de nouvelles alliances pour la main-d’œuvre qui réuniront employeurs, syndicats et groupes industriels. Un nouveau Fonds d’innovation pour la main-d’œuvre investirait dans des projets locaux afin d’aider les entreprises dans les secteurs et régions visés à recruter et à maintenir en poste la main-d’œuvre dont elle a besoin. Une nouvelle plateforme nationale de formation sera également lancée en partenariat avec le secteur privé pour faciliter la recherche d’emploi. Ces mesures ont toutefois peu de chance de véritablement répondre aux besoins actuels du milieu.
Législation du travail
Le SCFP ne s’oppose pas aux propositions du budget 2025 visant à remédier aux erreurs de classification des effectifs dans les secteurs sous réglementation fédérale, mais ces mesures ne corrigent pas les lacunes importantes du Code canadien du travail que nous avons à maintes reprises portées à l’attention du gouvernement. L’inaction du gouvernement pour réviser et modifier la partie III du Code est particulièrement décevante. Il lui suffirait d’y préciser que la rémunération débute dès qu’un(e) employé(e) prend son service pour mettre un terme au travail non payé dans le secteur aérien, sans besoin d’entreprendre une coûteuse investigation sur le dossier, qui est déjà bien documenté.
Le SCFP appuie les propositions du gouvernement fédéral concernant l’échange de données entre l’Agence du revenu du Canada et Emploi et Développement social Canada pour faciliter l’application et l’exécution du Code canadien du travail en ce qui concerne la classification des effectifs. Cependant, cette initiative illustre une fois de plus le manque de planification stratégique des libéraux, puisqu’il n’y a pas assez de fonctionnaires pour appliquer les pénalités en cas d’infraction. À quoi bon augmenter les pénalités si celles-ci ne peuvent pas être réclamées ensuite?
Régime de retraite de la fonction publique
Le budget fédéral annonce la tenue de consultations sur l’équité des prestations de retraite du secteur public.
Les détails sont limités, mais le résultat est que la bonification du Régime de pensions du Canada de 2016 échappera aux participant(e)s au régime de pension du secteur public. Le régime de pension du fédéral est modeste et présente de bons excédents. Les mesures proposées réduiront de manière permanente la contribution du gouvernement. C’est une attaque directe au régime de retraite de la fonction publique.
Le gouvernement fédéral prévoit aussi financer son programme d’incitation à la retraite anticipée à même les excédents du régime de retraite. Le nom trompeur d’« Équité des prestations de retraite du secteur public » donné à ce projet dans le budget de 2025 dissimule l’intention du gouvernement Carney de tout simplement couper dans le régime de retraite de la fonction publique. Ces modifications au régime sont qualifiées « d’économies » pour les travailleuses et travailleurs touchés, une tactique classique utilisée par les employeurs pour faire croire aux employé(e)s que la coupe dans leur pension de retraite est à leur avantage.
Le SCFP condamne ces manœuvres, et dénonce l’imposition unilatérale de ces changements par l’intermédiaire du budget fédéral, malgré le vague engagement des libéraux de mener des « consultations » sur le sujet. Le gouvernement cherche clairement à empêcher les fonctionnaires de négocier ces changements à la table de négociation, un autre exemple de son mépris envers les principes de négociation collective.
