Karin Jordan | Service des communications

Il est de plus en plus évident que la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) se sert d’une petite municipalité ontarienne comme projet-pilote pour privatiser les systèmes d’eau et d’eaux usées partout au pays.

En juillet dernier, la BIC a annoncé qu’elle utiliserait des fonds publics pour réduire les coûts d’un partenariat public-privé (PPP) pour le traitement des eaux du canton de Mapleton, en Ontario. Dans les faits, La BIC subventionne les coûts d’emprunt du secteur privé pour un PPP d’une durée de 20 ans portant sur la conception, la construction, le financement, l’exploitation et l’entretien des installations actuelles et futures de traitement de l’eau et des eaux usées de Mapleton.

De plus, des documents de la BIC obtenus en vertu de la Loi sur l’accès à l’information indiquent que la banque prévoit utiliser Mapleton comme modèle pour privatiser les systèmes d’eau et d’eaux usées dans d’autres municipalités et communautés autochtones.

Les PPP n’ont rien de novateur : ils existent depuis des décennies et ont maintes fois été critiqués par des vérificateurs généraux et d’autres experts. En plus de coûter cher et de dépouiller les municipalités du contrôle de services vitaux, les PPP ne sont pas transparents. Malgré d’importantes pressions, les PPP ne se sont jamais implantés dans le secteur de l’eau, d’où l’offensive de la BIC contre les systèmes municipaux.

Le fléau de la privatisation de l’eau

Des documents de la BIC obtenus en vertu de la Loi sur l’accès à l’information révèlent ce qui est en jeu. Ces documents, provenant d’un sous-comité du comité d’administration de la BIC dominé par le secteur privé, comprennent une présentation d’avril 2019 sur le secteur de l’eau et des eaux usées qui analyse les possibilités et les problèmes que doivent gérer les entreprises qui tentent de tirer profit de ce secteur. De grandes sections de la présentation sont caviardées, dont une section entière sur une « stratégie d’approche du marché ».

La plupart des municipalités canadiennes n’ont pas encore privatisé leurs systèmes de traitement des eaux. Elles possèdent et exploitent directement ces systèmes, et des membres du SCFP gèrent ces services dans plusieurs communautés.

La présentation de la BIC montre que la banque prévoit tirer parti du sous-financement public et du sous-investissement dans les réseaux municipaux de traitement des eaux. Plutôt que de proposer la solution la plus simple et la plus rentable – un financement public ou des prêts publics à faible coût – la présentation préconise de « nouveaux modèles d’investissement » pour « encourager les investissements dans les actifs liés à l’eau et aux eaux usées ».

Mapleton sert de banc d’essai

PressProgress a d’ailleurs signalé que les responsables de la BIC croient que le projet de Mapleton « pourrait s’avérer un projet-pilote et un modèle pour d’autres communautés du Canada confrontées à des problèmes d’eau et d’eaux usées ». Les PPP ne sont généralement proposés que pour les projets de plus de 100 millions de dollars, en raison des honoraires très élevés des consultants et des avocats qui négocient les accords. La BIC a pour objectif de supprimer cet obstacle.

Les documents de la BIC soulignent également que le manque d’informations centralisées sur les projets hydriques à venir constitue un obstacle à la privatisation, ce qui présente les activités de collecte de données de la BIC sous un nouveau jour.

La grande majorité de la population canadienne ne souhaite pas que les systèmes d’eau et d’eaux usées soient gérés par des entreprises qui cherchent à réaliser des profits. La présentation de la BIC souligne que « l’opposition publique à la propriété privée » représente un obstacle au contrôle et à l’exploitation des systèmes d’eau potable et d’eaux usées par le secteur privé au Canada.

Les efforts de privatisation du fédéral vont à contre-courant

Alors que les libéraux fédéraux font la promotion de la privatisation des systèmes d’eau et d’eaux usées par l’intermédiaire de la Banque de l’infrastructure du Canada, beaucoup de municipalités mettent fin à la privatisation et reprennent le contrôle de leurs systèmes.

Le Transnational Institute a étudié cette tendance croissante. Ces 20 dernières années, au moins 311 gouvernements municipaux ou régionaux de 36 pays ont rapatrié à l’interne leurs systèmes d’eau et d’eaux usées. Huit communautés canadiennes sont du nombre : White Rock, Port Hardy et Sooke en Colombie-Britannique, Taber, Okotoks et Banff en Alberta, ainsi qu’Owen Sound et Hamilton en Ontario.

Dans les pays où la privatisation de l’eau est généralisée, les exemples de rapatriement à l’interne sont encore plus nombreux. En France, 109 municipalités ont repris le contrôle de leurs systèmes et services d’eau et d’eaux usées. Plus de 70 villes américaines, 38 municipalités espagnoles et 17 municipalités allemandes ont fait de même.

Apprenez-en plus et impliquez-vous en visitant le scfp.ca/pas-a-vendre