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Un architecte se retire d’un projet d’hôpital en PPP

Moshe Safdie, un architecte de renommée mondiale, a démissionné comme concepteur principal d’un hôpital en PPP de Montréal, en insistant sur les dangers de la construction d’établissements publics à des fins lucratives.

Célèbre pour son design d’Habitat 67 et du Musée des beaux-arts du Canada, M. Safdie a décidé de se retirer du projet d’hôpital du Centre universitaire de santé McGill au début de décembre. Selon lui, les PPP sont « extrêmement problématiques » et obligent à « rogner sur les coûts ». Les services de M. Safdie et de sa firme basée à Boston avaient été retenus avant que le gouvernement du Québec ne décide de construire l’hôpital en PPP.

Il a déclaré au quotidien montréalais The Gazette que « l’objectif du promoteur privé…est de produire la solution la moins chère possible » en ajoutant qu’il craignait « de devoir faire des compromis ». Les inquiétudes de Moshe Safdie ont été renforcées quelques jours plus tard quand l’architecte Michael Fieldman a retiré sa soumission pour la conception d’un hôpital en PPP à Abbotsford, en Colombie-Britannique.

  • Mise à jour : l’article du 15 décembre de Lisa Rochon, journaliste en
    architecture pour le Globe and Mail, sur Moshe Safdie et les PPP (en anglais seulement). 

M. Fieldman a déclaré aux médias que certains exploitants privés rognent sur le coût des matériaux et que la facture des réparations reviendra en bout de ligne au secteur public à la fin du contrat du PPP. « Lorsque vous confiez un projet au secteur privé, c’est le profit qui compte, a-t-il affirmé à The Gazette. Les promoteurs sont là pour faire de l’argent. »

Conçus pour échouer

Messieurs Safdie et Fieldman ont bien raison de s’inquiéter, compte tenu des problèmes créés par les écoles et les hôpitaux privatisés dans d’autres provinces, et ailleurs dans le monde. Les compressions commencent par une donnée aussi fondamentale que le nombre de lits d’hôpitaux. Ouvert depuis six semaines à peine, le nouvel hôpital en PPP de Brampton, en Ontario, s’est attiré des critiques virulentes. Le décès de deux patients a déclenché un tollé dans la collectivité et le gouvernement provincial a dû nommer un superviseur pour l’établissement.

Bien que le gouvernement nie tout lien avec la privatisation, la Coalition ontarienne de la santé souligne que même si les coûts de construction ont presque doublé, passant de 350 à 650 millions de dollars, l’hôpital ne compte que les trois quarts des lits promis – ils sont passés de 608 à 479.

Beaucoup de problèmes ont aussi affligé le centre de santé mentale en PPP de l’Hôpital Royal Ottawa, qui a ouvert ses portes il y a un an. Selon un rapport récent, l’hôpital devait au départ offrir 284 lits à un coût de 95 millions de dollars. Aujourd’hui, il compte 188 lits et a coûté 146 millions de dollars – 51 millions de dollars de plus que le budget original et beaucoup moins de lits que prévu.

Bien des gens prédisent une pénurie similaire de lits pour les hôpitaux en PPP de Victoria et d’Abbotsford, en Colombie-Britannique. Les coûts de construction de l’hôpital d’Abbotsford ont grimpé en flèche et, pourtant, le nombre de lits n’a pas bougé, malgré une population en rapide croissance. Au moins un médecin a été si indigné qu’il a renoncé à ses droits hospitaliers plus tôt cette année.

En Grande-Bretagne, la privatisation a mené à une diminution des lits d’hôpitaux et à une piètre conception des écoles et des hôpitaux. Dans ce pays, les architectes critiquent depuis longtemps les effets de la privatisation sur les écoles et les hôpitaux. En 2006, la Commission for Architecture and the Built Environment (CABE), financée par le gouvernement, a conclu que la moitié des nouvelles écoles construites étaient mal conçues. De ce nombre, neuf des dix écoles les plus mal conçues étaient des écoles en IFP. (Les Initiatives de financement privé(IFP) sont l’équivalent britannique des PPP.)

Les chercheurs britanniques, dont Allyson Pollock, experte en IFP, ont constaté que la construction d’hôpitaux en IFP avait entraîné une diminution de lits d’hôpitaux d’environ 30 pour cent.

La CABE a qualifié la première vague d’hôpitaux en IFP de Grande-Bretagne de « désastres urbains » et, en 2004, a affirmé que les plans de l’Hôpital Royal London étaient « loin de satisfaire aux normes que devrait respecter l’un des plus importants projets de construction du secteur public au pays ».

Le chien de garde du gouvernement en matière de conception a aussi averti qu’un certain nombre d’écoles et d’hôpitaux construits pendant la première vague d’IFP pourraient devenir vétustes avant la fin de leur cycle de vie.

Un rapport publié en 2005 par la CABE concluait que bien que les projets en IFP pourraient, en théorie, livrer une bonne conception, en pratique ils ne le font pas. Le rapport constate que la « très grande majorité des édifices en IFP commandés jusqu’à maintenant n’ont été ni conçus, ni construits selon des normes suffisamment strictes et que la prestation des services publics en souffre ».

Des architectes et des médecins écossais protestent contre les IFP

Les effets de la privatisation sur la conception des édifices – et sur les services publics – ont incité Malcolm Fraser, un architecte écossais renommé, à démissionner plus tôt cette année de son poste de vice-président d’Architecture and Design Scotland (A+DS) pour protester contre les écoles et hôpitaux en IFP.

Dans sa lettre de démission, M. Fraser critique sévèrement les écoles écossaises
en IFP. « Les meilleures ne sont pas assez bonnes et les pires me remplissent de désespoir pour les générations de jeunes vies qui auront à subir des classes obscures, des installations médiocres et des terrains de jeux déprimants. »

La démission de Malcolm Fraser a incité d’autres architectes à s’exprimer et, au début du mois, l’organisation qu’il a quittée a critiqué les IFP. Richard Young, président d’A+DS, a présenté le rapport annuel de l’organisation en soulignant qu’il était « franchement inacceptable qu’il existe encore des projets conçus selon les normes de qualité les plus faibles et dont le but est le profit à court terme au détriment du gain collectif à
long terme ».

Dès 1999, les médecins écossais ont demandé un moratoire sur les hôpitaux en IFP lorsqu’ils ont appris que les exigences du bilan financier avaient mené à la réduction du nombre de lits au Royal Infirmary d’Édimbourg. Ils ont renouvelé leur critique la semaine dernière en soulignant les « pénuries de lits, les problèmes financiers, la mauvaise conception, la qualité médiocre et la diminution des niveaux de soins dus aux IFP ». L’association s’élève aussi contre « le détournement de fonds publics qui vont remplir les coffres du secteur privé ».

La riposte prend de l’ampleur un peu partout. En Irlande du Nord, un nouveau groupe consultatif du gouvernement semblable à la CABE exige aussi la fin des IFP, affirmant le processus « fait passer l’argent avant la qualité ».