Dans le cadre de l’engagement du SCFP d’apprendre des expériences des personnes autochtones, noires et racisées, et de célébrer leurs réussites, nous vous présentons des membres du Comité national pour la justice raciale et du Conseil national des Autochtones. L’article de ce mois-ci présente Cora Mojica, membre du Comité national pour la justice raciale.

Nourrir la lutte collective

Cora Mojica est préposée au service alimentaire à l’Hôpital général de Vancouver, le plus grand hôpital de la Colombie-Britannique. Chaque jour depuis 2005, elle aide à la préparation et à la distribution des repas de milliers de patient(e)s — les accueillant ces jours-ci à la station de jus et de lait de l’une des nombreuses lignes de service animées.

Mais comme l’histoire de tant d’autres travailleuses et travailleurs immigrants ou racisés dans le secteur de la santé, celle de Cora est marquée autant par l’adversité que par l’entraide.

Cora a entamé son parcours syndical sous la pression de la privatisation. « J’allais tout simplement au travail, mais je constatais déjà l’ampleur de l’injustice », dit-elle, se rappelant ses débuts, alors que les services étaient sous-traités à l’entreprise multinationale Sodexo. Les salaires étaient bas, les congés de maladie et les vacances étaient minimes, et la majorité des employé(e)s — surtout des femmes immigrantes — était surchargée et sous-payée.

Lorsqu’en 2005, ses collègues de travail ont déclenché une grève pour obtenir une première convention collective, Cora a été appelée à donner un coup de pouce comme cheffe de piquet. Elle ne s’était jamais imaginé occuper un poste de leadership, mais elle est rapidement devenue une personne ressource pendant les 52 jours de grève. « On devait organiser l’horaire de piquetage et selon les quarts prévus pour les services essentiels afin que les membres puissent retourner travailler à l’intérieur. On subissait beaucoup de pression de l’employeur. C’était vraiment difficile, mais on a réussi. On a obtenu une légère amélioration des salaires et des conditions de travail. » C’est à ce moment-là que son engagement syndical a pris forme et n’a plus jamais été remis en question.

Militer pour un système de santé public

En 2001, le gouvernement libéral provincial a adopté la loi 29, ouvrant la porte à la sous-traitance des services de soutien dans les hôpitaux de la Colombie-Britannique. Pendant près de 20 ans, Cora et les autres membres du Syndicat des employé(e)s d’hôpitaux (SEH) ont travaillé pour des entreprises privées comme Sodexo, menant une lutte constante pour plus de dignité dans des conditions difficiles.

Après des années de militantisme et de lobbyisme — et grâce à la campagne Make It Public du SEH — des travailleuses et travailleurs comme Cora ont réussi à faire monter suffisamment la pression pour ramener les services à l’interne. Leurs efforts, combinés à une mobilisation politique stratégique pour faire élire un gouvernement néodémocrate provincial, ont porté fruit. En 2017, la province a commencé à révoquer la privatisation, et en 2021, Cora et ses collègues étaient officiellement de retour dans le secteur public.

« Je me souviens quand, durant le congrès du SEH en 2018, on a regardé en direct le vote du NPD pour abroger la loi 29. C’était émouvant. Ce n’était même pas certaines que ça allait marcher », se rappelle-t-elle. « Quand nos emplois ont finalement été rapatriés à l’interne en 2021, au lieu de 17 $ de l’heure sans régime de retraite, on a commencé à recevoir 24 $ avec l’accès à un régime de retraite et à de bien meilleurs avantages sociaux. C’est énorme, surtout pour les plus jeunes qui commencent. »

Cora continue de militer et de s’impliquer activement dans les négociations et la sensibilisation du grand public. Elle a notamment participé comme panéliste à une conférence du SCFP présentée par la Coalition canadienne de la santé sur la syndicalisation des travailleuses et travailleurs du privé. « Les gens ne savent pas que nos salaires sont si bas », dit-elle. « Ils ne réalisent pas qu’il y a plusieurs secteurs dans un hôpital. Beaucoup d’entre nous ont deux ou trois emplois pour arriver à joindre les deux bouts. On a les plus petits salaires. »

Pourtant, Cora a toujours accompli son travail avec dévouement et intégrité. « En arrivant au Canada, tu fais ton travail, correctement et de manière sécuritaire », dit-elle. Elle a souvent été responsable de l’orientation des nouvelles recrues et elle est rapidement devenue celle vers qui les collègues se tournaient. « Il y avait huit personnes déléguées, mais pour une raison ou une autre, les gens venaient me voir. Peut-être parce que je les écoutais? » plaisante-t-elle. « C’est beau d’accompagner quelqu’un et de l’aider à prendre sa place. »

Miser sur la justice et l’esprit de communauté

Originaire des Philippines, Cora n’aurait jamais cru vivre un jour au Canada. « Je regardais les avions passer au-dessus de moi », raconte-t-elle. « J’étais la fille aînée d’une famille de 10 enfants, et je voulais devenir enseignante pour être celle qui donne l’exemple. Mais quand mon père est mort en 1982, j’ai dû mettre du pain sur la table et m’occuper de mes frères et sœurs. » Elle a étudié en secrétariat, enchaîné plusieurs emplois, puis elle est arrivée au Canada en 1987, se retrouvant des années plus tard sur la ligne de front d’une des plus grandes batailles pour des soins de santé publics.

Aujourd’hui, en toutes circonstances, Cora met en pratique les valeurs qui l’ont guidée tout au long de son enfance : le respect, l’équité et la compassion. « J’ai grandi dans une grande famille, on partageait tout », dit-elle. « Quand j’ai vu des employeurs traiter leurs employé(e)s de manière injuste, j’ai senti le besoin d’intervenir. Je fais tout simplement ce qui est juste et équitable pour tout le monde. »

Cora représente la diversité ethnique en tant qu’une des six personnes à la vice-présidence à la diversité du SEH. Elle est aussi membre du Comité national pour la justice raciale du SCFP depuis 2018. Elle aide à mobiliser les membres, à partager des ressources avec les sections locales et à rejoindre les travailleuses et travailleurs trop souvent laissés pour compte, notamment les personnes non syndiquées et migrantes. « Nos efforts en matière d’équité sont importants. Ils sont à la base de l’intersectionnalité », ajoute-t-elle. « À l’échelle nationale, j’ai appris ce qui se passe dans d’autres provinces et j’ai compris qu’on fait face aux mêmes problématiques. »

Cora est aussi une militante de longue date et ancienne membre du conseil d’administration de Migrante C.-B., un organisme communautaire qui soutient les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires et migrants venant des Philippines et d’ailleurs. « C’est difficile pour les nouvelles recrues », explique-t-elle. « Elles arrivent ici avec beaucoup d’espoir, après avoir dépensé beaucoup d’argent, avec la promesse d’un emploi, pour se rendre compte qu’il n’y a rien qui les attend. » La langue est souvent le premier grand obstacle et, pour Cora, la solution commence par les relations humaines. « C’est pour ça qu’il faut résoudre les problèmes face à face. Chaque situation est différente. On a besoin d’empathie. Il faut observer, écouter et aider quand on le peut. »

Reconnaître la force des travailleuses et travailleurs

En septembre 2024, Cora a reçu un honneur exceptionnel : la Médaille du couronnement du roi Charles III, soulignant son parcours d’engagement communautaire et de militantisme. Le prix lui a été remis le 12 septembre — la même date que celle de son arrivée au Canada, en 1987.

« J’étais tellement surprise quand le ministre de la Santé de la Colombie-Britannique, Adrian Dix, m’a appelée. Je ne suis pas habituée à me vanter. Je fais ce travail parce qu’il me passionne », dit-elle. « Après toutes ces années à faire toutes ces choses, cette médaille n’était pas juste pour moi — elle est pour les travailleuses et travailleurs qui n’ont jamais baissé les bras. »

Pour Cora, c’est justement cette lutte collective qui rend la Stratégie du SCFP de lutte contre le racisme indispensable. « Dans notre comité au SEH, on a vraiment insisté à la mettre en œuvre », explique-t-elle. « Parce qu’elle ne s’applique pas juste aux membres du syndicat. Elle s’applique aussi aux personnes qui ont un emploi non syndiqué, aux travailleuses et travailleurs migrants, aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires. À tout le monde. On a même inclus la stratégie dans nos résolutions à cause de la fierté qu’on en ressentait. »

Cora voit le syndicat comme sa famille élargie. « Le SEH est ma deuxième famille, et le SCFP est la troisième », dit-elle. Cora souhaite mettre en valeur les gens qui l’entourent. « J’adore parler aux membres. Beaucoup ne savent même pas ce qu’est vraiment le syndicat et je leur dis : ensemble, on est le syndicat. Il faut participer, s’impliquer, prendre la parole, tisser des liens. On doit s’encourager mutuellement à s’investir — surtout les jeunes. L’avenir leur appartient. »

Quand on lui demande quel conseil elle donnerait aux autres membres autochtones, noir(e)s ou racisé(e)s, elle n’a aucune hésitation : « Partage ton histoire. Chaque petit pas compte. Si tu n’as pas de syndicat, l’employeur peut faire ce qu’il veut. Et si tu en as un, utilise ta voix pour changer la donne, pas juste pour toi-même, mais pour tout le monde. »

Pour en savoir davantage sur la Stratégie du SCFP de lutte contre le racisme, notamment sur l’objectif 4 — « Apprendre de l’expérience des membres noirs, autochtones et racisés et célébrer leurs réussites » —, rendez-vous à scfp.ca/stratégie_contre_le_racisme. Voyez également les conseils pour mettre en œuvre la Stratégie dans votre section locale.