Dans son rapport annuel de 2017, la vérificatrice générale de l’Ontario déplore, encore une fois, les graves problèmes causés pour la privatisation. Elle souligne aussi le manque de capacité du système de santé.

La vérificatrice générale, Bonnie Lysyk, poursuit ses critiques contre les problèmes systémiques du programme de partenariats public-privé (PPP) de l’Ontario. En Ontario, on ne parle plus de PPP, mais de DMFA pour diversification des modes de financement et de l’approvisionnement. Malgré le nouveau nom, les problèmes persistent.

Bonnie Lysyk a identifié six grands problèmes dans l’entretien des seize hôpitaux ontariens opérés par le secteur privé.

  1. Les contrats en PPP entraînent de longs différends avec les entrepreneurs, particulièrement sur la question des travaux non prévus au contrat.
  1. Les hôpitaux sont tenus de payer des tarifs déraisonnables aux entrepreneurs si ceux-ci estiment que les travaux d’entretien ne sont pas prévus au contrat.
  • Pour réaliser les travaux jugés « excédentaires » par l’entrepreneur, l’hôpital est quasiment forcé de faire appel à cet entrepreneur, sans quoi il devra assumer à nouveau les risques associés à l’entretien des actifs visés, alors que la « raison d’être » d’un PPP est de transférer ces risques à l’entreprise privée.
  1. Les entreprises impliquées dans les PPP qui affichent de mauvais résultats obtiennent encore des contrats. Une de ces compagnies a obtenu un contrat d’une valeur de 1,3 milliard de dollars en 2016, puis un autre de 685 millions de dollars en 2017.
  • La vérificatrice générale a constaté « qu’Infrastructure Ontario n’avait pas tenu compte des différends des entreprises privées avec les propriétaires de projet pendant la phase d’entretien des projets existants de DMFA. Ainsi, des entreprises privées membres d’un consortium qui avaient affiché un rendement médiocre au chapitre de l’entretien des immeubles (nombreuses situations de manquement et des différends avec les hôpitaux et d’autres entités gouvernementales) étaient membres d’autres consortiums qui se sont vu attribuer des ententes de DMFA additionnelles. »
  1. Les hôpitaux manquent de fonds pour les ententes de services d’entretien.
  • Quatre hôpitaux interrogés par la vérificatrice générale ont demandé des fonds additionnels au ministère de la Santé et des Soins de longue durée (MSSLD) ou ont informé la vérificatrice générale qu’ils avaient manqué de fonds, mais ils n’avaient pas présenté de demande de fonds additionnels au ministère. Ces hôpitaux ont indiqué qu’au total, la pénurie de fonds s’est chiffrée à 8,1 millions de dollars en 2015‑2016.
  • Le ministère a distribué une enveloppe additionnelle pour venir en aide aux hôpitaux opérés en PPP, mais, selon les hôpitaux interrogés par la vérificatrice générale, ce financement additionnel ne couvre pas tout le manque à gagner. Les directions d’hôpitaux ont dit à la vérificatrice qu’elles devaient réduire le financement dans d’autres secteurs couverts par leur budget existant afin de compenser.
  1. Les deux grands avantages escomptés d’une entente d’entretien en PPP ne se sont pas concrétisés. Voici les deux avantages escomptés par les hôpitaux :
  • les paiements mensuels versés par les hôpitaux pour les services d’entretien doivent couvrir tous les travaux d’entretien, et ce, à l’intérieur de l’enveloppe budgétaire prévue à l’entente de PPP.
  • en contrepartie, les hôpitaux transfèrent les risques associés aux travaux d’entretien à l’entreprise privée. « Par contre, tous les hôpitaux que nous avons contactés ont répondu qu’ils ne bénéficiaient pas de ces avantages en raison de différences d’interprétation des ententes de [PPP] par les entreprises du secteur privé », peut-on lire dans le rapport de la vérificatrice.
  1. Les hôpitaux ont dit à la vérificatrice générale que les méthodes de règlement des différends par « étapes » prennent trop de temps et sont inefficaces.
  • Dans un cas, l’hôpital a informé la vérificatrice que 30 des 84 chambres à pression d’air négative n’ont pas été utilisées de mai 2015, date à laquelle la construction de l’hôpital a été considérée comme substantiellement achevée, à juillet 2017, moment où l’entreprise privée a finalement reconnu le problème et pris des mesures pour le corriger. En vertu de la partie de l’entente traitant de l’entretien, il incombe pourtant à l’entrepreneur signataire de l’entente de PPP de rendre ces chambres disponibles. Le PDG de l’hôpital estime qu’il s’agit d’un problème grave, parce que les chambres à pression d’air négative sont utilisées pour le contrôle des infections. Le PDG a en outre soulevé que même après avoir reconnu le manque de disponibilité des chambres, l’entreprise privée a continué à prendre son temps pour répondre et régler le problème. De l’avis de l’hôpital, les sanctions imposées à l’entrepreneur devraient être plus élevées pour favoriser un règlement plus rapide. À ce jour, l’hôpital a retenu des paiements 139 000 dollars, soit la valeur des sanctions imposées pour deux mois. En juillet 2017, la situation n’avait toujours pas changé de façon tangible.
  • Dans un autre hôpital, le système d’alarme personnel portatif, un système de surveillance central qui vise à assurer la santé et la sécurité des patients, du personnel et des visiteurs, a connu des défaillances répétées depuis janvier 2014. La situation n’avait toujours pas changé en 2017. Les exemples de défaillance comprennent les fausses alarmes, les ralentissements du système, les problèmes liés aux caméras de sécurité des bureaux et au verrouillage des portes. L’hôpital et l’entreprise privée ne s’entendent pas sur le montant de la pénalité, soit des retenues sur les paiements dus à l’entreprise privée. L’hôpital a affirmé que le montant des retenues autorisées en vertu de l’entente de PPP totalise plus de 71,4 millions de dollars sur trois ans, mais l’entreprise privée n’a reconnu aucune faute. En outre, l’hôpital a engagé plus de 2,3 millions de dollars en frais juridiques, de consultation et autres honoraires professionnels depuis janvier 2014 pour régler ce problème.

Ce rapport de la vérificatrice générale s’intéresse à une seule facette des ententes de PPP : l’entretien des installations. Ses rapports précédents font cependant état de graves problèmes dans la politique globale du gouvernement en matière de PPP.

La vérificatrice générale de l’Ontario souligne divers autres problèmes concernant la privatisation et la capacité insuffisante des hôpitaux :

  • Le ministère de la Santé et des Soins de longue durée n’a pas adéquatement mis à jour sa liste de prix pour les tests réalisés en laboratoire privé depuis 1999. Il a l’intention de mettre en place une nouvelle liste de prix cette année, mais s’il l’avait fait dès 2015‑2016, il aurait économisé 39 millions de dollars.
  • En outre, le ministère n’a pas procédé à un réexamen sérieux de la facturation des médecins qui réclament un grand nombre de tests en laboratoire. Quinze médecins ont commandé pour 600 000 à 1,4 million de dollars de tests en une seule année. Chacun de ces quinze médecins a commandé plus de 75 000 tests en un an. La vérificatrice ne mentionne pas que certains médecins possèdent des laboratoires privés, mais cette réalité soulève la possibilité de conflits d’intérêts.
  • Pour 15 types de cancer sur 17, les chirurgies urgentes ne respectent pas le délai de 14 jours ciblé par le ministère.
  • Le délai pour la transplantation de cellules souches dépasse la cible fixée par Action Cancer Ontario : une fois et demie le délai pour les patients qui ont des cellules souches en banque, sept fois le délai pour ceux où il faut utiliser les cellules souches d’une autre personne.
  • Parfois, le gouvernement envoie des patients aux États-Unis pour un traitement, ce qui coûte en moyenne 660 000 dollars, soit près de cinq fois le coût moyen du traitement en Ontario (128 000 dollars). Au total, le manque de capacité hospitalière de l’Ontario coûtera au gouvernement plus de 90 millions de dollars entre 2015 et 2021.

Ce texte est une version écourtée et traduite de l’article « Six more problems with public-private partnerships (P3s) » publié sur le blogue Defend Public Health Care, du Conseil des syndicats d’hôpitaux de l’Ontario du SCFP.