Berenice Celeita, dirigeante de NOMADESC (Association pour la recherche et l’action sociale), un partenaire du SCFP, a assisté au congrès du SCFP-Colombie-Britannique en avril 2018. Elle a accordé une entrevue au SCFP quelques mois à peine avant l’élection du gouvernement de droite du président Ivan Duque Marquez. La situation à laquelle étaient confrontés les militants des mouvements sociaux était désastreuse à l’époque. L’élection de Duque aggrave la situation et rend le besoin de solidarité encore plus urgent.

Voici la traduction intégrale de sa conversation avec Dan Gawthrop, conseiller en communications du SCFP. Steve Stewart de CoDevelopment Canada assurait la traduction simultanée. La transcription originale a été raccourcie par souci de clarté.

DG : L’un des récits les plus alarmants en provenance de Colombie porte sur l’assassinat des dirigeants syndicaux. La situation a-t-elle changé ?

BC : Malheureusement non, bien que les objectifs aient changé dans une certaine mesure. Au début, on ciblait les dirigeants syndicaux, puis les journalistes. Maintenant, on vise surtout les leaders communautaires qui luttent pour protéger les terres. Depuis décembre 2016, date de la signature des accords de paix, 285 leaders communautaires et défenseurs des droits de l’homme ont été assassinés.

DG : Les militants syndicaux sont-ils toujours en danger ?

BC : Oui. À Cali, dans l’ouest du pays, une liste où figurent les noms de dirigeants syndicaux et de membres de NOMADESC est publiée tous les six ou huit mois. La menace est claire : « Nous vous surveillons. Continuez comme ça et nous irons vous chercher ».

DG : Qu’est-ce qui est à l’origine des assassinats et des menaces ?

BC : Le modèle économique de développement préconisé par le gouvernement est incompatible avec l’essor des communautés paysannes, autochtones et afro-colombiennes. Le changement de cibles est lié au conflit avec les multinationales qui veulent prendre le contrôle des terres. Depuis 2010, le gouvernement colombien a signé 17 accords de libre-échange. Le premier a été conclu avec le Canada.

DG : Quel est le niveau d’implication du Canada dans ses activités illégales ?

BC : Depuis la conclusion de l’accord avec le Canada, les compagnies canadiennes prennent plus de place. Le secteur le plus important est évidemment celui des mines, mais on trouve aussi des entreprises canadiennes qui ont investi dans les services publics privatisés. Par exemple, des sociétés de portefeuille achètent des barrages et des concessions minières. Elles ont des capitaux qui proviennent du Canada, mais aussi de nombreux autres pays, et elles sont inscrites en bourse.

Cela ne signifie pas nécessairement que les compagnies canadiennes commanditent les meurtres ou qu’elles y sont directement liées. Mais si elles sont actives dans les zones où se déroulent les violences et qu’elles ne disent rien, elles contribuent à cacher la réalité.

DG : Que peuvent faire le SCFP et ses militants ?

BC : Il est très important d’exposer sur la scène internationale ce qui se passe en Colombie depuis la signature de l’accord de paix. Il faut insister auprès du gouvernement colombien pour que les communautés et les organisations sociales soient intégrées au processus de paix. Les militants doivent effectuer des pressions sur les gouvernements colombien et canadien pour que le concept de consentement préalable, libre et éclairé soit respecté lors de toute occupation des terres affectant les moyens de subsistance des communautés.

Nous devons continuer à soutenir la formation des jeunes militants et des militants communautaires pour stimuler la recherche et l’organisation populaire. Il est très important de continuer à envoyer des délégations syndicales en Colombie pour qu’elles voient ce qui se passe sur le terrain. Je suis convaincue que si je suis en vie aujourd’hui, c’est grâce aux actions de solidarité.