Cette lettre d’opinion, signée par Marc Ranger, directeur québécois du SCFP, a été publiée ce 12 novembre par les journaux de la Coopérative nationale de l’information indépendante.
Ce 12 novembre à 10 h, nous avons pris une pause en soutien au personnel de la santé et des services sociaux, au personnel de l’éducation, qui affrontent une crise sanitaire sans précédent. Dans des conditions difficiles, ces femmes et ces hommes se mettent à risque pour assurer les services à la population. Les chances de contracter la COVID-19 pour le personnel de la santé sont 10 fois plus élevées que dans la population en général. À ce jour, c’est plus de 18 000 travailleuses et travailleurs de la santé, mais aussi de l’éducation, qui ont eu un diagnostic positif… 12 en sont décédés.
Ce 12 novembre, nous avons pris une pause pour Marcelin François, 40 ans. Lui et sa famille étaient récemment arrivés au Québec par le fameux chemin Roxham. Il était préposé aux bénéficiaires la fin de semaine, sans statut, sans syndicat, sans droits, à l’emploi d’une agence de placement qui l’affectait d’une résidence à l’autre au gré des besoins. Il s’était vu refuser le statut de réfugié. Souvenons-nous de lui. Je prends une pause pour Stéphanie Tessier, préposée aux bénéficiaires, âgée de 31 ans, qui travaillait au CHSLD Lucien-G. Rolland; pour Victoria Salvan, préposée aux bénéficiaires au CHSLD Grace Dart, qui était à quelques mois de sa retraite; pour Marina Thenor Louis, préposée aux bénéficiaires au CHSLD Cartierville; pour Sylvain Roy, préposé aux bénéficiaires au CHSLD Lionel-Émond; pour Thong Nguyen, préposé aux bénéficiaires à l’hôpital Jean-Talon; pour Patrick Péladeau, préposé aux bénéficiaires au CHSLD Lionel-Émond; pour Marie-Caona Lamitié, préposée aux bénéficiaires à la Ressource intermédiaire Place Lacordaire; pour Laurence Ménard, technicienne en travail social au CLSC Drummond; pour Sam Laguerre, adjoint administratif au CHSLD Providence-Saint-Joseph; pour Huy Hao Dao, médecin à la Direction de la santé publique de la Montérégie. Ces personnes ont toutes contracté la COVID-19 dans l’exercice de leur fonction lors de la première vague et en sont mortes.
Ce 12 novembre, nous avons pris une pause pour les dizaines de milliers de travailleuses et de travailleurs de l’éducation qui soutiennent, à bout de bras, élèves et parents pour que les apprentissages se fassent dans les meilleures conditions possibles, malgré les réformes, la pénurie de main-d’œuvre, les conditions de travail déficientes, la pression sans cesse grandissante, les risques à la santé face à des installations souvent non conformes.
Ce 12 novembre, nous avons pensé à ces femmes et ces hommes qui, après chaque quart de travail au cours de la première vague, revenaient à la maison les larmes aux yeux, en ayant côtoyé toutes ces personnes âgées qui n’ont pas eu droit aux soins intensifs, qui sont mortes dans des conditions extrêmement difficiles, sans famille, mais accompagnées dans la mort par des personnes dévouées, totalement dédiées à leurs tâches.
Ce 12 novembre, nous avons pensé à toutes ces personnes âgées qui sont mortes seules, par manque de personnel.
Ce 12 novembre, journée de mise à jour économique, alors que le Québec dépensera 14 milliards d’argent public au cours des prochaines années pour des projets d’infrastructures, des routes, des ponts, etc., afin de relancer l’économie, il est grand temps d’accorder la priorité aux personnes, aux ressources humaines qui font en sorte que nos services publics ne s’effondrent pas, qui font en sorte que la population passe à travers les pires crises.