Une étude universitaire encourage fortement les hôpitaux de l’Ontario à établir des ratios de personnel sécuritaires
Selon une étude universitaire qui vient de sortir, l’imposition de ratios infirmière/patient(e)s pourrait sauver des vies, améliorer la santé générale des patient(e)s et atténuer la crise du personnel hospitalier en Ontario.
Une recension approfondie des études portant sur les niveaux de dotation, de témoignages de personnel infirmier en Ontario et des normes de dotation instaurées en Californie, en Colombie-Britannique, en Nouvelle-Écosse et en Australie a permis de conclure que les hôpitaux en Ontario devaient adopter des mesures similaires pour garantir un effectif suffisant en tout temps.
« Les données montrent sans équivoque que l’imposition de ratios infirmière/patient(e)s sauve des vies », observe le Dr Jim Brophy, coauteur de l’étude et chercheur affilié à l’Université de Windsor. « En lui assignant une charge de travail raisonnable, le personnel infirmier qui travaille dans des milieux à risque élevé pourra fournir des soins de qualité et sauver des vies. »
Les preuves sont irréfutables. L’une des études examinées a même établi que, pour chaque patient(e) en trop attribué à une infirmière ou un infirmier, le taux de décès augmentait de 7 %. Il ressort d’une étude menée au Royaume-Uni que les hôpitaux avec un effectif infirmier bas avaient un taux de mortalité 26 % plus élevé que les autres. À l’inverse, les hôpitaux en Californie ont vu régresser le taux de mortalité depuis l’imposition de ratios infirmière/patient(e)s en 2004.
Le Dr Jim Brophy précise que les ratios infirmière/patient(e)s sont généralement associés à des effets positifs : moins d’erreurs médicales, moins de risques d’infection et moins de réadmissions.
La Dre Margaret Keith, co-autrice de l’étude, explique que l’imposition de ratios infirmière/patient(e)s pourrait aider à remédier à la pénurie de personnel infirmier en Ontario. Le nombre d’emplois vacants dans le domaine a augmenté de 43 % entre 2022 et 2024.
« Les ratios permettent de garantir un effectif suffisant et d’améliorer la satisfaction du personnel, en plus de réduire le taux de blessures, l’épuisement professionnel et la détresse morale qui survient quand il n’est pas possible d’apporter des soins optimaux. En réglant ces problèmes, on réduira nettement les problèmes de maintien en poste et de recrutement dans les hôpitaux de l’Ontario », soutient-elle.
D’après les données recueillies par l’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario en août 2025, 16 437 infirmières autorisées ne travaillent pas dans leur domaine. La Dre Margaret Keith note que l’Ontario ferait bien de suivre l’exemple de Victoria, une province d’Australie qui, depuis l’imposition de ratios infirmière/patient(e)s, a vu grimper de 24 % ses effectifs infirmiers et revenir au travail plus de 7 000 infirmières et infirmiers.
« Cette histoire prouve qu’il est possible de remettre en état le système de santé et de réduire le taux d’attrition très élevé en Ontario. »
Récemment, d’autres gouvernements provinciaux du pays, comme la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse, ont obligé les employeurs à instaurer des ratios infirmière/patient(e)s minimums et à appliquer les nouvelles normes imposées. Au Manitoba, le gouvernement, les employeurs et les syndicats ont signé une lettre d’intention pour analyser la question.
D’après Rachel Fleming, qui est infirmière auxiliaire autorisée et membre du Conseil des syndicats d’hôpitaux de l’Ontario (CSHO-SCFP), les ratios inadéquats ont des effets dévastateurs autant sur les soins aux patients que sur le bien-être émotionnel du personnel infirmier.
« Chaque jour, on doit faire des choix qui vont à l’encontre de nos valeurs de personnel soignant. Quand l’heure de prise d’un médicament est manquée, qu’un patient ne reçoit pas son bain ou n’a personne pour l’écouter et le réconforter, qu’on ne peut pas répondre à un appel parce qu’on est déjà en train de courir entre d’autres patientes et patients en situation de détresse… ça nous brise intérieurement. J’ai vu plusieurs collègues formidables quitter le milieu, non pas parce qu’ils et elles manquaient de cœur, mais parce qu’ils n’en pouvaient plus de voir toute cette souffrance sans arriver à la soulager. »
Selon les auteurs du rapport, établir un ratio infirmière-patient(e)s pourrait aussi créer des économies en réduisant la dépendance au personnel des agences privées, les réadmissions évitables, et les blessures et maladies professionnelles.
En Californie, les blessures au travail ont baissé de 32 % après l’introduction de ratios infirmière-patient(e)s, et on dénombrait 6 200 infections de moins dans les hôpitaux de Pennsylvanie où le surmenage était le plus bas, ce qui représentait des économies annuelles de 68 millions de dollars.
Le CSHO-SCFP veut proposer le mois prochain un ratio infirmière-patient(e)s pour les 50 000 travailleuses et travailleurs du milieu hospitalier dans le cadre d’une négociation centrale avec l’Association des hôpitaux de l’Ontario. Le syndicat craint toutefois que les hôpitaux s’opposent à l’idée.
« Par le passé, la direction des hôpitaux n’a pas voulu entendre parler de ratios, même si les données prouvent que ceux-ci sauvent des vies et améliorent la santé des patientes et des patients. Le concept les empêche de réduire les effectifs, ce que le sous-financement chronique par la province du réseau hospitalier les a poussés à faire jusqu’ici », explique Michael Hurley, président du CSHO-SCFP.
« L’établissement de ratios incitera pourtant les milliers d’infirmières et d’infirmiers qui ont quitté la profession par pur désespoir à revenir au travail. Inclure l’adoption de ratios dans la négociation forcera le gouvernement de l’Ontario à financer et doter correctement ses hôpitaux. Pour le personnel infirmier, et pour les gens qu’il soigne, il est temps de prendre ce virage essentiel. »
L’année dernière, les députés conservateurs ontariens ont voté contre le projet de loi du NPD qui voulait légiférer en faveur des ratios infirmière/patient(e)s. Le parti a présenté de nouveau cette proposition en mai 2025, mais elle n’a pas encore été débattue.