Dimanche dernier, le gouvernement fédéral a dévoilé le tout premier plan d’action 2SLGBTQI+ du Canada. Celui-ci comprend de nombreux engagements importants pour les communautés bispirituelles, lesbiennes, gaies, bisexuelles, trans, queer et intersexuées. Malheureusement, les investissements et les initiatives nécessaires pour lutter efficacement contre la transphobie et l’homophobie au travail sont absents du plan fédéral.
Il y a quand même de bonnes nouvelles. Le plan prévoit 100 millions de dollars en nouveau financement sur cinq ans. Les trois quarts de cet argent iront directement aux organismes communautaires 2SLGBTQI+, la priorité étant accordée aux groupes desservant les personnes queer autochtones, noires, racisées, ayant un handicap, âgées, jeunes, membres de minorités de langue officielle ou vivant en milieu rural. Il s’agit d’une étape nécessaire étant donné les obstacles spécifiques auxquels sont confrontées les communautés 2SLGBTQI+ marginalisées.
Le plan promet également des consultations sur certaines questions clés de justice pénale. Plus précisément, il engage le gouvernement fédéral à envisager de criminaliser les chirurgies purement esthétiques sur les enfants intersexués, qui sont presque toujours effectuées avant qu’un enfant soit en âge d’y consentir. Le plan promet aussi de moderniser les infractions basées sur l’indécence, qui sont souvent de nature homophobe, et de limiter les poursuites pour non-divulgation du statut VIH.
Parmi les autres faits saillants du plan d’action, mentionnons la création d’un poste de personne conseillère principale bispirituelle au sein du secrétariat 2SLGBTQI+, une nouvelle enveloppe pour la recherche, une campagne de sensibilisation conçue pour lutter contre la stigmatisation, une étude sur les personnes âgées 2SLGBTQI+ et l’élargissement de l’admissibilité des personnes 2SLGBTQI+ à la radiation de condamnations historiquement injustes.
Bien que tout cela représente des progrès significatifs, le plan comporte aussi plusieurs lacunes. Tout d’abord, il laisse tomber les travailleuses et travailleurs 2SLGBTQI+. Les personnes 2SLGBTQI+ du Canada sont souvent confrontées à l’homophobie et à la transphobie au travail. Près de 30 pour cent des personnes 2SLGBTQI+ qui ont répondu à un sondage mené en 2015 ont déclaré avoir été victimes de discrimination au travail, contre seulement 2,9 pour cent de la population générale. Plus récemment, dans le cadre d’un sondage national menée par Trans Pulse Canada, 34 pour cent des femmes trans, 28 pour cent des hommes trans, 26 pour cent des personnes non binaires et 41 pour cent des personnes bispirituelles ont déclaré avoir été congédiés, licenciés ou refusés à un poste après une entrevue d’embauche en raison de leur identité.
En avril 2022, le SCFP a fortement recommandé au Groupe de travail sur la Loi fédérale sur l’équité en matière d’emploi d’étendre l’application de la loi aux personnes 2SLGBTQI+. Il s’agit d’une disposition attendue depuis longtemps, et nous nous attendons à ce que le gouvernement fédéral y donne suite. Le gouvernement fédéral devrait également améliorer les processus de signalement et de résolution des cas de harcèlement transphobe et homophobe au travail, en plus d’investir dans la sensibilisation à la situation des personnes 2SLGBTQI+ en milieu de travail dans les secteurs sous réglementation fédérale autres que la fonction publique.
Au lieu de cela, les engagements du plan sont pour la plupart des annonces recyclées. Par exemple, le gouvernement fédéral promet de « poursuivre la mise en œuvre de l’Entente de règlement définitive concernant la Purge LGBT », une mesure qu’il a déjà été contraint de prendre à l’issue d’une poursuite. De même, les engagements du plan visant à favoriser la diversité et l’inclusion au sein des forces armées ont été annoncés dans la réponse du gouvernement au rapport Au lendemain de la Purge. La promesse de soutenir les « initiatives de Fierté émanant du personnel » par le biais du Réseau de la fierté de la fonction publique et de l’initiative Espace positif était déjà en mise en œuvre, bien qu’elle fasse peu pour lutter contre l’homophobie et la transphobie au travail à l’extérieur de la fonction publique.
De plus, les promesses de financement sont moins encourageantes qu’il y semble à première vue. Le financement des organismes communautaires décrit ci-dessus consiste principalement en subventions de projets à court terme. Or, la plupart des groupes 2SLGBTQI+ ont besoin d’investissements à long terme pour fournir des services et revendiquer efficacement. Encore plus décevant, aucun financement n’est alloué à l’expansion des soins de santé. Beaucoup trop de personnes bispirituelles, trans et non binaires n’ont pas accès à des soins d’affirmation parce qu’elles n’ont pas les moyens de se les payer ou de se déplacer pour les recevoir. Le gouvernement fédéral a raté l’occasion d’y remédier par le biais de transferts dédiés aux provinces.
Les comités de négociation du SCFP peuvent pousser les employeurs à combler ces écarts en négociant des prestations d’assurance-santé complémentaire qui incluent des soins d’affirmation de genre. Pour y parvenir, le nouveau guide du SCFP sur le sujet est fort utile.
Enfin, alors qu’une réforme de la justice pénale est absolument nécessaire pour les communautés 2SLGBTQI+, le plan fédéral n’engage le gouvernement qu’à tenir des consultations. Il y a un risque que celles-ci n’aboutissent pas à une véritable réforme ou que ce gouvernement soit défait avant de mettre en œuvre les changements suggérés pour les chirurgies esthétiques des enfants intersexués, la divulgation du VIH ou les lois sur l’indécence.
Les communautés 2SLGBTQI+ du Canada ont désespérément besoin d’action pour lutter contre la haine et faire tomber les obstacles. Mais ce plan dit « d’action » manque d’actions concrètes.