L’inflation au Canada est plus élevée que la normale en ce moment. Dans ce contexte, il est important de comprendre les raisons de la hausse des prix afin de pouvoir exiger et obtenir des hausses de salaire réelles à la table de négociations.
La Banque du Canada suit de nombreux indicateurs économiques, comme le taux de chômage et les niveaux de stock des entreprises, afin de comprendre ce qui pourrait causer des changements dans les prix, maintenant et dans les mois à venir. Les changements de politique de la banque mettent environ deux ans à se répercuter sur l’économie. C’est pourquoi elle accorde plus d’attention aux tendances à long terme.
Les responsables politiques réagiront aux augmentations de prix de différentes manières, selon la cause. Une hausse temporaire de certains prix n’entraîne pas nécessairement une augmentation permanente des prix globaux. Par exemple, les ruptures de stocks temporaires qui affectent le prix des jouets, des automobiles, ainsi que d’autres produits de consommation ne dureront pas. Une politique monétaire n’est utile que pour faire face aux changements à long terme qui résultent d’une réduction ou d’une surchauffe des capacités économiques nationales.
L’inflation plus élevée que la normale que nous observons actuellement au Canada a trois causes principales : les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement mondiale, une augmentation temporaire de la demande pour des articles qui n’étaient pas disponibles pendant la pandémie et les sécheresses généralisées qui affectent la production agricole.
Les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement mondiale se sont poursuivies plus longtemps que prévu, mais elles devraient se résorber au cours de la prochaine année. Les ports débordent et les expéditions accusent du retard en partie parce que la Chine impose toujours une politique zéro COVID qui touche la production de nombreux produits manufacturés. Cette politique devrait rester en place au moins jusqu’aux Jeux olympiques de 2022.
Non seulement ces changements sont temporaires, mais ajuster la politique monétaire canadienne n’améliorerait pas la situation. Il s’agit de problèmes mondiaux dont la résolution nécessite une coordination internationale, comme des mesures pour réduire l’impact des changements climatiques sur notre approvisionnement alimentaire. Une hausse des taux d’intérêt ne ferait que ralentir notre économie au moment même où les mesures historiques de relance budgétaire des gouvernements arrivent à échéance.
Qu’est-ce que cela signifie pour les travailleuses et les travailleurs ? Il faudra négocier des augmentations salariales arrimées au coût de la vie et combattre l’idée voulant que de telles haussent stimulent l’inflation. Quand les gens ont assez d’argent pour subvenir à leurs besoins de base, l’économie locale en bénéficie.
Évolution des opinions sur l’inflation
Dans les années 1970, de nombreux économistes pensaient que la seule cause de l’inflation était qu’il y avait trop d’argent dans l’économie pour l’offre en biens et en main-d’œuvre. Les banques centrales ont donc défini leur politique de manière à faire correspondre l’augmentation de la masse monétaire à la croissance économique attendue. Le Canada a adopté cette approche, appelée monétarisme, en 1975. Limiter la croissance de la masse monétaire à l’aide des règles du monétarisme a ramené l’inflation sous contrôle, mais a entrainé des récessions économiques dévastatrices, puisque les investissements des entreprises et des gouvernements ont diminué en même temps.
Les banques centrales ont commencé à réaliser que le lien entre la croissance économique et la masse monétaire était plus compliqué. En 1991, la Banque du Canada a plutôt ciblé le taux d’inflation. Pour contrôler l’inflation, on utilise le même mécanisme : modifier la quantité d’argent dans l’économie. On peut ainsi freiner ou encourager les emprunts et les dépenses. Mais le contrôle de l’inflation est plus flexible que le monétarisme : ses effets sont plus rapides et plus importants.
En 2016, la Banque du Canada s’est mise à surveiller trois mesures de l’inflation de base au lieu d’une seule : l’IPC-tronq, l’IPC-méd et l’IPC-comm (voir le numéro voir le numéro d’automne 2021 de L’Économie au travail). La banque a expliqué que ces mesures permettent de voir au-delà des fluctuations temporaires ou isolées des prix et qu’elles reflètent des mouvements de prix plus permanents ou persistants.