Introduction
Le budget fédéral 2017 fait consensus : il est l’œuvre de grands parleurs qui sont petits faiseurs.
Ce budget explicite un peu plus les intentions du gouvernement quant aux fonds d’infrastructure annoncés précédemment, sans augmenter les montants. Les dépenses de l’État augmentent très peu, moins d’une fraction d’un pour cent, mais on constate beaucoup de réaffectation de sommes et de changements de cibles de dépenses.
Ces nouvelles orientations sont positives dans l’ensemble, qu’on pense à l’accroissement du soutien aux collectivités autochtones, à un engagement de plusieurs années dans le logement à prix abordable, à un autre dans le transport en commun, aux crédits supplémentaires pour les programmes de formation et à un engagement de plusieurs années dans l’éducation préscolaire et les services de garde, sans parler de plusieurs programmes de plus petite envergure. Malheureusement, bon nombre de ces changements sont tout simplement insuffisants, comme les crédits consacrés aux services de garde, à la santé et aux études postsecondaires. Fait troublant, une part considérable des investissements dans l’infrastructure, autant pour le transport en commun que pour l’infrastructure verte (y compris les aqueducs, les égouts et le réseau électrique), se fera par l’entremise d’une banque canadienne d’infrastructure utilisant des fonds privés. On peut donc s’attendre à de la privatisation, une hausse des coûts et une hausse des frais d’utilisation.
Pour la première fois de l’histoire, le gouvernement a inclus à son budget une analyse comparative entre les genres et s’est engagé à envisager les impacts de ses politiques sur les femmes et les groupes sous-représentés. Il s’est engagé aussi à inclure ce type d’analyse dans les budgets subséquents. Il s’agit d’un pas dans la bonne direction, mais il faut que cette analyse donne lieu à des mesures plus musclées, particulièrement en matière d’équité salariale, d’équité en matière d’emploi et de décence des salaires, ou à tout le moins au niveau du salaire minimum fédéral.
Le budget comporte un chapitre sur l’équité fiscale, mais peu de mesures pour éliminer les échappatoires fiscales régressives et inefficaces qui profitent aux riches. C’était pourtant une promesse électorale des Libéraux. Éliminer ces échappatoires permettrait d’accroître les revenus de l’État fédéral pour financer adéquatement les programmes. Cela profiterait aussi aux provinces. Or, le gouvernement a laissé passer sa chance, encore une fois, en partie à cause des pressions des gens riches, mais aussi à cause de l’incertitude entourant les futures décisions du président Trump.
Le premier ministre et le ministre des Finances parlent encore beaucoup de promotion d’une croissance inclusive et de renforcement de la classe moyenne. Sur la scène mondiale, ils présentent cette approche comme une alternative progressiste à M. Trump. En outre, lors d’une visite en Allemagne, M. Trudeau a exhorté les chefs d’entreprises à offrir un salaire décent et un contrat de travail à long terme à leurs employés. Ce sont de belles intentions progressistes, mais ici, chez nous, il faudrait qu’elles s’accompagnent d’actions concrètes plus musclées. C’est ce qui manque dans le budget 2017.
Sur les enjeux : nouveautés et lacunes
Financement des infrastructures et banque de l’infrastructure
Le budget donne de plus amples détails sur les dépenses en infrastructure révisées à la hausse (à 81 milliards de dollars) dans l’Énoncé économique de l’automne. Au cours des onze prochaines années, le gouvernement dépensera 25 milliards de dollars dans le transport en commun, 21,9 milliards dans « l’infrastructure verte », 2 milliards dans les collectivités rurales et nordiques, 10,1 milliards dans l’infrastructure commerciale et de transports et 21,9 milliards dans l’infrastructure sociale, cette dernière somme se répartissant ainsi : 11,2 milliards de dollars sur onze ans dans le logement à prix abordable, 7 milliards dans les services de garde et 1,3 milliard dans l’infrastructure culturelle et récréative.
Le total de ces montants est inférieur à ce qui a été annoncé dans le budget 2016 et l’Énoncé économique de l’automne, mais le présent budget donne plus de détails sur ce à quoi cet argent est destiné. Au chapitre du logement abordable, 5 milliards de dollars iront dans un fonds national pour le logement qui sera administré par la SCHL, 3,2 milliards sur onze ans seront transférés aux provinces et aux territoires pour leurs programmes de logement abordable et 2,1 milliards sur onze ans serviront à étendre et bonifier la Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance. Toutes ces mesures sont les bienvenues. Elles répondent à l’appel de la Fédération canadienne des municipalités (FCM) qui réclamait des transferts prévisibles, dédiés et flexibles en matière de logement abordable.
Cependant, le gouvernement s’attend à ce que la Banque de l’infrastructure du Canada investisse au bas mot 5 milliards de dollars dans le transport en commun et 5 milliards dans l’infrastructure verte, dont les systèmes d’assainissement de l’air et d’eau potable. C’est troublant, puisque cela implique de la privatisation et une hausse des frais d’utilisateur.
Le budget prévoit aussi 1 milliard de dollars sur quatre ans pour aider les provinces et les territoires à fournir des soins à domicile ou communautaires, à l’extérieur des hôpitaux. Reste à voir ce qu’en feront les provinces. Ces soins se substitueront-ils simplement aux soins hospitaliers ?
Dans sa plateforme électorale et ses lettres de mandat ministériel, le gouvernement Trudeau promettait d’établir « la Banque de l’infrastructure du Canada afin qu’elle puisse offrir un financement à faible coût (y compris des garanties de prêt) dans le cadre de nouveaux projets d’infrastructures municipales dans nos secteurs d’investissement prioritaires ».
Malheureusement, le projet du gouvernement a pris un virage à 180 degrés. Il cherche maintenant à « tirer parti du financement à coût supérieur du secteur privé », comme en faisait état l’Énoncé économique de l’automne. Le budget 2017 donne très peu de nouveaux détails sur ce projet de Banque de l’infrastructure du Canada, sauf affirmer que le gouvernement déposera sous peu un projet de loi pour la mettre en place, embaucher son PDG et la rendre fonctionnelle d’ici la fin de 2017. Le budget consacre à cette banque 2,8 milliards de dollars en crédits fédéraux sur les cinq prochaines années, à commencer par une somme de 149 millions de dollars en 2017-2018.
Une banque d’infrastructure qui s’appuie fortement sur le financement privé pourrait faire doubler le coût des projets d’infrastructure et pourrait mener à une privatisation massive tout en faisant grimper les frais d’utilisateurs. Le SCFP poursuivra ses pressions sur le gouvernement Trudeau pour que celui-ci mette sur pied une banque d’infrastructure en phase avec ses promesses, c’est-à-dire une banque qui aiderait réellement les municipalités (entre autres) à obtenir du financement à faible coût pour la réalisation d’infrastructures détenues et exploitées par le secteur public.
Formation et compétences
Dans sa plateforme électorale, le Parti libéral faisait les promesses suivantes :
- investir 500 millions de dollars de plus chaque année dans ses Ententes sur le développement du marché du travail (EDMT) avec les provinces et les territoires ;
- investir 200 millions de dollars de plus dans les programmes de formation des provinces et des territoires, par l’entremise des Ententes sur le marché du travail (EMT) ;
- investir 50 millions de dollars pour renouveler et bonifier le financement de la Stratégie de formation pour les compétences et l’emploi destinés aux Autochtones (SFCEDA) et consacrer 25 millions de dollars par année aux installations de formation en partenariat avec les syndicats.
Le budget 2016 avait bien accordé quelques sommes en ce sens, mais celles-ci représentaient généralement le quart des montants promis.
Le budget 2017 ajoute 1,8 milliard de dollars sur six ans au financement accordé par l’entremise des EDMT, en commençant par une somme additionnelle de 200 millions de dollars pour 2017-2018. Cette mesure, conjuguée aux sommes annoncées dans le budget 2016, couvre l’engagement électoral des Libéraux. Le gouvernement compte aussi élargir l’admissibilité aux programmes des EDMT pour permettre à plus de Canadiens, particulièrement aux groupes sous-représentés, de profiter des programmes de soutien à la formation et à l’emploi de l’assurance-emploi. Il s’agit d’une bonne mesure.
Ce budget annonce aussi que le gouvernement réunira les enveloppes des EMT via les subventions canadiennes pour l’emploi, l’Initiative ciblée pour les travailleurs âgés et les EMT à l’intention des personnes handicapées en un programme combiné, l’Entente sur le développement de la main-d’œuvre, doté d’un budget supplémentaire de 900 millions de dollars sur six ans, ce qui respecte l’engagement électoral libéral. Le budget prévoit aussi 50 millions de dollars de plus pour la Stratégie de formation pour les compétences et l’emploi destinés aux Autochtones, mais pour un an seulement, ce qui laisse croire que le gouvernement compte revoir ce programme dans les prochaines années.
La subvention canadienne à l’emploi est un programme problématique qui sert surtout de subvention aux employeurs. Le SCFP a pressé le fédéral de rétablir et de préserver les crédits de base accordés aux programmes et organismes d’alphabétisation et de compétences essentielles, dont le Bureau de l’alphabétisation et des compétences essentielles (BACE). Il faudrait intégrer l’alphabétisation et les compétences essentielles au préapprentissage et à la formation professionnelle, pour en faire un aspect fondamental d’une stratégie pancanadienne de formation et de réduction de la pauvreté adéquatement financée. Malheureusement, on ne trouve aucun autre engagement envers l’alphabétisation et les compétences essentielles dans ce budget, à l’exception d’un programme d’échange en matière de littératie numérique et d’un élargissement de l’admissibilité au crédit d’impôt pour frais de scolarité pour y inclure les cours de compétences professionnelles à un niveau inférieur au niveau postsecondaire.
Le budget alloue 225 millions de dollars sur quatre ans à la mise sur pied d’un nouvel organisme qui appuiera l’acquisition et la mesure des compétences au Canada. Cette mesure découle d’une recommandation du Conseil consultatif en matière de croissance économique portant sur la création d’un « laboratoire de compétences futures ». En partenariat avec les provinces et les territoires intéressés, le secteur privé, des établissements d’enseignement et des organismes à but non lucratif, cet organisme déterminera les compétences recherchées et exigées par les employeurs canadiens, il explorera de nouvelles approches novatrices en matière d’acquisition et de perfectionnement de compétences et il transmettra des renseignements et des analyses pour mieux éclairer les investissements et les programmes futurs axés sur les compétences. Plus de détails seront annoncés dans les mois à venir.
Ce projet marque un certain retour du fédéral dans ce domaine, depuis l’époque où le gouvernement Chrétien avait commencé à transférer les compétences et la formation de la main-d’œuvre aux provinces et qu’on avait éliminé les organes nationaux multi-intervenants. Cela dit, le gouvernement doit réserver un rôle de premier plan au monde ouvrier et aux syndicats dans ces organismes, rôle qu’ils n’ont pas au conseil consultatif économique du ministre Morneau.
Il n’y a rien dans ce budget en faveur de postes d’apprentis dans les projets d’infrastructure fédéraux, de la création d’une main-d’œuvre représentative ou de l’équité en matière d’emploi. Ces mots n’apparaissent même pas dans le document, à l’exception de « formation d’apprentis » qui figure dans une note explicative.
Le budget met beaucoup plus l’emphase sur une « stratégie en matière de compétences mondiales » afin d’attirer les talents du monde entier, stratégie qui inclut des modifications au Programme des travailleurs étrangers temporaires et des préparatifs pour l’économie numérique. Une modeste somme de 13 millions de dollars sur cinq ans est consacrée à rendre l’accès à Internet à domicile plus accessible aux familles à faible revenu.
Les crédits additionnels à la formation peuvent être positifs, mais cela sous-entend que les gens sont au chômage parce qu’ils ne possèdent pas les bonnes compétences. Pourtant, les études de Statistique Canada démontrent que la pénurie de compétences et de main-d’œuvre et les postes vacants représentent la part congrue du chômage. Ce dont on a besoin, c’est de dynamiser la croissance de l’emploi, et cette croissance viendra d’une augmentation des dépenses de l’État et des ménages, ce qui nécessite une hausse des salaires et des revenus. Ce budget fait bien peu de choses pour stimuler cela.
Créer des emplois de qualité et bâtir une classe moyenne forte
Le gouvernement Trudeau a toujours identifié le renforcement de la classe moyenne comme sa priorité numéro un. C’est pourquoi il avait intitulé sa plateforme électorale Le Bon Plan pour renforcer la classe moyenne et son premier budget Assurer la croissance de la classe moyenne. Cette priorité répond à une préoccupation bien réelle, les travailleurs devant composer avec la stagnation des salaires, une réduction du financement des services publics et l’essor du travail précaire.
Dans leur programme, les Libéraux ont pris l’engagement de rétablir l’équilibre des lois du travail, de soutenir et de protéger les droits des travailleurs et de restaurer une politique moderne et inclusive en matière de salaire équitable dans l’approvisionnement fédéral. Dans son récent discours remarqué à Hambourg, le premier ministre Trudeau a souligné qu’il comprend l’insécurité que vivent les travailleurs. Il a demandé aux employeurs de verser un salaire suffisant à leurs employés et de leur offrir « les avantages – et la paix d’esprit – de contrats stables et à temps plein ».
Après les attaques incessantes contre les syndicats et les droits des travailleurs sous le gouvernement Harper, les déclarations d’appui au monde ouvrier du premier ministre Trudeau sont les bienvenues, tout comme l’abrogation des lois antisyndicales, la bonification du RPC et le rétablissement à 65 ans de l’âge d’admissibilité à la Sécurité de la vieillesse, toutes des promesses électorales qui ont été tenues.
Le budget octroie un financement supplémentaire de 395,5 millions de dollars sur trois ans à la Stratégie emploi jeunesse du gouvernement fédéral, ce qui devrait aider plus de 33 000 jeunes vulnérables à acquérir les compétences dont ils ont besoin pour trouver un emploi ou retourner aux études, en plus de créer 15 000 emplois verts et d’offrir plus de 1 600 possibilités d’emploi aux jeunes dans le secteur du patrimoine.
C’est bien, mais le gouvernement devra en faire beaucoup plus pour que ses actions correspondent à son discours, à l’empathie qu’il exprime et à la priorité qu’il dit accorder à « la classe moyenne et ceux qui travaillent fort pour en faire partie ».
En outre, le gouvernement Trudeau s’est engagé à élaborer une stratégie de réduction de la pauvreté. C’est une bonne nouvelle, mais il ne faudrait pas que son élaboration repousse l’adoption de mesures immédiates.
Le gouvernement libéral devrait commencer par donner suite à sa promesse électorale de rendre l’assurance-emploi accessible aux travailleurs précaires, entre autres en fixant une période universelle de qualification de 360 heures et en prolongeant la période d’admissibilité. Il devrait aussi amender le Code canadien du travail pour éliminer les contrats de travail à deux niveaux et imposer la règle « à travail égal salaire égal » pour les travailleurs de compétence fédérale, instaurer un salaire minimum fédéral d’au moins 15 $ l’heure, éliminer les échappatoires qui permettent de ne pas rémunérer les stagiaires et, enfin, mettre fin au recours abusif à des agences de placement temporaire pour doter des postes qui ne sont pas temporaires.
Et, puisque le premier ministre Trudeau a enjoint l’élite de Hambourg à verser un salaire suffisant à ses employés et à leur fournir un emploi stable et à plein temps, le gouvernement fédéral devrait lui aussi s’assurer que tous ses employés – et ses sous-traitants – touchent un salaire suffisant et ont droit à un contrat d’emploi stable et à temps plein.
Le budget accorde seulement 12 millions de dollars à la modernisation de la prestation de service et à l’accélération du traitement des demandes à l’assurance-emploi. On y lit aussi que le gouvernement compte amender le Code canadien du travail afin de renforcer les dispositions relatives à la conformité et à l’application de la loi, limiter le recours à des stages non rémunérés et accorder aux employés sous réglementation fédérale le droit de demander des modalités de travail plus flexibles.
Malheureusement, on n’y lit nulle part que le fédéral fournira un salaire suffisant ou même équitable, et encore moins qu’il exigera la même chose des entreprises sous juridiction fédérale. Enfin, on n’y trouve aucune mention de l’équité en matière d’emploi, de l’équité salariale ou de mesures visant à rendre la main-d’œuvre plus représentative de la population.
Innovation
On s’attendait à ce que le budget fasse une large place à l’innovation. C’est le cas, du moins sur papier, ce mot revenant plus de 200 fois !
Le budget fait état de plusieurs initiatives stratégiques d’innovation qui proposent de nouvelles approches de la croissance économique. Mentionnons :
- 950 millions de dollars sur cinq ans pour accélérer l’innovation à l’aide de « supergrappes » sectorielles ;
- un nouveau fonds pour l’innovation stratégique doté de 1,26 milliard de dollars sur cinq ans pour consolider et simplifier les mesures de soutien à l’industrie, particulièrement les fonds de soutien à l’industrie automobile et à l’aérospatiale ;
- un projet d’approvisionnement stratégique, jusqu’à 50 millions de dollars en 2017-2018.
Il y a aussi du financement pour la recherche sur les cellules souches, l’exploration spatiale, l’intelligence artificielle, l’innovation agroalimentaire, les technologies propres, l’apprentissage numérique et d’autres technologies de pointe.
Il y a de bonnes idées parmi ces mesures, mais le gouvernement donne l’impression de s’éparpiller sans adopter une stratégie cohérente pour la croissance économique sectorielle. Il a un pied dans l’approche néolibérale pro-libre-échange et l’autre dans la réalisation que ladite approche ne mène pas à une croissance inclusive, mais plutôt à une éviscération de la classe moyenne, au creusement des écarts de revenus et à la montée du populisme aux deux extrémités du spectre politique. Ainsi, il signe des accords commerciaux et d’investissement qui limitent l’approvisionnement local, tout en consacrant des crédits limités au redressement de cette situation. Pour l’instant, ses efforts d’inclusion se limitent à des correctifs, des transferts et des programmes, au lieu de s’attaquer aux problèmes structuraux fondamentaux qui entraînent le creusement des inégalités, l’essor de la précarité d’emploi et la lenteur de la croissance économique.
Éducation préscolaire, services de garde et soin des enfants
Le budget 2017 engage la somme additionnelle de 7 milliards de dollars sur dix ans, puisée dans l’enveloppe de l’infrastructure sociale, pour l’éducation et les services de garde préscolaires. Une partie de cette somme sera consacrée aux enfants autochtones qui vivent dans les réserves et hors réserve. Nous sommes heureux de cet engagement sur plusieurs années, mais soulignons que 70 pour cent de ce financement sera distribué en 2022-2023, soit dans deux cycles électoraux.
Ce financement demeure inférieur au niveau minimum reconnu par la communauté internationale, soit un pour cent du PIB. Les militants des services de garde réclamaient une contribution initiale de 600 millions de dollars qui aurait augmenté d’un milliard par année pendant cinq ans.
Les Libéraux sont en pourparlers avec les provinces et les territoires sur un cadre pour l’éducation préscolaire et les services de garde. On s’attend à ce que ce cadre soit dévoilé sous peu. Le gouvernement négocie aussi un cadre distinct avec les peuples autochtones. Le budget 2016 prévoyait un poste budgétaire de 500 millions de dollars en 2017-2018 pour l’élaboration de ces cadres, dont 100 millions pour les communautés autochtones. Un cadre fondé sur des données permettrait de s’assurer que le financement de l’État soutienne des services de garde publics de qualité au lieu d’une prestation à but lucratif.
À l’extérieur du Québec, les familles canadiennes paient très cher pour leurs services de garde. L’idée que des services de garde abordables et de qualité soient essentiels à la promotion de l’égalité fait largement consensus. Cela dynamiserait aussi la participation des femmes au marché du travail et la croissance économique. Les recherches démontrent même que les investissements de l’État dans des services de garde de qualité s’autofinancent.
Prestations parentales et aux aidants naturels
Le budget accorde 691 millions de dollars sur cinq ans à une nouvelle prestation d’assurance-emploi destinée aux aidants naturels. Cette prestation d’un maximum de 15 semaines soutiendra les personnes qui prennent soin d’un proche adulte ayant besoin de soins importants pour se remettre d’une maladie grave ou d’un accident. Il s’agit d’une bonne mesure.
Le gouvernement Trudeau a aussi promis d’accorder un congé plus généreux et plus flexible aux aidants naturels, ainsi qu’un congé parental plus flexible. Le budget 2017 propose de permettre aux parents de choisir d’étendre leurs prestations parentales de l’assurance-emploi sur 18 mois à un taux de remplacement de salaire inférieur, soit 33 pour cent. On propose de permettre aux femmes de réclamer leurs prestations de maternité jusqu’à 12 semaines avant leur date d’accouchement prévue.
Le SCFP et les autres syndicats n’appuient pas ce prolongement de la période de prestations. Ils réclamaient plutôt : un élargissement de l’accès aux prestations de maternité, aux prestations parentales et aux nouvelles prestations pour le deuxième parent en abaissant le seuil d’admissibilité ; la hausse à 70 pour cent du taux de remplacement du salaire pour ces trois prestations ; et l’ajout de 12 semaines non transférables au congé du deuxième parent.
Santé
Les Libéraux ont promis de négocier un accord pluriannuel sur la santé qui comprendrait une entente de financement à long terme avec les provinces. Cet accord viserait à bonifier les services en santé mentale, à consacrer 3 milliards de dollars sur quatre ans à l’amélioration des soins à domicile (touchant aussi les soignants à domicile, des mesures de soutien financier pour les soins familiaux et des soins palliatifs pour une population vieillissante), ainsi qu’une collaboration avec les provinces pour regrouper les achats de médicaments en vue d’obtenir un meilleur prix.
Le premier budget libéral ne contenait presque rien pour la santé. En 2017, au lieu de négocier un nouvel accord et un financement à long terme adéquat avec les provinces, le gouvernement a négocié des ententes bilatérales avec toutes les provinces et tous les territoires, à l’exception du Manitoba, qui prévoient une majoration de 3 pour cent par année, ce qui est très inférieur aux 6 pour cent de l’ancien accord. Cette majoration est insuffisante pour protéger notre système de santé public. Lors de la création du système d’assurance maladie, le fédéral devait assumer 50 pour cent des coûts des soins de santé ; aujourd’hui, sa part est de 23 pour cent seulement. Les provinces réclamaient qu’il assume une part de 25 %. Avec le vieillissement de la population, on peut s’attendre à ce que les coûts de santé augmentent de 5,2 pour cent par année, uniquement pour maintenir le niveau de service actuel. Oui, les ententes bilatérales prévoient une somme additionnelle de 11 milliards de dollars sur dix ans pour les provinces (6 milliards de dollars aux soins à domicile et 5 milliards à la santé mentale des jeunes de 25 ans et moins), mais ce financement pour la bonification des services aurait dû s’accompagner d’une hausse des transferts annuels.
Le budget alloue 140 millions de dollars sur cinq ans à l’amélioration de l’accessibilité des médicaments d’ordonnance, à la diminution des prix des médicaments et au soutien aux pratiques de prescription appropriées. Cependant, il donne très peu de détails. C’est pourquoi le SCFP maintiendra ses pressions sur le fédéral pour que celui-ci collabore avec les provinces à la création d’un régime national d’assurance-médicaments dont l’objectif sera de rendre les médicaments d’ordonnance accessibles et abordables pour tous. Le Canada est le seul pays développé de l’OCDE à ne pas inclure les médicaments d’ordonnance dans son régime universel d’assurance-maladie.
On trouve aussi dans le budget une enveloppe pour l’ICIS (l’Institut canadien d’information sur la santé), 100 millions de dollars sur cinq ans pour une Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances, du financement additionnel pour un fonds d’investissement-santé pour les territoires, un crédit d’impôt amélioré pour les aidants naturels et une nouvelle prestation d’assurance-emploi pour les aidants naturels. En tout et partout, ce budget contient peu de choses pour la santé, au-delà de ce qui avait été annoncé dans les ententes bilatérales, et peu d’autres choses en matière de financement direct de nos services de santé. Le SCFP avait réclamé du fédéral qu’il fasse mieux respecter les normes de la Loi canadienne sur la santé, qu’il abandonne graduellement la prestation de services à but lucratif, qu’il bonifie les soins continus fournis et financés par le secteur public, dont les soins de longue durée en établissement, les soins communautaires, les soins à domicile et les soins palliatifs, et qu’il et élargisse les réseaux de centres de santé communautaires et primaires. Nous allons poursuivre nos pressions en ce sens.
Éducation post-secondaire
Le gouvernement libéral a promis de « rendre les études postsecondaires plus abordables pour les étudiants issus d’une famille à revenu faible ou moyen » en bonifiant les bourses d’études canadiennes, en améliorant les régimes enregistrés d’épargne-études (REEE) et les bons d’études canadiens et en ajoutant 50 millions de dollars à l’enveloppe annuelle consacrée au Programme d’aide aux étudiants de niveau postsecondaire (PAENP) pour les étudiants autochtones.
Le budget 2016 avait livré les promesses libérales quant à l’aide financière aux étudiants, à l’exception de l’augmentation des crédits du PAENP pour les étudiants autochtones. Les programmes de dépenses autochtones ayant été plafonnés à deux pour cent par un gouvernement libéral précédent, on se retrouve aujourd’hui avec une longue liste d’attente d’Autochtones qui souhaitent faire des études postsecondaires et à qui on a refusé les fonds nécessaires. Aujourd’hui, le PAENP aide 20 pour cent d’étudiants de moins qu’en 1997.
Le budget ajoute 90 millions de dollars sur deux ans au PAENP, une somme insuffisante considérant que le taux de diplomation universitaire chez les Autochtones de 25 à 64 ans est inférieur à dix pour cent, contre 26,5 pour cent chez les non-Autochtones.
Les améliorations apportées aux bourses d’études canadiennes dans le dernier budget étaient les bienvenues, mais le plafond de 3 000 $ demeure bien inférieur aux frais de scolarité universitaires moyens, qui sont de 6 373 $ en excluant les frais additionnels et les frais de subsistance.
Le coût élevé des frais de scolarité a fait gonfler la dette étudiante moyenne après diplomation à 26 819 $. De plus en plus d’étudiants ont recours aux banques alimentaires et vivent dans la rue. Le programme de REEE profite surtout aux familles à revenu élevé. Les bons d’études canadiens connaissent un succès mitigé.
Le SCFP et la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCEE) avaient exhorté le gouvernement fédéral à œuvrer avec les provinces en vue d’arriver éventuellement à la gratuité des études collégiales et universitaires et à leur accessibilité pour tous les étudiants de toutes les tranches de revenus. Le rétablissement des transferts aux provinces en matière d’études postsecondaires et l’élimination des frais de scolarité coûteraient moins de 10 milliards de dollars au fédéral, une somme inférieure à ce que lui coûte l’échappatoire fiscale sur les gains en capital.
Peuples autochtones et Premières Nations
Le premier ministre Trudeau a fait de grosses promesses aux peuples autochtones. Il a répété maintes fois qu’« aucune relation n’est plus importante pour moi et pour le Canada que la relation avec les peuples autochtones. Il est temps de renouveler la relation de nation à nation avec les peuples autochtones pour qu’elle soit fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la collaboration et le partenariat. »
Le gouvernement Trudeau a promis de lever le plafond de deux pour cent sur la majoration du financement des services de base dans les réserves, plafond instauré par le gouvernement libéral de Jean Chrétien en 1996, afin d’assurer une éducation de qualité aux enfants autochtones vivant dans les réserves, d’améliorer l’infrastructure physique essentielle dans les communautés autochtones, de promouvoir le développement économique et de créer des emplois pour les peuples autochtones.
Il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Le plafond de deux pour cent est toujours en place, ce qui signifie que le financement arrive à peine à garder le pas sur l’inflation, sans tenir compte du boum démographique que connaît la population autochtone depuis deux décennies. Le gouvernement Trudeau a bien ajouté 8,4 milliards de dollars sur cinq ans au financement consacré aux peuples autochtones, mais ceux-ci ne verront une bonne partie de cette somme qu’à la fin de cette période (dont 1,8 milliard dans l’année suivant les prochaines élections fédérales). Le gouvernement Harper avait réduit de 65 pour cent le financement de fonctionnement des gouvernements et organisations des Premières Nations, chose qui reste encore à réparer. Les organisations des Premières Nations, des Métis et des Inuits ne cessent de réclamer un financement prévisible et à long terme de leur fonctionnement et de leurs programmes.
Dans son premier budget, le gouvernement libéral avait alloué 206 millions de dollars au logement dans les réserves. Or, l’Assemblée des Premières Nations estime les besoins à au moins 1 milliard de dollars par année pendant dix ans.
Le gouvernement Trudeau a promis de régler tous les avis d’ébullition d’eau dans les réserves d’ici cinq ans. Dans le budget 2016, il consacrait 1,8 milliard de dollars sur cinq ans à l’infrastructure d’eau et 141,7 millions à la surveillance de la qualité de l’eau. On estime les besoins au bas mot à 5 milliards de dollars sur dix ans.
Le gouvernement libéral a accepté de financer adéquatement les services sociaux des réserves pour les enfants autochtones. Pourtant, malgré les nombreux jugements du Tribunal canadien des droits de la personne qui ont déterminé que le sous-financement des services sociaux dans les réserves est discriminatoire à l’égard des enfants autochtones, le budget 2017 ne prévoit aucun argent frais pour régler cette crise.
Il est vrai que ce budget consacre 3,4 milliards de dollars de plus aux peuples autochtones. Cette somme est répartie dans une vaste gamme de programmes et de services. Tout de même, c’est insuffisant pour couvrir les besoins des Premières Nations et des communautés métisses et inuit. Pour les étudiants des Premières Nations, le budget ajoute 90 millions de dollars sur deux ans au Programme d’aide aux étudiants de niveau postsecondaire, ce qui est inférieur aux promesses faites dans la dernière campagne électorale. Soulignons une augmentation significative du budget de l’Initiative des langages autochtones de Patrimoine canadien, qui passe de 5 millions de dollars à près de 23 millions par année. À quoi servira cet argent exactement ? Nous le saurons lorsque le gouvernement libéral dévoilera, ce printemps, la Loi sur les langues autochtones qu’il a promise récemment.
Le gouvernement crée un nouveau soutien ciblé au logement pour les Autochtones qui ne vivent pas dans une réserve, 225 millions de dollars sur les onze prochaines années. Ce soutien remplacera le Programme de logement des Autochtones en milieu urbain. Le gouvernement prévoit un autre investissement de 300 millions de dollars sur onze ans pour le logement nordique. Encore une fois, on ne verra une bonne partie de cet argent qu’après les prochaines élections fédérales, et ces sommes sont loin d’être suffisantes pour régler le manque chronique de logement abordable pour les Autochtones.
Ce budget prévoit de nouveaux investissements en vue de renforcer les capacités des gouvernements autochtones, dont une somme de 13,7 millions de dollars sur deux ans pour soutenir les relations bilatérales entre Ottawa et les Premières Nations, les Inuit et les Métis, par l’entremise de leurs organisations respectives : l’APN, l’Inuit Tapiriit Kanatami et le Ralliement national des Métis.
À la suite d’une décision de la Cour suprême qui reconnait au gouvernement fédéral la compétence sur les Métis et les Indiens non-inscrits, le Ralliement national des Métis et ses affiliés provinciaux, le présent budget alloue plus de 85 millions de dollars sur cinq ans à ces organisations pour leur permettre de renforcer leurs capacités gouvernementales. Ce budget prévoit aussi de faire passer ce financement à 28 millions de dollars par année après les prochaines élections fédérales. Il s’agit d’un gain important pour les organisations Métis qui réclamaient depuis longtemps un financement pluriannuel prévisible, mais on ne sait trop encore si cet argent débouchera sur l’amélioration ou la bonification des programmes et services aux Métis.
Environnement et changement climatique
Le gouvernement Trudeau avait fait de nombreuses promesses en lien avec l’environnement et le changement climatique. Pensons à l’investissement de 6 milliards de dollars sur quatre ans dans l’infrastructure verte, l’imposition d’un prix du carbone, la mise en place d’un cadre pancanadien de lutte au changement climatique avec cibles nationales de réduction des émissions, l’investissement dans les technologies propres, le rétablissement d’un processus musclé d’évaluation des impacts environnementaux, la protection des eaux douces et l’annulation des compressions dans les parcs nationaux.
Le budget 2016 investissait 400 millions de dollars sur deux ans dans les technologies propres et 2 milliards dans un fonds pour une économie à faibles émissions de carbone, en plus d’accroître le financement des parcs nationaux, entre autres pour les rendre gratuits cette année.
Le budget 2017 ajoute de l’argent pour le secteur des « technologies propres », entre autres au niveau de l’accès au financement, du soutien à la recherche et au développement et des incitatifs fiscaux. Il prévoit aussi des sommes additionnelles pour les parcs, la protection des écosystèmes d’eau douce et l’amélioration de la qualité de l’air. Il alloue des sommes additionnelles à plusieurs programmes de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation au changement climatique. Il affirme qu’on accélérera l’élimination graduelle des subventions à l’industrie des énergies fossiles. Enfin, il invite à nouveau les gouvernements provinciaux et territoriaux à se doter d’un prix plancher du carbone d’ici 2018. On y trouve aussi des engagements sur le financement de projets spécifiques de transport en commun.
Malheureusement, le budget remet à plus tard certaines promesses d’investissement par le biais du Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone. En outre, on n’y trouve rien de concret sur la transition juste ou le soutien aux travailleurs affectés par la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. En résumé : le budget contient de bonnes choses pour l’environnement, mais il faudrait en faire plus, et beaucoup plus rapidement, pour s’attaquer aux défis, aux impacts et aux coûts croissants du changement climatique.
Le Réseau pour une économie verte, que soutient le SCFP, a dressé un plan qui permettrait de transformer l’économie canadienne et de créer un million d’années-personnes d’emploi en investissant dans le bâtiment écologique, le transport en commun et les énergies renouvelables publiques. L’Alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral a dressé un plan de tarification progressive du carbone qui assurerait un meilleur sort à la plupart des familles canadiennes. Ces plans prévoient des investissements suffisants dans les énergies renouvelables, la rénovation, le transport public et les programmes de résilience et d’adaptation des infrastructures municipales.
Retraites et pensions
Ce budget ne propose rien de nouveau au chapitre des pensions ou de la sécurité de la retraite, dans le sillage des changements apportés dans le dernier budget et de la bonification du RPC.
Or, le projet de loi C-26 sur la bonification du RPC abandonne les dispositions d’exclusion pour élever des enfants et pour invalidité du RPC actuel. Ces dispositions permettent aux parents qui élèvent des enfants et aux personnes invalides qui touchent des prestations d’invalidité du RPC de ne pas être pénalisés pour la période qu’ils passent hors du marché du travail. Le SCFP a exhorté le fédéral à corriger ce problème, mais celui-ci ne l’a pas encore fait, et ce, malgré l’accent mis dans ce budget sur l’égalité entre les genres. Les Libéraux ont promis de créer un indice des prix à la consommation pour les aînés qui permettrait d’indexer précisément les pensions au coût de la vie des aînés, mais ce budget n’en fait pas mention.
Égalité
Dans son programme et ses déclarations depuis les élections, le Parti libéral a pris les engagements suivants :
- développer un régime proactif d’équité salariale pour les lieux de travail sous réglementation fédérale ;
- soumettre le budget 2017 et les budgets subséquents à une analyse comparative entre les genres ;
- développer une loi nationale sur l’invalidité pour éliminer les obstacles systémiques et assurer l’égalité des chances pour toutes les personnes qui vivent avec une invalidité ;
- accroître la participation des femmes et des groupes sous-représentés au marché du travail ;
- bonifier le soutien aux survivants de violence familiale, d’agression sexuelle et de harcèlement sexuel ; traduire en justice un plus grand nombre d’agresseurs ; éliminer le harcèlement et la violence sexuelle des lieux de travail fédéraux ;
- améliorer le programme de travailleurs étrangers temporaires pour qu’il réponde aux besoins des travailleurs migrants et des travailleurs et employeurs canadiens, y compris l’ajout d’une voie vers la résidence permanente pour les travailleurs étrangers ;
- réduire la discrimination et promouvoir la « croissance inclusive » (entre autres engagements envers une plus grande égalité).
Nous félicitons le gouvernement fédéral pour avoir ouvert la discussion sur l’égalité dans le contexte du budget en procédant à une analyse comparative selon les genres. Nous le félicitons aussi pour avoir reconnu les limites de telles analyses et pour avoir énoncé la nécessité de se pencher sur les identités croisées et leur influence sur l’expérience globale de la personne en matière d’oppression. Cela dit, le gouvernement n’a pas énoncé (ni exploré) le rôle de la race, tout particulièrement le racisme envers les Noirs et l’islamophobie, et les expériences des communautés transgenres au pays.
Ce budget comporte effectivement une analyse comparative selon les genres et il s’engage à l’utiliser dans le développement des politiques gouvernementales et la préparation des prochains budgets. Il s’agit d’un pas important pour lequel le gouvernement mérite nos félicitations, mais ce serait encore mieux si cette analyse élicitait des actions. Par exemple, le budget ne présente aucune action – en fait, pas même une mention – concernant l’équité salariale, l’équité en matière d’emploi ou la mise en place d’un salaire équitable ou suffisant.
L’automne dernier, le gouvernement Trudeau annonçait son intention de déposer un projet de loi sur l’équité salariale dans les secteurs sous réglementation fédérale, mais pas avant 2018 et au terme d’autres consultations publiques. Le budget 2017 mentionne que le Canada connaît l’un de ses plus importants écarts salariaux entre les genres, mais il ne parle pas d’équité salariale. Le SCFP et le Comité spécial sur l’équité salariale ont demandé au gouvernement fédéral de mettre en œuvre immédiatement une loi proactive inspirée des recommandations du Groupe de travail sur l’équité salariale de 2004.
Le gouvernement libéral a mené des consultations sur une éventuelle Loi nationale sur l’invalidité jusqu’en février 2017. Le mémoire du SCFP présentait plusieurs recommandations, dont le rétablissement du Règlement sur l’équité en matière d’emploi aux normes antérieures. Malheureusement, le gouvernement Trudeau a fait très peu de choses pour l’équité en matière d’emploi, outre la parité homme-femme au cabinet. Il n’a pas amélioré les lois fédérales sur l’équité en matière d’emploi et il a fait très peu pour stimuler l’embauche de personnes autochtones.
Comme promis, le gouvernement Trudeau a mis sur pied une enquête indépendante sur les femmes autochtones assassinées ou disparues, mais, autrement, il a fait très peu dans les dossiers de la violence familiale et de la violence, des agressions et du harcèlement sexuel au travail.
Le budget 2017 propose d’investir, à compter de 2017-2018, 100,9 millions de dollars sur cinq ans et 20,7 millions annuellement par la suite dans la mise en place d’une stratégie nationale pour combattre la violence fondée sur le sexe. Nous applaudissons le fait que le gouvernement reconnaisse l’importance d’investir dans les services qui ciblent la violence sexuelle et la violence fondée sur le sexe. Nous nous attendons maintenant à ce qu’il demande conseil aux organismes communautaires qui mènent ces travaux et qu’il confie cet argent directement à ces organismes.
Ce budget oublie les travailleurs étrangers temporaires. Le gouvernement fédéral avait promis d’élargir les voies d’accès à la citoyenneté. Le budget 2017 investit dans le Programme de travailleurs étrangers temporaires, mais on ne sait pas trop en quoi cet investissement améliorera le sort des travailleurs étrangers temporaires et des travailleurs migrants. Le budget 2017 propose de consacrer, à compter de 2017-2018, 279,8 millions de dollars sur cinq ans et 49,8 millions annuellement par la suite à l’amélioration de la prestation du Programme de travailleurs étrangers temporaires et du Programme de mobilité internationale. Le gouvernement ne s’est pas intéressé aux problèmes criants de la permanence, de la mobilité et de la sécurité à l’emploi soulevés par les travailleurs migrants et les organismes qui les représentent. Nous félicitons le gouvernement pour avoir levé, en décembre 2016, la règle des « 4 ans au pays, 4 ans à l’extérieur », mais il devrait aussi donner suite aux revendications des travailleurs migrants et de leurs organismes, particulièrement au chapitre des modifications à la réglementation requises pour permettre aux travailleurs migrants de changer d’emploi. Cela permettrait d’améliorer les conditions de travail et de vie des travailleurs migrants et d’origine canadienne, et, plus spécifiquement, de permettre une transition des permis rattachés à un emploi vers des permis de travail ouverts, ainsi que d’accorder aux travailleurs migrants le statut de résident permanent dès leur entrée au pays.
Développement international et solidarité
Le gouvernement Trudeau s’est engagé à recentrer l’aide internationale sur la réduction de la pauvreté et à s’assurer que chaque dollar investi dans le développement international soit dépensé. Cependant, les Libéraux ne se sont pas engagés à accroître l’enveloppe de l’aide internationale, ce que ce budget ne fait pas. On y trouve par contre 650 millions de dollars pour les droits sexuels et reproductifs dans les communautés les plus pauvres et vulnérables du monde. Cette mesure fait suite à l’annonce, par le président Trump, du retrait de l’aide américaine dans ce domaine. Le budget prévoit aussi 63 millions de dollars pour l’aide juridique offerte aux réfugiés et aux demandeurs d’asile, ce qui représente un pas dans la bonne direction.
Le Conseil canadien pour la coopération internationale, l’organisation qui chapeaute les groupes de développement international, réclamait du gouvernement Trudeau qu’il fasse passer l’aide au développement international de son niveau actuel de 0,28 pour cent du produit national brut (PNB) à 0,7 pour cent d’ici 2016-2017, une cible que le gouvernement Chrétien avait promis d’atteindre pour 2011.
Équité fiscale
Le budget consacre un chapitre entier à l’équité fiscale pour la classe moyenne. On y parle beaucoup de cette équité fiscale, mais on y présente bien peu de gestes concrets qui modifieraient le code fiscal pour augmenter l’impôt des personnes à revenu élevé.
Au contraire, les mesures fiscales annoncées dans ce budget (hausse des taxes sur l’alcool et le tabac, disparition du crédit d’impôt pour le transport en commun, hausse des cotisations d’assurance-emploi) vont accroître légèrement le fardeau fiscal des ménages à revenu faible ou moyen.
Voici les changements annoncés :
- hausse de 2 pour cent de la taxe fédérale d’accise sur l’alcool. Cela représente à peine quelques cents de plus pour une caisse de 24 bières et environ un cent de plus pour une bouteille de vin ;
- hausse de 2,5 pour cent de la taxe fédérale d’accise sur le tabac, ce qui représente 53 cents de plus pour une cartouche de 200 cigarettes ;
- création d’un crédit d’impôt pour aidants naturels ;
- ajout des infirmières et infirmiers praticiens à la liste du personnel médical admissible au crédit d’impôt pour invalidité ;
- élargissement des règles d’admissibilité au crédit d’impôt pour frais de scolarité ;
- disparition du crédit d’impôt pour transport en commun ;
- disparition de la déduction pour prêt à la réinstallation ;
- accélération de l’élimination graduelle des subventions à l’industrie des énergies fossiles ;
- amendement à la définition d’une entreprise de taxi pour assujettir les services de covoiturage à la TPS-TVH.
Il n’y a aucune mesure substantielle pour éliminer les échappatoires fiscales comme la déduction pour options d’achat d’actions ou pour gain en capital, ou encore pour forcer les multinationales du numérique comme Netflix à payer des impôts. Le fédéral devrait en faire beaucoup plus pour mettre fin aux stratagèmes d’évasion et d’évitement fiscaux de ces multinationales qui privent nos gouvernements de revenus essentiels et qui sapent nos entreprises et nos emplois de qualité.
Le budget prévoit récupérer à peine 60 millions de dollars par année pour les cinq prochaines années grâce à « l’élimination d’échappatoires fiscales », une somme plus conséquente de 1,9 milliard de dollars sur cinq ans grâce à la lutte à l’évasion et à l’évitement fiscaux, ainsi que 1,3 milliard de dollars sur cinq ans grâce à l’élimination de mesures fiscales inefficaces (essentiellement le crédit d’impôt pour le transport en commun).
Le gouvernement prévoit publier un document, d’ici quelques mois, sur la planification fiscale agressive ; il investira 524 millions de dollars de plus, sur cinq ans, dans la prévention de l’évasion fiscale et l’amélioration de l’observation fiscale.
Ce budget est le deuxième où le gouvernement Trudeau évite d’instaurer des changements substantiels en vue d’éliminer les échappatoires fiscales rétrogrades et inefficaces qui profitent presque uniquement aux nantis, surtout à cause des fortes pressions exercées par lesdits nantis. Le SCFP et ses alliés, dont Canadiens pour une fiscalité équitable, exerceront des pressions encore plus fortes sur le gouvernement pour que celui-ci remplisse ses promesses électorales sur cette question.
Déficit et dette, perspectives fiscales et économiques
Malgré tout ce qui se dit sur les déficits sans fin, ce budget contient très peu de dépenses additionnelles : aucune nouvelle dépense nette pour les deux prochaines années et seulement 4,5 milliards de dollars en dépenses additionnelles au cours des cinq prochaines années, par rapport aux engagements du dernier budget. Le gouvernement a plutôt joué avec les dépenses déjà prévues.
Le déficit attendu pour 2017-2018 est légèrement moins élevé que ce qu’annonçait le budget de l’an dernier. Les déficits futurs sont plus élevés, parce que le gouvernement a augmenté le montant de son fonds de prévoyance, en raison de la lenteur de la croissance économique, ainsi que de la plus faible part qu’occupent les revenus (et la plus forte part qu’occupent les dépenses) dans l’économie.
Malgré les taux légèrement plus élevés, on prévoit que les dépenses et les revenus du fédéral seront inférieurs, en pourcentage de l’économie, qu’ils l’ont été généralement au cours du dernier demi-siècle.
On devrait plutôt s’inquiéter de la faiblesse de la croissance économique et du taux de chômage prévus dans ce budget. Le taux de chômage devrait se maintenir au-dessus de 6,5 pour cent jusqu’en 2020. En guise de comparaison, au centenaire du Canada, en 1967, le taux de chômage se situait à 3,5 pour cent, soit la moitié du taux actuel. On connaissait une forte croissance de l’emploi et des salaires, ainsi qu’un optimisme plus élevé dans tout le pays.
Les effets des faibles taux d’intérêt et des dépenses de relance dans l’infrastructure seront limités si les travailleurs et la classe moyenne continuent d’accumuler du retard salarial sur l’inflation et que l’essor de la précarité d’emploi se poursuit. Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent en faire beaucoup plus pour stimuler la croissance des bons emplois, augmenter le salaire réel et élargir les services publics. C’est la seule solution à une croissance plus forte et réellement inclusive, cette croissance dont le premier ministre parle si souvent. Or, il a beau être un grand parleur, il devra en faire plus, beaucoup plus.