Les vapeurs toxiques ont un lien direct avec la conception des avions modernes.
Les avions commerciaux sont pressurisés pour permettre à l’équipage et aux passagers de respirer à une altitude supérieure à 2400 mètres (8000 pieds). L’air pressurisé provient des réacteurs et des groupes auxiliaires de bord. L’air qui entre dans les réacteurs est rapidement compressé dans une chambre plus petite et une petite quantité de cet air est prélevé afin de pressuriser la cabine (« bleed air »).
Pour refroidir les pièces mobiles d’un réacteur, on utilise des lubrifiants synthétiques. En cas de défaillance, il arrive que de l’huile synthétique ou d’autres produits chimiques (comme le liquide de déglaçage) se retrouvent dans l’air prélevé pour alimenter la cabine. À température élevée, les additifs que contiennent ces produits peuvent se dégrader et être pulvérisés dans l’air. Pour l’instant, aucun dispositif de filtrage à bord des avions commerciaux ne permet d’éliminer ces vapeurs toxiques.
Lorsque des produits chimiques contenus dans l’air prélevé se retrouvent dans la cabine, on remarque parfois une odeur nauséabonde apparentée à celle des « vieilles chaussettes ». Or, en raison de la conception des systèmes d’aération, cette odeur est souvent détectable uniquement à l’avant et à l’arrière de la cabine. On peut aussi observer la présence de fumée dans la cabine, ainsi que le déclenchement soudain de symptômes apparemment inexplicables (voir section suivante). Même un réacteur parfaitement entretenu conformément au calendrier le plus strict peut connaître une défaillance ou tomber en panne. Parfois, cela s’explique simplement par un carter d’huile trop plein. Pour s’assurer à 100 pour cent que ni les agents de bord ni les passagers ne soient exposés à un air prélevé contaminé, il faut absolument équiper les avions d’un système de filtration qui élimine les contaminants possibles ou encore repenser complètement la manière dont l’air pressurisé est amené à la cabine. Par exemple, le Boeing 787 alimente la cabine à l’aide de compresseurs électriques au lieu d’utiliser de l’air prélevé. Malheureusement, les nouveaux appareils sont rarement munis de systèmes plus sécuritaires, les constructeurs préférant la technologie plus risquée et moins coûteuse de l’air prélevé.
Pourquoi est-ce un problème pour les agents de bord et les passagers ?
Il existe suffisamment de preuves démontrant que l’exposition aux produits chimiques par l’entremise de l’air prélevé est dangereuse et qu’elle peut provoquer les symptômes suivants : irritation des yeux, du nez et des voies respiratoires supérieures, toux, difficultés respiratoires, oppression thoracique, vision trouble ou tubulaire, maux de tête, étourdissements, difficulté à se concentrer, nausée et vomissements. Il y a aussi des effets à plus long terme : dommages au système respiratoire et au système nerveux central, pertes de mémoire et des fonctions cognitives, affaiblissement immunitaire, troubles cardiovasculaires et cancer (possiblement). Si les agents de bord et les pilotes sont les personnes les plus touchées en raison d’un niveau d’exposition plus élevé, les passagers sont également à risque. On évalue à plusieurs millions le nombre de membres d’équipage et de passagers qui ont été exposés à ces vapeurs toxiques depuis l’introduction de la technologie de l’air prélevé en 1963. Certains passagers génétiquement sensibles aux toxines peuvent tomber malades. En présence de vapeurs dans la cabine, les passagers n’ont pas accès à l’oxygène d’urgence. Enfin, certains chercheurs croient qu’il existerait un lien entre les troubles cognitifs de l’équipage en raison des vapeurs toxiques et certains écrasements. Pour toutes ces raisons et d’autres, il faudrait aussi protéger les passagers.
Qu’en disent les transporteurs aériens ?
Malgré ces preuves scientifiques, plusieurs transporteurs aériens continuent de nier officiellement la menace grave que représentent les vapeurs toxiques pour l’équipage et les passagers, mais plusieurs syndicats représentants les agents de bord, dont le SCFP, continuent de presser les transporteurs et les organismes de réglementation d’agir.
Que peut-on faire ?
Certains transporteurs et constructeurs américains ont commencé à développer des options permettant d’ajouter un système de filtration aux systèmes existants ou encore de convertir ces systèmes à une technologie sans air prélevé. Il existe aussi un fabricant français d’huile qui propose des produits exempts des additifs toxiques les plus susceptibles de générer des vapeurs toxiques à bord.
Plusieurs syndicats, dont le SCFP, ont contribué financièrement à un programme de recherche de l’Université de Washington visant à développer un test sanguin fiable pour mesurer l’exposition et à disposer de données plus claires sur les effets secondaires des additifs neurotoxiques des huiles à moteur et des liquides hydrauliques sur les humains. Ces recherches avanceraient plus vite si les gouvernements et l’industrie aérienne les soutenaient plus vigoureusement.
Il existe d’autres mesures permettant de réduire le risque : une surveillance accrue de la part des organismes de réglementation, l’installation de systèmes de détection des contaminants dans l’air, la formation de l’équipage pour assurer le recours à l’oxygène dans tous les cas d’urgence, un resserrement de l’application du système de déclaration du Code canadien du travail et de la formation sur ce système, l’utilisation d’huiles et de liquides hydrauliques sans additifs neurotoxiques et une enquête épidémiologique complète sur les équipages avec dépistage des biomarqueurs sanguins lorsque ces tests deviendront disponibles.
Le SCFP croit que les transporteurs aériens et Transports Canada doivent agir de manière beaucoup plus concertée dans l’élimination des vapeurs toxiques afin de protéger la santé des passagers et de l’équipage.
L’engagement électoral du Parti libéral du Canada en 2015
Pendant la dernière campagne électorale fédérale, la Division aérienne du SCFP a envoyé un questionnaire à tous les grands partis politiques pour savoir, entre autres choses, s’ils appuyaient des mesures permettant d’assurer la surveillance de la qualité de l’air à bord et un meilleur approvisionnement en air.
Voici la réponse du Parti libéral du Canada :
« Le Parti libéral du Canada s’engage à assurer à tous les Canadiens et Canadiennes un environnement de travail sûr et sain par l’entremise de mesures fondées sur des éléments probants et d’une consultation adéquate avec les intervenants et les experts. »
Les revendications du SCFP
Le SCFP demande au gouvernement fédéral de convoquer immédiatement les principaux intervenants du secteur du transport aérien, des milieux médical et scientifique et des syndicats du secteur du transport aérien, dont le SCFP, afin d’identifier un éventail de modifications à la réglementation permettant d’éliminer les effets nocifs des vapeurs toxiques. De plus, nous demandons à ce que cette consultation des intervenants se déroule en personne, dans un contexte parfaitement transparent et inclusif, et que les résultats de ces consultations soient mis à la disposition du Parlement et de la population.
Le SCFP est le plus grand syndicat au pays. Il compte 639 000 membres. Le SCFP représente plus de 10 000 agents de bord qui travaillent pour Air Canada (ligne principale et rouge), Air Transat, Calm Air, Canadian North, CanJet, Cathay Pacific, First Air et Sunwing.