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La Sûreté du Québec a ouvert une enquête criminelle sur la publication de l’identité d’une victime d’agression sexuelle dans le Journal de Québec et sur le site Internet Canoë, ce qui était pourtant interdit par le tribunal.

Munis d’un mandat de perquisition, deux enquêteurs du Bureau régional d’enquête de la SQ se sont rendus aux locaux du quotidien de Vanier, mercredi après-midi. «Nos enquêteurs voulaient obtenir des documents et rencontrer les responsables du journal, de même que le journaliste qui a écrit l’article en question», a précisé l’agent Richard Gagné, porte-parole de la SQ à Québec. L’agent Gagné a affirmé que le corps policier a été saisi d’une plainte, en début de semaine, au sujet d’un article publié dans la livraison du Journal de Québec de vendredi. On y relatait la sentence de 15 mois d’emprisonnement à purger dans la collectivité imposée par le juge Carol St-Cyr à Pier-Olivier Boulet, 22 ans, un militaire de la base de Valcartier trouvé coupable d’agression sexuelle sur une jeune femme de 18 ans.

Victime identifiée, journaliste anonyme

La victime a vu son nom publié en toutes lettres dans cet article, en dépit d’une ordonnance de non-publication rendue par le tribunal afin d’assurer que le public n’en soit pas informé par les médias. Dans toutes les causes d’agression sexuelle, la Couronne demande et obtient systématiquement du tribunal pareille ordonnance en vertu de l’article 486.4 du Code criminel. Cela, que la victime soit mineure ou majeure. Par contre, l’auteur de l’article litigieux n’était pas identifié. Le texte était simplement signé «Canoë et PC». Les nouvelles (à l’exception des chroniques) publiées dans le Journal ne sont pas coiffées de la signature des journalistes depuis le lock-out déclenché à ce quotidien propriété de Quebecor. La nouvelle a aussi été diffusée sur le portail Canoë, dès jeudi soir. Les responsables du site Web l’ont cependant retirée, vendredi avant-midi, après un appel téléphonique provenant du bureau des procureurs de la Couronne à Québec les sommant de corriger cette bourde. «C’est un volet que les enquêteurs entendent aussi vérifier», a affirmé l’agent Gagné. Selon ce qu’il a été possible d’apprendre, la victime était dans tous ses états lorsqu’elle a constaté que son identité avait ainsi été dévoilée au grand public. Elle a vite communiqué avec la Couronne pour se plaindre, ayant été reconnue non seulement dans son milieu de travail, mais par certains membres de sa famille qui ignoraient tout des procédures judiciaires dans lesquelles elle était engagée. Une fois qu’il sera terminé, la Sûreté du Québec remettra son rapport d’enquête au cours des prochaines semaines à la Couronne, où un procureur déterminera s’il y a lieu de déposer ou non une accusation criminelle contre le journaliste, celle d’avoir transgressé une ordonnance d’un tribunal. «C’est un type d’enquête qui sort de l’ordinaire, mais ça (le non-respect d’une ordonnance de non-publication) s’est déjà fait dans le passé et pas toujours par des médias», d’après l’agent Gagné.

Les syndiqués inquiets

«Un jour, nous retournerons travailler au Journal de Québec, mais sa crédibilité risque alors d’être très entachée.» Daniel Paquet, porte-parole des trois syndicats touchés par le conflit de travail au Journal de Québec (les employés de la rédaction et des bureaux, en lock-out, et ceux de l’imprimerie, en grève), s’est dit inquiet des répercussions de cette affaire sur la crédibilité du quotidien. «Les artisans et les professionnels de l’information du Journal ne sont plus là et l’on constate que des erreurs se sont multipliées ces dernières semaines. Ils ont annoncé par erreur la mort de l’ex-hockeyeur du Canadien John Ferguson, ils ont publié que le lac Saint-Joseph était infesté d’algues bleues, ils ont inversé des noms et des photos dans les avis de décès. Là, l’erreur semble encore plus grave, puisqu’elle entraîne une enquête de la SQ. C’est inquiétant.» Dans ces circonstances, Daniel Paquet estime que «plus tôt qu’on retournera à la table des négociations avec l’employeur pour en venir à une entente, mieux ce sera.»