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Par Paul Moist

Depuis qu’il a été élu, Stephen Harper ne cesse de tenter de trouver des moyens d’échapper à l’imputabilité. Des balles échappées et des promesses brisées – pensons à la réforme du Sénat, à la lutte contre la pollution atmosphérique, à l’égalité des femmes et à une plus grande ouverture et transparence du gouvernement, pour ne mentionner que celles-là – ont contribué à creuser l’écart qui sépare les engagements des conservateurs de leurs réalisations concrètes. Et l’explosion de cet écart est imminente maintenant que les conservateurs de Harper se préparent à larguer une bombe de privatisation sur les infrastructures publiques canadiennes.

En novembre, le ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, Lawrence Cannon, a annoncé une nouvelle vague fédérale en faveur de PPP pour la construction de routes, de ponts et d’autres infrastructures communautaires, dont une autoroute qui sera construite entre les villes de Windsor et de Detroit. Prôner des PPP est un choix pouvant être lourd de conséquences pour Harper à la lumière des expériences vécues au Canada et ailleurs dans le monde, des expériences ayant semé de profondes inquiétudes sur le plan de la reddition de comptes.

Un gouvernement aussi concerné par l’efficacité que le gouvernement Harper se dit l’être devrait pourtant savoir que les PPP sont plus coûteux que les projets financés par le secteur public. La raison est fort simple : le secteur privé n’est jamais en mesure d’emprunter à des taux aussi bas que ceux consentis aux gouvernements.

Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a qualifié les PPP d’« arrangements financiers fascinants ». Cette fascination vient à un prix élevé. À l’Île-du-Prince-Édouard, le pont de la Confédération – cité parmi les PPP ayant connu le plus de succès – a coûté 45 millions de plus tout simplement parce que sa construction a été financée par le privé. Le financement privé du pont Charleswood de Winnipeg a eu pour résultat de gonfler les coûts de construction en valeur actuelle, initialement fixés à 11,6 millions, de 1,4 million supplémentaires. Multipliez ce niveau de coûts supplémentaires par le nombre de ponts et d’autoroutes en besoin d’une réfection ou en attente d’être construits, et il en résulte un gaspillage éhonté de fonds publics.

Harper et les conservateurs auraient intérêt à observer ce qui se passe avec leurs homologues britanniques qui sont en rébellion ouverte contre le prix élevé des hôpitaux financés par le privé. Le programme des hôpitaux, initialement proposé par les conservateurs, coûtera aux Britanniques 45 milliards de livres de plus que prévu au cours des 30 prochaines années. Selon les chiffres dévoilé par les conservateurs eux-mêmes, les entrepreneurs privés obtiennent un rendement de 540 % sur des investissements hospitaliers totalisant 8 milliards de livres.

Les promoteurs de PPP ont tenté de changer de cheval de bataille en avouant que leur option est plus coûteuse mais en soutenant maintenant que les PPP se traduisent par une meilleure qualité de services. Encore une fois, des expériences en Australie, en Grande-Bretagne et au Canada racontent une toute autre histoire. Rappelons-nous, par exemple, le nombre de lits qui ont été fermés dans les hôpitaux britanniques gérés en vertu d’un PPP ou encore le traitement inefficace des eaux usées par des PPP à Hamilton, Ontario.

Au-delà des pièges financiers, les PPP vont à l’encontre de l’engagement du gouvernement Harper en faveur d’une plus grande ouverture, transparence et surveillance de l’appareil gouvernemental. Loin d’être accessibles à l’examen du public, les PPP sont négociés et gérés dans le plus grand secret, ce qui laisse les élus et les citoyens concernés dans l’obscurité et loin de l’action. Le manque de transparence dans l’approvisionnement des PPP fait en sorte qu’il est impossible pour le public d’examiner ces projets, d’en faire évaluer le véritable rendement par des sources indépendantes et d’en assurer un suivi efficace.

Lorsque des élus responsables de prendre la décision définitive concernant la construction d’une liaison rapide entre l’aéroport de Richmond et Vancouver au coût de 2 milliards ont tenté d’obtenir l’accès à d’importants documents de projet, dont une étude de faisabilité financière et une analyse de rentabilisation, ils ont frappé de plein fouet un mur de confidentialité.

En Ontario, des groupes de défense et de promotion de la santé ont dû s’engager dans une longue bataille juridique avant de mettre la main sur des données financières fondamentales concernant un PPP dans le milieu hospitalier, des données auxquelles ils auraient facilement eu accès si le projet avait été public. Les conservateurs sous le premier ministre Stephen Harper tout comme le Parti libéral ont rejeté des propositions formulées par le SCFP qui auraient eu pour effets d’accroître la transparence et l’imputabilité des contrats, de la privatisation et des ententes de PPP en vertu du projet de Loi fédérale sur la responsabilité.

Les conservateurs ne sont certes pas les seuls à pousser en faveur des PPP. Plutôt, ils ont choisi de s’engager dans la même voie risquée que les gouvernements provinciaux de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec. Aux prises avec un problème de relations publiques concernant des PPP qui prenait de l’ampleur en Colombie-Britannique, le gouvernement Campbell a adopté une politique qui force les municipalités et autres établissements publics de la province à accepter des PPP s’ils souhaitent que le gouvernement provincial finance leurs grands projets d’immobilisations.

Au Québec, le gouvernement Charest a imposé le bâillon pour faire adopter à toute vapeur par l’Assemblée nationale la création d’un organisme gouvernemental de promotion des PPP. Ici comme ailleurs, les PPP font face à de la résistance. Le projet de la province d’ajouter 5000 places de soins de longue durée en vertu de PPP stagne depuis que le conseil d’administration d’un centre de soins de longue durée de la région de Québec a rejeté un PPP. En vertu du PPP, le nouveau centre aurait coûté 14,4 millions de plus et livré des services de moindre qualité.

En Ontario, les libéraux de McGuinty dissimulent le fait qu’ils ont brisé une promesse électorale en renommant les PPP des MFA (modèles de financement et d’approvisionnement). Les libéraux fédéraux avaient également essayé d’échapper au radar pendant qu’ils étaient au pouvoir en faisant très peu de déclarations publiques en la matière tout en concluant subrepticement des ententes de PPP pour des projets d’infrastructure payés par l’argent des contribuables. Leurs successeurs conservateurs adoptent une approche beaucoup plus effrontée.

Les personnes qui poussent en faveur de partenariats public-privé pour la réfection et la construction des infrastructures du Canada reconnaissent que les PPP soulèvent des inquiétudes dans la population canadienne, mais ils préfèrent en jeter le blâme sur un problème de communications. Ils sous-estiment le public canadien. Lorsque les Canadiennes et Canadiens apprennent la vérité sur les répercussions des PPP, ils rejetteront ces stratagèmes qui dilapident les fonds publics et font fi de la démocratie.

Paul Moist est le président national du Syndicat canadien de la fonction publique qui représente 550 000 travailleuses et travailleurs fournissant des services publics à des collectivités d’un bout à l’autre du Canada.