À cet atelier présenté par le SCFP, Mme Lysyk a pu expliquer, devant une salle bondée, pourquoi les 74 projets PPP ontariens coûtent huit milliards de dollars de plus à l’État que s’ils avaient été réalisés en mode traditionnel. Elle a aussi expliqué le « modèle biaisé » qu’utilise l’agence PPP provinciale Infrastructure Ontario pour évaluer les PPP, modèle qui pipe les dés en faveur de la privatisation, sans qu’aucun fait ne vienne étayer les recommandations.
Selon Mme Lysyk, les projets qu’elle a examinés et qui ont fait l’objet d’une évaluation par Infrastructure Ontario sont allés de l’avant comme PPP « de manière quasi automatique ».
Les principales décisions ont été prises sur la foi d’opinions et non de preuves : « Nous demandions à voir des données empiriques étayant l’analyse d’Infrastructure Ontario. Nous n’en avons pas trouvé, pas une seule. »
En réponse à la question d’un conseiller municipal sur l’obligation de soumettre un projet d’infrastructure au crible du PPP, Mme Lysyk a réitéré ses doutes concernant le modèle utilisé pour évaluer si un PPP permet d’optimiser les ressources ou non : « Nous demandons simplement à voir les preuves. En ce moment, le modèle ontarien est strictement théorique et fondé sur des jugements de valeur. Impossible d’étayer l’évaluation des risques dans ce modèle. Peu importe le projet, ce modèle recommande systématiquement de le réaliser en PPP. Il est donc biaisé. »
Le gouvernement fédéral et la plupart des gouvernements provinciaux ont une agence PPP au fonctionnement similaire à celui d’Infrastructure Ontario. Et, de plus en plus, les municipalités doivent s’exposer aux risques et aux coûts plus élevés associés des PPP.
« Le rapport de Bonnie Lysyk remet en question l’ensemble du modèle PPP, a souligné le président national du SCFP, Paul Moist, qui animait l’atelier. Et les subventions du fédéral sont conditionnelles au PPP; qu’on pense au nouveau fonds pour l’infrastructure des transports en commun. Or, nous savons que les PPP sont plus coûteux. Pourtant, on les recommande, sans démontrer qu’ils sont bénéfiques à la collectivité. »
L’économiste David Thompson, qui participait aussi à l’atelier, a remis en question le fonds fédéral PPP qui subventionne jusqu’à 25 pour cent des coûts d’immobilisation des projets privatisés : « Le fédéral offre une subvention énorme aux PPP : il défraie le quart de leurs coûts. Or, s’il doit subventionner les PPP à une telle hauteur, il y a de quoi se demander si ceux-ci peuvent être rentables au bout du compte. »
« Cessons de forcer les municipalités à accepter ce modèle dispendieux, a ajouté M. Moist. À la place, offrons-leur un financement fédéral durable et prévisible qui ne soit pas conditionnel à la privatisation. »
L’atelier se penchait aussi sur de meilleurs moyens de financement pour les infrastructures de nos villes et villages.
Selon le maire de Dauphin Eric Irwin, autre intervenant à l’atelier, rien ne dit que le secteur public n’est pas en mesure de gérer et de livrer ses projets d’infrastructure : « Leur gestion incombe aux conseils municipaux et aux élus. » Il a donné l’exemple de l’aréna de Dauphin, livré sans recourir à un PPP.
Selon Mme Lysyk, Infrastructure Ontario « pourrait tout aussi bien gérer les projets du secteur public », ce qui donnerait de meilleurs résultats tout en permettant d’économiser.
« La réussite de l’exécution publique d’un projet dépend de l’efficacité de la gestion des contrats et du projet, a-t-elle ajouté. Ce que nous recommandons dans notre rapport, c’est qu’on peut appliquer le savoir d’Infrastructure Ontario à la gestion des constructions en mode traditionnel, afin de disposer d’une bonne gestion de projet sans payer autant d’argent en financement. »
M. Irwin a raconté à quel point l’engagement communautaire et le réinvestissement ont transformé sa communauté du Manitoba. À sa première élection au conseil municipal, en 1998, Dauphin se vidait de l’intérieur, citoyens, emplois et entreprises fuyant cette municipalité rurale. L’assiette fiscale avait réduit comme peau de chagrin et, comme le dit M. Irwin, « on ne peut pas redevenir prospère en s’affamant ».
Le nouveau conseil municipal a fait participer la collectivité à l’érection d’installations publiques qui sont venues resserrer les liens communautaires, comme un planchodrome, un complexe récréatif et une piscine. Le populaire CountryFest de la municipalité a joué un rôle prédominant dans la dynamisation de l’économie, en plus d’aider à rentabiliser la nouvelle salle de cinéma communautaire.
Le revirement a d’abord pris naissance chez les citoyens, affirme M. Irwin : « Intéressez la population, créez de beaux espaces publics, et voilà que la population se met à croître. L’assiette fiscale grandit, sans qu’on ait à courir après les taxes. Les revenus se mettent à grandir au rythme des besoins. »