Les travailleurs colombiens qui luttent contre la privatisation de l’eau font face à des obstacles gigantesques : la répression, la violence et la corruption. Pourtant, grâce aux alliances syndicales-communautaires et à la solidarité internationale, ils gagnent!

Margarita Lopez est l’une des artisanes de l’établissement de ce réseau imparable de défenseurs de l’eau et d’organisateurs communautaires. Au congrès national du SCFP, la présidente de SINTRACUAVALLE, le syndicat des travailleurs d’un grand service public d’eau en Colombie, a fait part des difficultés rencontrées et des stratégies adoptées pour les surmonter. Elle a décrit les travailleurs à la tête de ce mouvement comme des « agents de changement » qui contribuent à faire avancer les droits de la personne et à contrer les forces de droite dans son pays.

SINTRACUAVALLE est un partenaire de longue date du SCFP. Ce syndicat représente les travailleurs du distributeur d’eau potable ACUAVALLE, qui alimente plus de 700 000 usagers dans 36 municipalités de la province de la Valle de Cauca. Margarita Lopez le dirige depuis vingt ans. Durant cette période, son équipe a fait échouer plusieurs tentatives visant à privatiser l’eau.

Elle a parlé de la lutte contre ce type de privatisation comme d’une « tâche sacrée » dans laquelle la solidarité internationale joue un rôle crucial : « Avec le soutien du SCFP, nous accomplissons une importante œuvre collective pour défendre l’eau à titre de richesse commune appartenant à toutes les communautés. »

À travers ses efforts de sensibilisation et d’organisation, SINTRACUAVALLE établit le lien entre les droits des travailleurs de l’eau qui fournissent un service public et l’importance du droit à l’eau. Selon Margarita Lopez, les gouvernements d’extrême droite qui se sont succédé ont répandu des faussetés sur les syndicats.

L’antidote à cette propagande est simple et efficace : la présence et l’écoute, afin d’appuyer les luttes de la population. Les travailleurs gagnent la confiance des citoyens en leur montrant qu’ils les soutiennent, autant dans le dossier de l’eau que pour d’autres questions sociales. « Les gens considèrent SINTRACUAVALLE comme un allié de la communauté », a-t-elle souligné.

Il faut beaucoup de temps et d’efforts méthodiques pour bâtir un mouvement de défense des services d’eau publics. SINTRACUAVALLE participe à la formation et à l’autonomisation de comités locaux qui pourront lutter contre la privatisation des services d’eau et s’attaquer à d’autres problématiques. Ces alliances syndicales-communautaires ont déjoué plusieurs projets de privatisation. En 2018, elles ont mis un terme à un grand partenariat public-privé (PPP) dans le secteur de l’eau.

« La communauté marche main dans la main avec les travailleurs pour défendre son eau », a déclaré Margarita Lopez aux délégués qui assistaient à la réunion du secteur municipal au congrès national.

SINTRACUAVALLE fournit aussi des conseils techniques gratuits aux communautés ayant peu ou pas d’accès à l’eau potable, un projet que le SCFP soutient directement. Le syndicat signe des accords avec les communautés afin d’enseigner aux citoyens à purifier et à gérer eux-mêmes leur eau. Cela améliore l’accès à une eau potable sous contrôle communautaire et qui, donc, ne sera pas privatisée. Plus de 20 pour cent des Colombiens n’ont pas accès à l’eau potable, dont de nombreuses communautés autochtones.

Selon Margarita Lopez, tisser des liens avec les gens sur quelque chose d’aussi vital que l’eau permet d’aiguiser leur conscience politique et d’ouvrir la porte à bien d’autres discussions.

« Nous abordons d’autres sujets, comme le changement climatique et les droits des femmes. Une fois que l’on comprend la privatisation, on peut comprendre le contexte politique en Colombie », a-t-elle noté.

Margarita Lopez, les membres de son syndicat et leurs alliés communautaires sont confrontés à la violence et aux menaces de mort, dans un pays extrêmement dangereux pour les militants. Elle-même a été ciblée par les forces paramilitaires dernièrement. Le pays est en crise, a-t-elle rappelé : « Cette crise est omniprésente : dans la santé, l’éducation, l’eau et l’emploi. Le gouvernement ne respecte pas l’accord de paix. Il viole les droits des citoyens et rien ne garantit la sécurité des dirigeants syndicaux et des chefs des mouvements sociaux. »

Le gouvernement a présenté de nouvelles lois qui répriment les manifestations, tout en introduisant des réformes radicales affectant les droits des travailleurs, le régime fiscal et les retraites.

Pour Margarita Lopez, il n’y a qu’une seule façon d’avancer : « Pour nous, l’avenir est jonché de difficultés. » 

La solidarité et le soutien du SCFP au fil des ans ont « une importance considérable ».

« Cela nous motive à continuer à lutter », a-t-elle conclu.