Alia Karim | Employée du SCFP
Les membres du SCFP défendent l’importance des services publics de qualité depuis la naissance de notre syndicat en 1963. La privatisation est une menace omniprésente. Nous y étions confrontés à l’époque et nous le sommes encore chaque jour.
Les employeurs du secteur privé souhaitent s’accaparer les services publics afin d’augmenter leurs profits. Et pour gonfler davantage leurs bénéfices, ils sabrent les coûts de la main-d’œuvre et cherchent à démanteler les syndicats pour ne pas avoir à offrir de meilleurs salaires et avantages sociaux. La sous-traitance peut détériorer les salaires et les conditions de travail dans un secteur entier, au détriment de l’ensemble des travailleuses et travailleurs. Simultanément, la population perd l’accès à des services publics de qualité mieux adaptés à ses besoins et à ses priorités.
De plus en plus de gens dans le monde se mobilisent pour lutter contre la sous-traitance et créer (ou ramener) des emplois et des services dans le secteur public. Entre autres avantages, le rapatriement des services publics à l’interne améliore la qualité des services et les conditions de travail de toute la classe moyenne, en plus de favoriser la prospérité des communautés. Le guide du SCFP Mettons fin à la sous-traitance explique que les services publics aident les gens à sortir de la pauvreté, qu’ils favorisent l’égalité des chances sur le plan économique et qu’ils cherchent à améliorer la santé publique et le bien-être de la population.
C’est pourquoi le SCFP a toujours priorisé la lutte contre la privatisation. On ne devrait pas avoir à vivre dans une société où la qualité de vie est vendue au plus bas soumissionnaire.
Dans cet article, nous célébrons certaines de nos grandes campagnes, où nos membres ont combattu et souvent gagné contre les groupes d’intérêts visant la privatisation et la sous-traitance.
En 1966, le SCFP et ses allié(e)s syndicaux obtiennent le premier régime de retraite public au Canada
Dans les années 60, le secteur privé de l’assurance, qui voyait dans le projet d’un régime public une menace pour ses profits, lance une vaste campagne pour rejeter le Régime de pensions du Canada (RPC) et revendiquer des régimes de retraite privés au travail. Avant la création du RPC en 1966, les personnes âgées vivent dans la pauvreté et l’État n’offre qu’une maigre pitance via la Sécurité de la vieillesse, à partir de l’âge de 70 ans.
En 1966, le mouvement syndical remporte une victoire importante avec la création du premier régime de retraite public au Canada. Depuis, les membres du SCFP ont formé des coalitions syndicales et communautaires pour défendre d’autres services publics, comme l’assurance maladie ou les services éducatifs à la petite enfance, contre les tentatives incessantes des gouvernements conservateurs de les privatiser.
Des sections locales du SCFP contestent la privatisation de la collecte des déchets
Au début de l’histoire du SCFP, les membres œuvrant dans les municipalités partout au pays protestent contre les entreprises qui soumissionnent pour gérer la collecte des déchets. En 1973, le SCFP 500 rassemble 20 000 signatures pour mettre fin à la sous-traitance de ses emplois. Plus de 2 000 membres et allié(e)s assistent à une réunion du conseil municipal de Winnipeg pour s’opposer à la sous-traitance de la collecte des déchets. La ville répond en renvoyant la question au comité des travaux et des opérations pour une étude plus approfondie.
Depuis ce temps, le SCFP 500 mène des campagnes antiprivatisation. Et depuis, le SCFP soutient que le secteur public est le meilleur choix en matière de services publics, non seulement parce qu’il est concurrentiel sur le plan financier, mais aussi parce qu’il fournit de meilleurs emplois, plus sûrs. Des sections locales municipales du SCFP ont remporté d’importantes victoires contre la sous-traitance et ont ramené des services à l’interne dans plusieurs localités, comme Beauport (Qc), Kingston (Ont.), Conception Bay South (T.-N.-L.) et Port Moody (C.-B.), pour n’en nommer que quelques-unes.
Le SCFP 79 et sa longue lutte contre la sous-traitance à Toronto
En 1996, le SCFP 79 remporte une victoire éclatante contre la sous-traitance pour près de 3 000 employé(e)s des services alimentaires, infirmiers, d’entretien et de bureau travaillant dans 10 Foyers pour personnes âgées du Toronto Métropolitain. Le SCFP 79 se bat alors contre les gestionnaires privés de soins de longue durée qui faisaient pression sur la classe politique pour privatiser ces établissements. Lorsque la ville charge un groupe de travail d’examiner la question de la sous-traitance, les membres créent une infolettre et demandent à leurs personnes déléguées syndicales de faire des représentations devant le groupe de travail. La pression du personnel et de la population finit par convaincre le conseil de la Communauté urbaine de Toronto de garder les foyers de soins de longue durée dans le giron public.
Quinze ans plus tard, lorsque le maire de Toronto, Rob Ford, annonce son intention de privatiser les services de nettoyage des édifices municipaux, le SCFP 79 collabore avec le Conseil du travail de Toronto et de la région de York dans le cadre d’une campagne intitulée Justice and Dignity for Cleaners afin de défendre ces emplois importants. En 2012, les membres réussissent à convaincre le conseil municipal de Toronto grâce aux maintes sollicitations auprès des conseillères et conseillers, aux représentations devant des comités, à l’organisation de conférences de presse et, surtout, grâce aux témoignages des membres sur l’importance de garder ces emplois à l’interne pour le personnel, mais aussi pour la communauté.
Le SCFP-Saskatchewan protège les soins de santé contre un accord commercial des années 90
En 1998, le SCFP-Saskatchewan travaille avec le Conseil des Canadiens et des coalitions communautaires pour contrer l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI), qui permettrait à des sociétés de gestion américaines de privatiser des services de santé. Le SCFP-Saskatchewan écrit aux 30 conseils de santé de district de la province, ainsi qu’aux ministres de la Santé au niveau provincial et fédéral, pour les exhorter à abandonner les négociations sur l’AMI.
Grâce aux efforts des membres, la Fédération canadienne des municipalités adopte une résolution exprimant ses préoccupations à l’égard de l’AMI, et le gouvernement abandonne les négociations internationales.
Gagner la course contre la sous-traitance en éducation
À la fin des années 90 et au début des années 2000, plusieurs sections locales du SCFP résistent aux tentatives d’entreprises de tirer profit du secteur de l’éducation.
« Les grosses sociétés offrent de construire des écoles, de les louer aux conseils scolaires qui devront les acheter au bout de 35 ans. C’est ce qu’on appelle un partenariat public-privé (PPP), mais c’est en réalité une façon de piller les poches des contribuables. » Le numéro de septembre 1998 du magazine S’Organiser du SCFP présente plusieurs témoignages de membres qui luttent pour sauver les écoles des menaces de privatisation partout au pays. « Les écoles sont en mauvais état à la fin de la période et nous héritons d’un tas de problèmes », affirme Michael Hennessy, membre du SCFP 1280.
Les membres du SCFP ont gain de cause lorsque, en juin 2000, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse annule son projet d’écoles en PPP. Les 38 nouvelles écoles ont coûté 32 millions de dollars de plus que prévu aux contribuables de la province. Le SCFP a bien averti le gouvernement du coût plus élevé des écoles en PPP comparativement aux écoles construites exclusivement avec des fonds publics, parce que les promoteurs privés veulent faire des profits.
À Calgary, le SCFP 520 mène une grève de neuf semaines contre un conseil scolaire catholique pour s’opposer à la sous-traitance. Et à Edmonton, le SCFP 474 réussit à repousser un projet de sous-traitance des services d’entretien dans un tiers de ses écoles, en raison du coût élevé du privé. Enfin, à Winnipeg, le SCFP 1112 force sa division scolaire à annuler une décision de sous-traiter le transport scolaire.
Vaincre les projets en PPP dans la gestion de l’eau depuis les années 90
Depuis des décennies, les sections locales du SCFP défendent la gestion municipale de l’eau contre les entreprises qui tentent de la commercialiser. Depuis les années 90, le SCFP s’est associé à des groupes communautaires pour lutter contre les projets en PPP qui se sont avérés plus coûteux, moins transparents et moins redevables envers la population. Le SCFP et ses allié(e)s communautaires ont mis sur pied des dizaines de campagnes de surveillance Water Watch pour repousser des projets de privatisation de réseaux de distribution d’eau et d’egouts partout au Canada, notamment sur l’île de Vancouver et à White Rock (C.-B.), à Winnipeg, à Regina et à Taber (Alb.).
En 2005, le SCFP commande un sondage d’opinion sur la question et les résultats sont positifs. En Colombie- Britannique, par exemple, près de 9 personnes sur 10 conviennent que « l’eau est un service public de base qui devrait toujours rester entre les mains de l’État ».
« Nous avons organisé une grande manifestation à Montréal, qui a été largement médiatisée. Elle a eu un effet si important sur l’opinion publique que le gouvernement a dû y réfléchir. Le ministre a dit par la suite : “Je crois que nous ne devrions pas privatiser”. C’est donc l’opposition locale qui fait vraiment une différence », raconte Gabrielle Pelletier, directrice du Réseau québécois des groupes écologistes dans une vidéo du SCFP intitulée H2O : Le prix de la privatisation, utilisée dans le cadre du lancement de la campagne Water Watch.
Un quart de siècle plus tard, la grande majorité des réseaux d’aqueduc municipaux canadiens sont encore détenus et gérés par l’État, et bon nombre sont opérés par des membres du SCFP. Notre syndicat est fier d’avoir endigué la vague de privatisation de l’eau. Le SCFP continue de s’opposer aux projets en PPP dans la gestion de l’eau et de dénoncer l’injustice en lien avec l’eau, cette dernière ayant un impact colossal sur les peuples autochtones. Engagez-vous à en apprendre plus dans le cadre de notre campagne L’eau, c’est la vie : scfp.ca/eau-egale-vie
Le personnel de voirie de la Nouvelle-Écosse défend les routes publiques
À l’été 2000, les employé(e)s de voirie, membres du SCFP 1867, forcent le gouvernement conservateur de la Nouvelle-Écosse à faire marche arrière sur son intention de privatiser les travaux d’entretien des routes. Leur campagne, intitulée Les routes ne sont pas une question privée, mobilise des membres de toute la province pour faire du porte-à-porte, contacter des personnalités politiques, et solliciter le soutien de leaders dans la communauté.
Malgré cette victoire éclatante, le SCFP 1867 poursuit sa lutte incessante pour défendre les autoroutes de la Nouvelle-Écosse contre les PPP et d’autres formes de privatisation.
Les syndicats unis pour la campagne Our Air Canada – Preserve The Trust dans les années 80
En 1987, un comité permanent recommande au gouvernement fédéral d’envisager la privatisation d’Air Canada afin qu’elle « puisse mieux gérer ses affaires ». À l’époque, toutes les compagnies aériennes de la planète connaissent des difficultés financières en raison d’une récession, de taux d’imposition élevés et du coût exorbitant du carburant et de l’équipement. La Division du transport aérien du SCFP, l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale et les Travailleurs canadiens de l’automobile, représentant ensemble 14 000 membres du personnel d’Air Canada, lancent une campagne d’information pour briser les mythes de la privatisation.
« La déréglementation et la privatisation sont deux erreurs qui ne s’annulent pas. Au contraire, la déréglementation du transport aérien renforce encore la nécessité de la régie d’Air Canada en tant que société de la Couronne et de la sauvegarde de ses services et de ses emplois dans tout le pays », déclare Richard Nolan, président de la Division du transport aérien du SCFP, en réaction au projet du gouvernement d’amorcer la vente d’actions d’Air Canada en 1988.
Hélas, la privatisation de la compagnie aérienne a lieu un an plus tard, ce qui ne l’empêche pas de fonctionner à perte pendant les années 90.
La Ville de Rimouski choisit de garder les opérations de son nouveau complexe sportif publiques
Le SCFP-Québec organise d’innombrables campagnes pour s’opposer aux PPP et à la sous-traitance de services municipaux, notamment les services de loisirs, de déneigement et de transport en commun.
Par exemple, en 2018, le SCFP mène une campagne fructueuse pour que les services du complexe sportif de la Ville de Rimouski soient assurés à l’interne. Le SCFP 5275 travaille en étroite collaboration avec le Service des travaux publics et les Ressources humaines pour convaincre la municipalité qu’il s’agit de la meilleure façon d’utiliser l’argent des contribuables. La main-d’œuvre municipale est fière de prendre en charge l’exploitation du nouveau complexe.
Le SCFP est le plus grand syndicat du monde municipal au Québec. Il documente depuis des décennies les risques associés à la privatisation et aux PPP.
Le SEH obtient l’annulation de la privatisation des services d’entretien et d’alimentation dans les hôpitaux de la Colombie-Britannique
En 2018, le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique dépose le projet de loi 47, la Loi d’abrogation des lois dans le secteur de la santé, qui annule la privatisation de milliers d’emplois dans les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée. On doit cette victoire à la détermination des membres du SEH qui réclament, pendant près de 20 ans, le rapatriement de ces emplois à l’interne. Les membres célèbrent alors cette victoire colossale qui rétablit aussi les régimes de retraite, les avantages sociaux et les salaires qui ont été réduits au début des années 2000.