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Catherine Louli examine les tenants et les aboutissants de l’un des sujets les plus chauds de l’heure dans le mouvement syndical : votre régime de retraite.

En novembre 2005, plus de 65 fiduciaires de caisses de retraite du SCFP, représentant chaque province et presque chaque secteur, se sont rencontrés pour la première fois à Toronto. Ils ont discuté du rôle essentiel qu’ils jouent dans la protection d’une retraite sûre pour leurs collègues de travail. Et quel était le sujet sur toutes les lèvres ? Comment intéresser plus de gens à la gestion de leur régime de retraite.

Si vous avez moins de 30 ans, vous ne pensez probablement pas beaucoup à votre retraite. Si vous approchez plutôt de la soixantaine, vous tenez peut-être votre retraite pour acquise. Mais au SCFP, les retraites sont maintenant l’un des dossiers politiques les plus chauds du jour.

Au fil des ans, le SCFP a consacré beaucoup de ressources et de temps à l’étude des régimes de retraite. La pression commence à se faire sentir : au cours de la prochaine décennie, les six millions de baby boomers du Canada – qui constituent le groupe d’âge le plus important du pays – prendront leur retraite.

« La question des régimes de retraite dépasse la simple négociation d’avantages sociaux », affirme Michel Lizée, qui représente le SCFP-Québec au comité des régimes de retraite de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, en plus d’être membre du Comité consultatif national du SCFP sur les régimes de retraite.

« Les régimes de retraite sont directement liés à notre défense du rôle du secteur public et du rôle du gouvernement en relation avec les services publics, dit-il. Il faut comprendre le contexte politique des placements effectués par la caisse de retraite. Lorsque l’on parle de placements, on parle aussi de dossiers comme l’environnement et la privatisation des services publics – en somme, tout le travail politique du SCFP. »

De plus en plus de gens, à toutes les étapes de leur vie active, se rendent compte de l’importance des régimes de retraites. Cidalia Ribero est agente de bord chez Air Canada et membre du SCFP. « J’avais 22 ans lorsque je suis arrivée à Air Canada et je ne connaissais vraiment pas grandchose aux régimes de retraite, se rappelle-t-elle. Je croyais que je ne travaillerais chez Air Canada que très peu de temps et la question ne me préoccupait pas vraiment. Mais je suis ici depuis dix ans et je me rends maintenant compte de l’importance de l’enjeu. Nous devons lutter pour nos régimes à chaque ronde de négociations collectives. »

Quels sont les différents régimes de retraite?

Lorsqu’il est question de retraite, la plupart des gens pensent au Régime de pensions du Canada (RPC). Créé en 1966 et valant aujourd’hui plus de 70 milliards de dollars, le RPC forme une partie importante des revenus de retraite de beaucoup de gens.

Le RPC fournit une base solide sur laquelle nous pouvons miser : c’est notre filet de sécurité national. Mais pour beaucoup de Canadiens, le RPC n’est pas la seule source de revenus de retraite. Les travailleurs et leurs employeurs ont investi beaucoup d’argent dans d’autres régimes de retraite au fil des ans. Au 31 décembre 2004, les actifs des 100 plus importantes caisses de retraite d’employeurs du Canada avec participation des membres du SCFP s’élevaient à plus de 2,19 milliards de dollars.

On peut regrouper les régimes de retraite en deux catégories. Celui que préfèrent les travailleurs et que recommande le SCFP est le régime de retraite à prestations déterminées. Celui que préfèrent beaucoup d’employeurs est le régime de retraite à cotisations déterminées. Dans un régime à prestations déterminées, vos cotisations totales ne sont pas connues à l’avance. Elles peuvent diminuer ou augmenter avec le temps. La valeur du régime est estimée pendant toute sa durée. Mais le montant que vous recevrez après votre retraite est connu et garanti.

Le régime à cotisations déterminées, par contre, est semblable à un régime enregistré d’épargne-retraite (REÉR). Le montant retiré après la retraite est inconnu et n’est pas garanti parce qu’il dépend en grande partie des fluctuations de la bourse, tant avant la retraite qu’après.

Pour le SCFP, le choix est clair : le régime à prestations déterminées assure une plus grande sécurité et offre une solution collective à la question des régimes de retraite.

« La différence entre moi et quelqu’un qui participe à un régime à cotisations déterminées, c’est que je connais le montant d’argent que je recevrai chaque mois après ma retraite, affirme Helen Fetterly, secrétaire-trésorière du Conseil des syndicats d’hôpitaux d’Ontario (CSHO/SCFP) et présidente du Régime de rentes des hôpitaux de l’Ontario. Si j’avais un régime à cotisations, il me serait impossible de connaître mon revenu mensuel après ma retraite. Le régime à prestations déterminées comporte des avantages et des inconvénients. Mais quand je prendrai ma retraite, je saurai ce que je recevrai comme revenu de retraite. Nous avons le contrôle – c’est essentiel. »

Jusqu’à quel point contrôlons-nous nos régimes de retraite?

Pour le SCFP, la question la plus importante en matière de régimes de retraite est sans contredit leur démocratisation par les fiducies mixtes. Les participants à la réunion de Toronto en novembre savent qu’il est essentiel que les travailleurs contrôlent davantage la sécurité de leur retraite.

Le régime de retraite multisectoriel

Le SCFP participe au régime de retraite multisectoriel (RRMS). Les membres adhèrent à ce régime de retraite multiemployeur à prestations déterminées par leur propre processus de négociation collective. Peu importe la taille de leur unité de négociation, les membres ont l’occasion d’adhérer à un bon régime de retraite au travail.

Le RRMS est ouvert aux membres de tout le pays. Il est entièrement contrôlé par le SCFP et l’Union internationale des employés des services (UIES) – et non par les employeurs. L’adhésion est simple. Chaque unité, par le processus de négociation, intègre le régime à son lieu de travail. Le SCFP négocie le niveau de cotisation des travailleurs et de l’employeur et l’employeur fournit les données nécessaires sur les employés. Les membres partagent le coût entre eux et la formule utilisée est déterminée à l’aide d’un expert en actuariat.

« Au début, nous pensions offrir le régime à quelques petites agences de services sociaux, aux travailleuses en garderie et aux préposés au nettoyage, mais nous nous sommes vite rendu compte de l’ampleur des besoins, affirme Ian Thompson, co-président du RRMS pour le SCFP. Nous comptons maintenant quelques 2500 participants au régime, des travailleurs de terrains de golf aux agents de bord, en passant par les techniciens ambulanciers. »

Le régime représente un gain particulièrement important pour les femmes du SCFP, puisque ce sont elles qui sont le plus souvent sans régime de retraite au travail et qui dépendent entièrement du Régime des pensions du Canada (RPC).

« L’un des problèmes du RPC, c’est qu’il ne s’est pas développé et qu’il n’offre aucune protection contre l’inflation, ajoute Ian Thompson. Beaucoup des travailleurs que nous intégrons n’ont que des régimes de retraite minimes. Comment peut-on vivre avec moins de 20 000 $ par année à Toronto ? »

Maintenant dans sa troisième année, le RRMS est une étape majeure vers la réalisation d’un objectif primordial du SCFP : que tous ses membres puissent compter sur un revenu de retraite adéquat. Visitez www.mspp.ca.


« Auparavant, les employeurs décidaient du niveau des prestations, du mode d’administration, des politiques de placements et même des communications avec les participants au régime, explique Darcie Beggs, recherchiste au SCFP national spécialisée en régimes de retraite. Beaucoup trop souvent, ils exerçaient ce contrôle aux dépens des travailleurs – en utilisant leurs surplus comme des cotisations, en gelant ou en réduisant le niveau des prestations et en ne disant rien aux participants. »

La fiducie mixte, c’est plus qu’un comité consultatif qui soumet des recommandations. C’est aussi beaucoup plus que la bonification des conventions collectives, comme celles que les travailleurs peuvent parfois obtenir à la table de négociations. Les régimes de retraite peuvent subir beaucoup de transformations entre les rondes de négociations.

« Avec une fiducie mixte, les travailleurs participent à l’embauchage des agents, l’élaboration des politiques de placements, la bonification des avantages sociaux et les communications avec les participants, souligne Mme Beggs. Mais l’avantage concret le plus important est le droit de prendre part aux décisions sur les surplus et les déficits. Dans tous les régimes de retraite où nous avons obtenu la fiducie mixte, nous avons pu exiger que les surplus servent à bonifier les régimes de retraite et non à payer les cotisations de l’employeur. »

Depuis quelques années, le SCFP a obtenu la fiducie mixte dans beaucoup de régimes de retraite de ses membres. Au moins un grand régime du SCFP est administré conjointement dans presque chaque province et d’autres le seront sous peu.

Il est aussi possible, dans une fiducie mixte, d’élargir ses connaissances du régime de retraite. Choisir les fiduciaires et les obliger à rendre des comptes fait alors partie intégrante des affaires syndicales habituelles.

« Notre conseil d’administration se compose de 11 membres du syndicat et de 11 représentants de l’employeur, explique Maria Wahl, membre du SCFP de Port Moody, en Colombie-Britannique, et fiduciaire du régime de retraite municipal de sa province. Être fiduciaire vous aide à comprendre comment l’argent du régime est placé. Mais l’expérience peut être intimidante, car les actuaires, les avocats et les experts-conseils parlent un langage différent. »

Mme Wahl soutient que l’éducation syndicale est essentielle pour gagner de l’assurance. « L’éducation nous permet de mieux comprendre ce qui se dit dans ces réunions et d’être moins intimidés, dit-elle. Ce sont nos régimes de retraite. Nous avons le droit d’être à la table et de prendre part aux décisions sur notre avenir. »

Mme Wahl reconnaît toutefois qu’il est difficile d’intéresser les membres et de les former correctement pour leur permettre d’assumer leur poste de fiduciaire. Malheureusement, ils sont souvent formés ou conseillés par des consultants et des professionnels qui ne partagent pas toujours le point de vue du SCFP sur des aspects comme les priorités de l’investissement public.

Les fiduciaires ont reconnu, à leur réunion à Toronto, qu’ils ont besoin de plus de soutien, d’éducation et de communication. Les participants ont discuté, entre autres, de la possibilité de créer un site Web et de développer un réseau de militants, afin de partager l’information entre les réunions. Le SCFP a élaboré un cours d’une semaine pour préparer les fiduciaires à leur rôle. Ce cours leur fournit notamment l’information de base dont ils ont besoin pour débattre des différents enjeux et revendiquer une politique d’investissement favorable au secteur public pour leur régime.

L’utilisation des régimes de retraite pour lutter contre la privatisation

Les caisses de retraite du SCFP représentent des milliards de dollars en capitaux de placement pour les gouvernements. Le SCFP soutient qu’une partie de cet argent pourrait être investi dans l’infrastructure publique. Les caisses de retraite des travailleurs, lorsqu’elles ont investi dans des obligations du gouvernement, ont joué un rôle positif, bien que passif, dans le renouvellement des infrastructures. Ce rôle pourrait être renforcé si nos régimes devenaient plus proactifs.

En 2003, le SCFP a commandé à l’économiste Monica Townson un rapport sur l’investissement de l’argent des caisses de retraite dans l’infrastructure publique. Elle a constaté que « les caisses de retraite peuvent jouer un rôle positif en aidant à financer l’infrastructure publique et en fournissant aux participants des régimes de retraite un bon taux de rendement, tout en assurant aux gouvernements des capitaux à des taux raisonnables. »

Mme Townson citait un exemple révélateur d’une tendance alarmante à la privatisation : la modification, en 1998, de la politique de placement du fonds de réserve du RPC dont la valeur s’élève à plus de 56 milliards de dollars. Depuis la création du RPC, cette caisse avait toujours été investie dans des obligations provinciales qui servaient à financer les administrations locales, les écoles, les hôpitaux, les universités, les routes et d’autres priorités du secteur public. Les obligations détenues par le RPC fournissaient un rendement raisonnable.

En 1998, le gouvernement fédéral a choisi de diversifier son portefeuille d’obligations et d’actions, éliminant ainsi l’un des plus puissants mécanismes dont il disposait pour investir dans l’infrastructure. Le gouvernement a tenté de justifier ce changement en soutenant que la caisse du RPC avait besoin de plus de revenus pour faire face aux pressions démographiques. De plus, cette décision a été enchâssée dans une loi, ce qui la rend plus difficile à annuler.

Le SCFP fait pression sur le gouvernement pour qu’il recommence à émettre des obligations pour financer les projets d’infrastructure publique.

Prestations déterminées un jour, prestations déterminées toujours?

Certains employeurs canadiens tentent de modifier les règles des régimes de retraite en cours de route. Plusieurs ont introduit des régimes à deux vitesses, en vertu desquels les nouveaux employés ne sont pas admissibles au régime à prestations déterminées et sont plutôt inscrits à un régime à cotisations déterminées. En fait, quand les employés les plus âgés prendront leur retraite, le système à deux vitesses deviendra un système unique et les régimes à prestations déterminées auront complètement disparu.

Les régimes à deux vitesses ne sont pas tombés du ciel. Dans bien des cas, le choix de ne pas adhérer à un régime à prestations déterminées est le résultat des « exonérations de cotisations » des employeurs. Pendant les années 90, il y a eu un formidable essor des marchés financiers et beaucoup de régimes offraient d’excellents rendements. Mais la loi canadienne rend obligatoire, au-delà d’un certain seuil de rendement, la suspension des cotisations. Pendant ces années fastes, beaucoup d’employeurs et quelques syndicats ont profité de cette période d’exonération. Maintenant que les marchés ont ralenti, ces employeurs ont perdu l’habitude – et la volonté – de prévoir, dans leurs budgets, des cotisations pour leurs régimes.

En 2004, Air Canada était sous la protection de la loi sur les faillites et cherchait un nouveau propriétaire. Victor Li, un homme d’affaires de Hong Kong, a présenté une offre, en stipulant que l’entente dépendait de la modification du régime de retraite par le transporteur aérien.

« Nous avons dû expliquer à tous nos membres, les nouveaux comme les anciens, pourquoi le système à deux vitesses n’était pas une solution et pourquoi nous devions faire front commun dans ce dossier », se souvient Cidalia Ribero.

En fin de compte, la lutte du SCFP a donné de bons résultats. Air Canada a blâmé l’échec de l’entente avec M. Li sur « l’intransigeance syndicale » mais a finalement pu trouver un autre investisseur et est sortie de la protection de la loi sur la faillite avec un régime de retraite intact.

Coup d’oeil sur l’avenir

À Toronto, Carolyn Widener, présidente du California State Teachers Retirement System (CalSTRS), a partagé avec les fiduciaires du SCFP le récit d’une autre victoire pour les régimes de retraites. En janvier 2005, Arnold Schwarzenegger, le gouverneur républicain de la Californie, a tenté de faire adopter des lois pour réformer le régime de retraite à prestations déterminées des employés de l’État. Le CalSTRS s’est joint à d’autres syndicats publics pour affronter le « Terminator » – et a gagné. Mme Widener a fait part des leçons apprises grâce à cette expérience.

« En Californie, nous avons appris que nous ne pouvons pas défendre seulement les régimes de retraite publics, si les régimes privés s’écroulent, a-t-elle expliqué au groupe. Nous devons nous questionner sur ce qu’est un revenu de retraite sûr pour tous. Les régimes d’employeurs privés sont en chute libre aux États-Unis. Les régimes à cotisations déterminées ne fonctionnent pas. Les Américains ont dit très clairement au président Bush qu’ils ne veulent pas privatiser la sécurité sociale, ce qui est un pas dans la bonne direction. Maintenant, nous devons aller encore plus loin et les fiduciaires de caisses publiques et privées doivent commencer à dialoguer. »

Comme l’avouait Mme Ribero au début de l’article, beaucoup de jeunes travailleurs connaissent mal leur caisse de retraite et son influence sur leur vie. À 22 ans, la retraite peut vous sembler une rive lointaine et brumeuse. Certains jeunes peuvent même trouver vexant d’avoir à cotiser à une caisse de retraite, en particulier si leurs finances sont serrées. Mais les membres du SCFP qui sont sur le point de prendre leur retraite savent qu’un peu d’éducation et de prévoyance aident à assurer un avenir meilleur et plus sûr.

« Lorsque j’ai commencé à cotiser à mon régime de retraite, j’étais une mère célibataire avec trois enfants et c’était dur, dit Mme Wahl. Je me disais que je n’en avais pas les moyens. Mais on a toujours les moyens. Je sais que c’est difficile. Je voyais les retenues sur mon chèque et je pensais que j’aimerais mieux avoir cet argent pour mes enfants. Mais maintenant, j’ai 52 ans et j’aurai une retraite acceptable. Je suis très reconnaissante d’avoir été obligée de cotiser au régime. »