Julie Girard-Lemay | Employée du SCFP

Le 6 décembre 2022, le SCFP-Québec a inauguré son Colloque des droits de la personne avec un évènement de commémoration des femmes victimes de la tuerie de Polytechnique Montréal. En clôture des 12 jours de campagne provinciale contre les violences faites aux femmes, les membres du SCFP ont pu assister à des conférences portant sur le racisme systémique, la discrimination des personnes autochtones et la violence faite aux femmes, et ont identifié des solutions concrètes contre les différents types de violences auxquels les femmes sont confrontées.

Le 6 décembre 1989, un homme armé est entré et a assassiné 14 femmes alors qu’elles étaient à l’École polytechnique de Montréal, en blessant 10 autres. Parmi les victimes se trouvait Maryse Laganière, membre du SCFP âgée de 25 ans qui travaillait au service des finances de l’école, tuée alors qu’elle partait à la fin de son quart de travail. L’homme mettait le blâme sur les femmes pour ne pas avoir été admis au programme de génie. Ce massacre est un féminicide, c’est-à-dire la forme la plus extrême de discrimination et de violence contre les femmes et les filles. Ces femmes sont mortes juste parce qu’elles étaient des femmes.

En 2021, au Canada, 173 femmes et filles ont été tuées. Cela représente une augmentation de 26 % des meurtres violents de femmes et de filles par rapport à 2019, avant la pandémie. Cette augmentation n’est pas surprenante, puisque la majorité des cas de violence conjugale ont lieu en privé, à la maison, exacerbés par les vagues de confinement durant la pandémie.

Il faut savoir qu’il existe plusieurs formes de féminicide. Par exemple, à l’échelle mondiale, les femmes sont beaucoup plus susceptibles que les hommes d’être agressées, violées ou tuées par un partenaire actuel ou ancien. Il s’agit là de féminicide intime ou familial, qu’on appelle aussi homicide conjugal.

Il existe aussi le féminicide non intime, c’est-à-dire le meurtre d’une femme par un étranger, parce qu’elle est une femme, comme lors de la tuerie de Polytechnique Montréal en 1989.

Il y a aussi les types de féminicide croisé ancré dans la violence raciale sexiste, comme l’assassinat de femmes et de filles autochtones. Dans ce cas, le féminicide souligne l’identité combinée d’être une femme autochtone comme risque accru de féminicide. Plusieurs autres types de féminicide surviennent, dont ceux en situation de conflits armés ou lesbophobe.

Quoi qu’il en soit, le féminicide prouve que la discrimination, la violence et les inégalités dont sont victimes les femmes se perpétuent de manière fulgurante dans notre société.

Les milieux de travail, des alliés contre les violences faites aux femmes

Les milieux de travail sont souvent le dernier refuge de liberté pour les femmes victimes de violence conjugale et une échappatoire vers l’extérieur. Pour ces femmes qui se sentent isolées et sans contrôle sur leur vie, le travail peut devenir un espace sécuritaire propice au dévoilement de leur situation. Malheureusement, la violence conjugale se poursuit souvent au travail pour les victimes, qui peuvent être traquées dans leurs déplacements, harcelées, contactées de manière abusive ou même être visées par des contacts abusifs avec d’autres employé(e)s. C’est pourquoi leurs collègues et leur syndicat sont essentiels pour leur permettre de trouver des points d’ancrage, de l’aide et de l’information.

Il y a différents signes décelés au travail qui peuvent laisser croire qu’une femme est victime de violence conjugale, tels que des retards au travail, de l’absentéisme, le fait qu’elle s’isole ou encore qu’elle réponde rapidement au téléphone ou à ses textos en apparaissant stressée et fatiguée. La violence conjugale peut être physique, mais aussi psychologique, financière ou prendre une autre forme.

Ensemble, nous avons le devoir d’être à l’écoute et d’offrir de l’aide à une collègue qui dénonce une situation de violence conjugale. Mais en faisons-nous assez ?

Les employeurs doivent assurer la sécurité des salariées exposées à une situation de violence sur les lieux de travail. Pour ce faire, ils devraient être proactifs et adopter une politique en matière de violence conjugale, laquelle devrait :

  • Identifier les risques de violence domestique au travail ou à proximité et prévoir des mesures de sécurité telles que la sécurisation des accès aux bâtiments ;
  • Prévenir les féminicides familiaux sur les lieux de travail en interdisant aux membres de la famille d’y flâner ;
  • Mettre en œuvre un plan de formation pour l’ensemble du personnel sur le dépistage de la violence conjugale, les manières appropriées d’intervenir et la diffusion d’information sur les ressources d’aide pour les femmes victimes de violence ;
  • Établir une procédure à suivre en cas de signalement de violence conjugale par une salariée, qui doit garantir son droit à la vie privée et à la confidentialité, et qui prévoit la mise sur pied d’un plan de sécurité individuel (modification de son horaire, de son numéro de téléphone ou son courriel, etc.).

Les syndicats jouent aussi un rôle essentiel dans la lutte contre la violence conjugale. Ils peuvent implanter des démarches paritaires avec les employeurs pour établir un plan de prévention des risques, définir des mécanismes d’intervention en cas de signalement ou élaborer une politique en matière de violence basée sur le genre.

Par la négociation collective, nous pouvons nous assurer que chaque convention collective prévoit les congés rémunérés cruciaux pour les dates de cour ou les rendez-vous dont les victimes de violence auraient besoin. Les conventions collectives devraient aussi inclure des congés spéciaux en cas de violence conjugale et protéger les femmes contre des sanctions disciplinaires et des suivis administratifs, garantir leur lien d’emploi en cas d’absence et assurer la protection de leur vie privée.

Pour vous aider à négocier des congés payés et d’autres mesures de protection pour les travailleuses confrontées à la violence conjugale, référez-vous au guide du SCFP La violence conjugale dans le milieu de travail. Vous pouvez aussi consulter le Centre de ressources sur la violence conjugale au travail du CTC, qui offre notamment une carte du Canada comparant les différentes lois qui ont trait à la violence conjugale au pays. 

Tous les syndicats devraient d’ailleurs identifier des personnes pivots spécialement formées pour être à l’écoute des femmes victimes de violence et aptes à les accompagner. Nous devons veiller à ce que nos sections locales soient des milieux sécuritaires qui offrent un accueil sans jugement à toute personne victime de harcèlement ou de violence sous toutes ses formes. Cela est d’autant plus important dans les milieux de travail où les femmes sont souvent confrontées à des niveaux disproportionnés de harcèlement et de violence, en particulier dans les secteurs des services publics.

Une bougie à la mémoire d'une des victimes de PolytechniqueMaintenant, 33 ans après la tragédie de Polytechnique Montréal, nous avons toujours grand besoin de milieux de travail, d’écoles et de maisons plus sécuritaires. Ainsi, la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes, soulignée chaque 6 décembre à la mémoire des 14 jeunes victimes de Polytechnique Montréal, nous invite à nous engager à en faire plus.

Nous devons continuer à exiger de nos gouvernements d’en faire plus. Ils doivent prendre des mesures concrètes pour dresser et mettre en œuvre un plan d’action complet, intersectoriel et national pour agir contre la violence basée sur le genre. Une collaboration a été annoncée entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux le 9 novembre 2022, mais elle n’est qu’une liste de souhaits d’actions possibles.

De plus, toutes les provinces devraient suivre l’exemple du Québec, de l’Ontario, de l’Alberta et de la Saskatchewan qui ont pris un pas dans la bonne direction en ajoutant des mesures de lutte contre la violence conjugale à leur législation en matière de santé et de sécurité. Or, même dans ces quatre provinces, la situation reste critique et les militant(e)s demandent aux autorités d’en faire davantage pour protéger les femmes des violences et des tentatives de meurtre.

Le Canada doit investir dans les services publics qui assurent la sécurité des victimes et des personnes survivantes, s’attaquer de manière significative à la violence et au harcèlement au travail et disposer de solides mécanismes de surveillance et d’application.

Jours d’action contre les violences faites aux femmes

« Il est temps d’enlever nos lunettes roses », ont soutenu les membres du SCFP au Colloque des droits de la personne du SCFP-Québec, décembre 2022.
Chaque année, au Québec, du 25 novembre au 6 décembre, on souligne 12 jours d’action contre les violences faites aux femmes. Au Canada et partout dans le monde, les militant(e)s se mobilisent contre la violence fondée sur le genre pour 16 jours, jusqu’au 10 décembre, Journée internationale des droits de la personne. Ces campagnes sont le moment pour tout le monde de réfléchir sur les types de violence dont sont victimes les femmes de tous les milieux et pour élaborer des actions afin d’enrayer ce fléau.

Chaque année, le SCFP souligne la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes, le 6 décembre, joignant sa voix à toutes les personnes qui, partout au pays, réclament un changement.

En 2023, vous aussi pouvez planifier ou participer à une activité commémorative du 6 décembre dans votre milieu de travail ou votre communauté. Vous pouvez aussi en profiter pour exiger des engagements concrets aux gouvernements provinciaux et fédéral afin d’éliminer ces violences systémiques qui continuent d’exister et protéger les femmes au travail et à la maison.

Consultez le guide du SCFP intitulé Non à la violence sexuelle en milieu de travail pour sensibiliser votre entourage, soutenir les survivant(e)s et lutter contre la violence basée sur le genre. Ou téléchargez et partagez la Trousse de prévention de la violence du SCFP.