Lorsque les secteurs d’activité saisonniers comme le tourisme ou la pêche constituent l’épine dorsale économique d’une région, les emplois manquent souvent hors saison. Si l’on trouve des emplois saisonniers partout au pays, ils demeurent disproportionnellement concentrés dans certaines régions. C’est une réalité économique et non la faute des travailleuses et travailleurs de ces régions. Alors que l’assurance-emploi ne suffit pas pour beaucoup, une réforme du programme s’impose.
Dans les régions où le travail saisonnier est important, l’assurance-emploi a un effet stabilisateur pour toute l’économie locale en réduisant les écarts entre la haute saison haute et la période morte. Elle assure également la disponibilité de travailleuses et travailleurs hautement qualifiés à l’ouverture de la saison et, donc, la viabilité du secteur d’activité.
Toutefois, un nombre croissant de personnes occupant des emplois saisonniers se retrouvent dans le « trou noir », soit la période entre la fin des prestations d’assurance-emploi et la reprise du travail. Cette situation est attribuable à plus d’un facteur, dont le raccourcissement de la saison de travail normale en raison de la hausse des mauvaises conditions météorologiques. Cependant, la principale raison demeure la suivante : le minimum d’heures de travail requis pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi et leur durée dépendent directement du taux de chômage régional. Le taux de chômage au Canada diminue depuis des années. Néanmoins, cette baisse n’est pas attribuable à une augmentation des emplois disponibles, qui sont d’autant plus rares en saison morte. En fait, elle s’explique en grande partie par la diminution du nombre de personnes à la recherche d’un emploi, alors que les étudiant(e)s travaillent moins et que les départs à la retraite se multiplient.
En 2018, un projet pilote a apporté une solution temporaire en prolongeant de 5 semaines la durée des prestations d’assurance-emploi dans des régions considérées comme dépendantes du travail saisonnier. Depuis, le taux de chômage dans les 12 régions ciblées dans l’est du Canada a chuté de près de 3 %. Dans le reste du Canada, le taux de chômage a diminué en moyenne de 1 % pendant la même période.
Une baisse d’un point de pourcentage du taux de chômage régional réduit de deux semaines la durée des prestations d’assurance-emploi, en plus d’accroître le nombre d’heures requis pour y avoir droit. Si les travailleuses et travailleurs des régions ciblées par le projet pilote de 2018 nécessitaient un prolongement des prestations de 5 semaines, la baisse de 3 % du taux de chômage signifie que 6 semaines supplémentaires — pour un total de 11 semaines — seraient maintenant nécessaires.
Le découpage des régions économiques de l’assurance-emploi représente un autre facteur important. En fait, certaines des sous-régions les plus touchées par le trou noir ont un profil économique très différent du reste de leur région. On y réclame d’ailleurs depuis longtemps une révision du découpage des régions de l’assurance-emploi.
Le gouvernement fédéral pourrait résoudre ces problèmes en redécoupant les régions économiques et augmentant de 5 à 15 semaines la durée des prestations supplémentaires pour les travailleuses et travailleurs saisonniers. Il pourrait également modifier les règles d’admissibilité pour les personnes qui changent d’emploi. Actuellement, une personne qui accepte un nouvel emploi court le risque de perdre ses prestations d’assurance-emploi si elle démissionne ou si elle est licenciée. Accorder aux travailleuses et travailleurs une période de grâce leur permettrait d’essayer un nouvel emploi pour gagner un revenu d’appoint pendant la saison morte, voire d’entamer une transition pour abandonner le travail saisonnier, sans craindre de perdre leurs prestations. Cette mesure bénéficierait aux travailleuses et travailleurs, aux économies locales et au système d’assurance-emploi dans sa globalité.