Bien que les noms et les propositions varient, le concept fondamental est simple : le gouvernement devrait garantir un seuil de revenu minimum à tout le monde. De nombreux pays ont, dans une certaine mesure, déjà mis le concept en pratique en instaurant des programmes d’aide sociale ou d’autres programmes de soutien au revenu. Souvent, ces programmes comportent toutefois des critères d’admissibilité qui tiennent compte des actifs des individus, en plus de fournir un revenu inférieur au seuil de la pauvreté.
Le revenu minimum garanti remplacerait ou compléterait les programmes de soutien au revenu existants en assurant aux bénéficiaires un revenu de base leur évitant de vivre dans la pauvreté.
Cette mesure peut sembler radicale, mais elle a reçu des appuis provenant de partout sur le spectre politique. L’ancien sénateur conservateur Hugh Segal défend l’idée depuis des années, de nombreux militants anti-pauvreté l’appuient, des pays scandinaves la mettent à l’essai et le nouveau ministre fédéral de la Famille, des Enfants et du Développement social veut se pencher sur la question.
L’intérêt pour le revenu minimum garanti est renouvelé parce que l’aide sociale est insuffisante, que le nombre d’emplois précaires est à la hausse et que la robotisation favorisera la croissance économique sans faire augmenter le nombre d’emplois.
Toutefois, il faudra faire preuve de prudence lors de la conception et de la mise en œuvre de tout programme de revenu minimum garanti. Certains conservateurs aiment l’idée parce qu’ils y voient une façon d’éliminer le filet social et de le remplacer par un chèque mensuel. Certaines entreprises croient que le revenu minimum garanti leur permettrait de verser des salaires plus faibles. D’autres intervenants s’en préoccupent, car ils estiment que cette solution ne contribuerait pas à réduire la pauvreté, coûterait trop cher et réduirait les incitatifs au travail.
Peu de gens savent qu’un projet-pilote sur le revenu minimum garanti a été mené à Dauphin au Manitoba il y a quarante ans. Le gouvernement néo-démocrate provincial et le gouvernement libéral fédéral y ont en effet implanté le programme « Mincome » en 1974. Le projet a toutefois été abandonné après cinq ans lorsque les conservateurs ont pris le pouvoir à Winnipeg et à Ottawa. Le programme n’a jamais fait l’objet d’une évaluation officielle.
Le revenu minimum garanti a suscité un débat nourri à l’époque. Les syndicats et les autres groupes progressistes appuyaient l’idée d’un revenu minimum, mais seulement dans le cadre d’un programme plus vaste qui s’attaquerait aux racines de la pauvreté en fournissant des emplois décents, un revenu adéquat et des services publics de qualité pour tous. Cette position est tout aussi pertinente aujourd’hui qu’elle l’était à l’époque.
En 2011, une analyse des archives du projet Dauphin a identifié de nombreux avantages positifs sur les plans social et de la santé. Elle a aussi permis de constater que le projet n’avait pas véritablement réduit les incitatifs au travail. Lorsque c’était le cas, c’était souvent pour de bonnes raisons, comme pour achever des études ou prendre soin d’un enfant.
Au total, le revenu minimum garanti n’est pas une mesure suffisante en soi. Des changements fondamentaux sont nécessaires pour que l’économie profite à tout le monde. Pour ce faire, il faut augmenter le salaire minimum, offrir de bons emplois bien rémunérés, instaurer un régime fiscal plus progressif et améliorer les services publics universels. Grâce à ces mesures, chaque citoyen pourra contribuer de façon productive à la société, et ce, dans la dignité.