Dans le cadre de l’engagement du SCFP d’apprendre des expériences des personnes autochtones, noires et racisées, et de célébrer leurs réussites, nous vous présentons des membres du Conseil national des Autochtones et du Comité national pour la justice raciale. L’article de ce mois-ci présente Jennifer Smith, membre du Conseil national des Autochtones.
Pour Jennifer Smith, il y avait la vie avant WILD et il y a la vie après WILD. Participante du tout premier groupe du programme Développement du leadership des femmes (WILD) du SCFP–Ontario, elle en est ressortie transformée, comme toutes ses camarades.
« À notre arrivée, on se faisait discrètes. Mais quand on a quitté le programme, on n’avait plus peur de prendre notre place », dit-elle.
Jennifer a travaillé pendant 20 ans comme infirmière en santé communautaire spécialisée dans le traitement des plaies et les soins palliatifs. En 2020, lorsqu’elle est entrée à l’emploi du Group Health Centre à Sault Ste. Marie comme infirmière auxiliaire, elle est devenue pour la toute première fois membre d’un syndicat, le SCFP 894.
Deux jours après son embauche, Jennifer s’est portée volontaire pour occuper le poste vacant de vice-présidente de sa section locale, poste qu’elle occupe toujours. Elle est également vice-présidente du conseil régional du SCFP de Sault Ste. Marie et de la région, et membre du Conseil des Autochtones du SCFP–Ontario et du Cercle des Premières Nations, des Métis et des Inuit de la Fédération du travail de l’Ontario. Enfin, elle s’est récemment jointe au Conseil national des Autochtones du SCFP.
Entre WILD et ce premier mandat national, Jennifer a trouvé sa place.
« C’était spécial de rencontrer ce groupe de gens qui partagent une même vision, et d’avoir l’impression de les connaître depuis toujours », dit-elle à propos de son arrivée au Conseil.
« On vient tous de différentes régions du Canada. On vient de tribus différentes, de différentes réserves. Chaque membre a sa propre perspective, sa propre culture et sa propre façon de penser. Mais en fin de compte, on vient tous du même endroit : de l’île de la Tortue. »
Trouver sa force, tracer sa voie
Jennifer explique qu’avant, sa réaction devant une situation difficile était de ne rien faire et de se mordre la langue.
« J’ai toujours cru en ma force, mais je me préoccupais aussi beaucoup de ce que les autres pensaient », dit-elle.
WILD a tout changé.
« Maintenant, si j’ai un problème, je le fais savoir. On va s’asseoir pour en parler et trouver une solution. »
Depuis sa participation au programme, Jennifer a pris la parole pour la première fois à un congrès de sa division… et le public s’est levé pour l’applaudir. Pendant le congrès, elle a également porté des jupes à rubans, ce qui a inspiré d’autres femmes autochtones à suivre son exemple et à afficher leur culture à d’autres rassemblements du SCFP. « J’y ai vu une occasion de faire une place aux autres », explique-t-elle.
Jennifer a grandi non loin de Sault Ste. Marie, dans la communauté de Goulais River. Elle est membre de la Sault Tribe of Chippewa Indians par sa mère, et sa famille et elle entretiennent des liens étroits avec les membres de leur communauté autochtone. Elle est mère de trois filles, respectivement âgées de 20, 18 et 13 ans.
« Mes filles dansent toutes sur la Route des pow-wow et, moi, je m’occupe de toutes leurs tenues, je leur fais des jupes à rubans et je couds toutes les perles. »
Introduire la culture autochtone dans son milieu de travail
Jennifer a plaidé pour le port des jupes à rubans dans le centre de santé où elle prodigue des soins individuels aux patient(e)s. La direction a d’abord refusé, mais après un changement d’équipe, Jennifer a de nouveau soulevé la question lors d’une rencontre de relations de travail.
« Je leur ai dit que ça faisait partie de ma culture, de la culture des Autochtones qui vivent dans la région. Tout autour de la ville, il y a trois grandes réserves. C’est important que la culture autochtone soit représentée dans notre milieu de travail », affirme-t-elle.
« Nous portons des jupes à rubans en l’honneur des enfants qui n’ont pas pu pratiquer leur culture. La jupe à rubans représente notre résilience, déclare Jennifer. Les gens savent qu’on ne laissera pas le passé tomber dans l’oubli, mais on va aussi de l’avant. On occupe de plus en plus l’espace. On ne peut pas nous effacer. »
Jennifer explique que cette visibilité dans son milieu de travail favorise la compréhension et la création d’un environnement plus sûr pour les patient(e)s autochtones.
« Je peux comprendre qu’on ne veuille pas enlever son sac de médecine. Je peux comprendre qu’on ne veuille pas être seul dans la pièce, qu’on préfère que la porte soit ouverte. Qu’on ne veuille pas se retrouver dans un espace confiné. Ce dont vous avez besoin, je suis prête à le respecter et à m’assurer que tout le monde le respecte aussi », dit-elle.
Jennifer se bat au travail contre les stéréotypes racistes qui se répercutent sur le traitement des Autochtones dans le système de santé. « C’est comme si je croisais une personne caucasienne dans la rue et qu’elle avait des problèmes. Je vais la traiter comme n’importe qui d’autre. Elle mérite le respect. »
Sensibiliser les membres du SCFP
Jennifer se réjouit que le Conseil des Autochtones et le Service de l’éducation syndicale du SCFP collaborent dans le cadre d’un atelier sur la sécurisation culturelle des Autochtones.
D’une durée d’une journée, cet atelier vise à sensibiliser au racisme envers les membres autochtones et aux défis qui touchent ces travailleuses et travailleurs au Canada. Il proposera des façons concrètes de renforcer la sécurité dans les milieux de travail et de rendre ainsi le milieu syndical et le monde du travail plus sûrs pour les membres autochtones du SCFP.
« C’était tout un accomplissement d’amener une organisation à reconnaître notre besoin de sécurisation, à cause des traumatismes intergénérationnels qui ont brisé la confiance. Ça prend du temps à bâtir, confie-t-elle. Il faut assumer nos actes et améliorer nos systèmes. On doit incarner le changement.»
Jennifer est également enchantée que le programme Développement du leadership des femmes soit maintenant offert à l’échelle nationale. Elle pense à ses camarades d’alors, qui se sont elles-mêmes taillé une place au sein du SCFP.
« La plupart d’entre nous occupent maintenant un poste de leadership dans une instance du SCFP, que ce soit présidente d’un comité, vice-présidente ou présidente de sa section locale. Elles se tiennent debout et contribuent à faire connaître nos réalisations. »
En tant que femme autochtone, elle ne pourrait en être plus fière. « Le matriarcat est très fort chez les peuples autochtones. Ce sont nos tantes, nos grand-mères et nos kukum qui nous guident. Elles savent tout. Nous apportons donc un peu de ce pouvoir au SCFP. »
Jennifer conseille aux membres autochtones, noir(e)s ou racisé(e)s du SCFP qui hésitent à s’impliquer de se lancer.
« Foncez. J’ai l’habitude de dire à mes filles : “Mets tes bottes de pluie et saute à pieds joints.” Tout est possible. Pendant 20 ans, personne ne m’a représentée, je n’avais pas de syndicat, et depuis cinq ans, je m’implique dans une organisation qui est au cœur de ma vie», dit-elle.
« En faisant le saut, on améliore le sort des sept prochaines générations, et c’est ça, notre objectif ultime. Et si quelque chose vous tracasse, vous n’avez qu’à venir me voir. Je ne suis pas loin. Je me tiendrai à vos côtés. »
Pour en savoir davantage sur la Stratégie du SCFP de lutte contre le racisme, notamment sur l’objectif 4 — « Apprendre de l’expérience des membres noirs, autochtones et racisés et célébrer leurs réussites » —, rendez-vous au scfp.ca/stratégie_contre_le_racisme. Voyez également les conseils pour mettre en œuvre la Stratégie dans votre section locale.