Des membres du Conseil national des Autochtones du SCFP en compagnie de représentant(e)s de Familles de Sœurs par l’esprit et du Congrès du travail du Canada, et d’allié(e)s.
Deux décennies après la publication d’un rapport sans précédent qui révélait la crise des femmes, des filles et des personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées au pays, des membres des communautés autochtones et leurs allié(e)s se sont rassemblé(e)s sur la colline du Parlement, le 4 octobre, pour commémorer les personnes disparues, leur rendre hommage et exprimer leur indignation face à des années d’inaction. 

Des membres du Conseil national des Autochtones du SCFP ont participé à la vigile de Sœurs par l’esprit pour témoigner leur soutien et exiger la fin de l’épidémie de violence et de racisme. La vigile au pied du Parlement est organisée tous les 4 octobre depuis 18 ans. 

Le rapport On a volé la vie de nos sœurs d’Amnistie internationale, publié en 2004 en collaboration avec l’Association des femmes autochtones du Canada, a donné une voix aux souffrances vécues dans la solitude par les familles. 

Quinze ans plus tard, en 2019, le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées documentait des taux de violence stupéfiants et appelait à la fin des institutions et des lois coloniales qui perpétuent le génocide en cours. 

La mobilisation communautaire et l’action collective ont mis en lumière la crise, mais nos gouvernements et autres institutions coloniales n’ont pas donné suite aux 231 appels à la justice issus de l’enquête. 

Appels à la vérité, à la justice et à l’imputabilité 

« Nos histoires n’ont pas changé. La vérité demeure la vérité. Nous continuons à exiger de l’imputabilité, nous continuons à exiger la vérité et nous continuons à exiger de la justice. On a assez attendu », a déclaré Bridget Tolley, organisatrice de la vigile et cofondatrice de Familles de Sœurs par l’esprit. Bridget Tolley est une femme algonquine de la Première Nation Kitigan Zibi Anishinabeg. 

Les personnes qui ont pris la parole lors de la vigile ont dénoncé l’inaction du gouvernement et de la police, tout en réclamant un soutien pour mener des enquêtes indépendantes de celles de la police, ainsi que des ressources pour les familles à la recherche de leurs proches.  

« La violence à notre égard est évitable à 100 % », a souligné Diane Redsky, une femme ojibwée de la Première Nation de Shoal Lake à la présidence du Urban Indigenous Action Group. Diane Redsky vit à Winnipeg, où le nouveau système d’alerte « robe rouge » sera déployé, ainsi qu’à l’échelle du Manitoba. « Ce sont les femmes qui vont développer ce système d’alerte », a-t-elle expliqué. 

« Nous devons siéger à ces tables clés et participer à l’élaboration des solutions », a dit Diane Redsky, qui a demandé au gouvernement un plus grand financement des organisations autochtones pour accroître leur capacité à offrir du soutien et des services dans leurs communautés. 

« Les solutions se trouvent dans les cœurs et les esprits de nos femmes, de nos enfants et de nos gardien(ne)s du savoir. Ce sont ces personnes qui en discutent autour de la table à manger et qui siègent à la table des conseils d’administration d’organisations autochtones. Ces personnes ne devraient pas peiner à joindre les deux bouts. » 

Guérir en racontant nos histoires  

La docteure Beverley Jacobs était présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada lorsque les travaux du rapport On a volé la vie de nos sœurs ont été entamés. 

« À l’époque, personne ne connaissait vraiment l’histoire. Personne ne connaissait cette crise », a-t-elle dit pendant la vigile. Beverley Jacobs est une femme mohawk des Six Nations de la rivière Grand. 

Elle a voyagé dans tout le pays pour rencontrer les familles, beaucoup d’entre elles racontant leur histoire pour la première fois. « C’était douloureux d’entendre encore et encore leurs récits. Des histoires inimaginables qui se ressemblaient par la souffrance, les pertes et les deuils vécus. » 

Beverley Jacobs a affirmé que la recherche était épuisante sur le plan émotionnel, spirituel et mental, mais qu’elle était nécessaire à la guérison. « L’amour familial est l’un des souvenirs les plus forts que je garde après avoir visité tant de familles. » 

Le racisme à l’origine de la violence 

La lutte contre le racisme est essentielle pour mettre fin à la violence faite aux femmes, aux filles et aux personnes bispirituelles autochtones. Les personnes qui ont pris la parole ont appelé les allié(e)s et les élu(e)s à contester le racisme et à s’informer au sujet de l’histoire de la colonisation, des impacts persistants du colonialisme et de la vie des peuples autochtones. 

« Nous avons un problème sérieux de racisme systémique au Canada, qui prend racine dans les plus hautes instances », a déclaré Colleen Cardinal, une femme crie des Plaines originaire de la Première Nation de Saddle Lake, dans le Traité no 6, et une survivante de la rafle des années soixante. Elle vit en Ontario et occupe le poste de codirectrice du Sixties Scoop Network. 

Aux peuples colonisateurs qui se demandent comment contribuer, Colleen Cardinal suggère simplement : « Vous pouvez désapprendre ce que vous avez appris et vos stéréotypes. Ce désapprentissage doit s’étendre à vos familles, aux écoles et aux communautés. » 

« C’est difficile. Et il en découle parfois des conséquences. Mais vous savez quoi : c’est mieux que de se taire. Le racisme tue des femmes autochtones », a déclaré Colleen Cardinal. 

Les gouvernements doivent agir 

La ministre des Services aux Autochtones, Patty Hajdu, a salué le travail que les communautés autochtones accomplissent pour réclamer la justice pour les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées. Toutefois, Ketty Nivyabandi, secrétaire générale d’Amnistie internationale Canada, a rappelé aux personnes réunies à la vigile que le gouvernement fédéral avait la responsabilité d’en faire beaucoup plus. 

« Le Canada est au courant depuis 20 ans déjà », a souligné Ketty Nivyabandi, en brandissant une copie du rapport On a volé la vie de nos sœurs. Elle a aussi affirmé que les gouvernements fédéraux se sont succédé sans mettre en œuvre les recommandations ni respecter le droit international en matière de droits de la personne. 

« L’État est au courant. L’État a l’obligation de mettre en place toutes les ressources nécessaires pour s’assurer que cela ne se reproduise pas », a-t-elle dit. « Je sais que ce gouvernement a les ressources nécessaires pour mettre en place le changement qui s’impose. » 

Melanie Omeniho a fait part de sa frustration face à ce qu’elle considère être de bien minces progrès. Elle a exhorté les gens à continuer à faire pression pour que justice soit faite. 

« Nous devons continuer à chanter les mêmes chants, continuer à unir nos voix et continuer à veiller à ce que ces choses changent, peu importe où nous nous trouvons », a insisté Melanie Omeniho, descendante de la communauté métisse historique du Lac Sainte-Anne en Alberta et présidente de Women of the Métis Nation/Les Femmes Michif Otipemisiwak.