La crise en matière de capacité dans les hôpitaux en Ontario s’aggravera dans les années à venir, car le financement du gouvernement ne suffira même pas à maintenir les niveaux de service actuels, révèle un nouveau rapport de recherche produit par le Conseil des syndicats d’hôpitaux de l’Ontario (CSHO-SCFP).
En se basant sur les plus récentes données concernant le financement des hôpitaux, la capacité en lits, la dotation en personnel, les délais d’admission et d’autres paramètres, le rapport intitulé No Respite: Ontario’s failure to plan for hospital patients (traduction libre : « Pas de répit : l’incapacité de l’Ontario à planifier la prise en charge des patients hospitalisés ») montre une diminution des niveaux de service et prévient que le « pire reste à venir ».
« Les données dressent un tableau préoccupant. Il y a un écart considérable entre les besoins de la population ontarienne et les prévisions du gouvernement », explique Michael Hurley, président du CSHO-SCFP. « Les gens subissent déjà les conséquences de la politique des conservateurs de l’Ontario en matière de pénurie, et la situation ne fera qu’empirer : on verra de plus longs temps d’attente, davantage de personnes alitées sur des civières dans les couloirs et moins de personnel pour fournir des soins. »
En se basant sur les prévisions du gouvernement, le syndicat affirme qu’il pourrait manquer 13 800 lits d’hôpitaux et plus de 80 000 employé(e)s d’ici 2032.
Le rapport souligne que ces pénuries résultent du manque de financement. D’après le syndicat, l’Ontario doit augmenter le financement annuel des hôpitaux de deux milliards de dollars, uniquement pour maintenir les niveaux de service actuels.
« Le gouvernement a-t-il jeté l’éponge face à la crise hospitalière? »
En tenant compte de nombreux facteurs, notamment le vieillissement de la population, le rapport estime que l’Ontario aura besoin d’environ 16 800 lits d’hôpitaux supplémentaires d’ici 2032. Cependant, comme l’a déclaré à maintes reprises Sylvia Jones, ministre de la Santé, le gouvernement prévoit d’accroître la capacité d’à peine 3 000 lits, soit le cinquième de ce qui est requis en fonction des estimations du CSHO-SCFP.
Selon les données de Santé Ontario, le nombre de patient(e)s traité(e)s dans les couloirs d’hôpitaux, les débarras et d’autres lieux non conventionnels a déjà augmenté de 25 % depuis juin 2018.
« En 2018, Ford affirmait qu’il mettrait fin à la médecine de couloir. En 2024, il lance à la blague que des patient(e)s excédentaires pourraient être envoyé(e)s à un hôpital vétérinaire, s’indigne Michael Hurley. On peut se demander : le gouvernement a-t-il jeté l’éponge face à la crise hospitalière? Quel est son plan pour remédier à la souffrance des gens causée par l’état de nos hôpitaux en manque de ressources? »
L’Ontario dispose actuellement de 2,23 lits d’hôpitaux pour 1 000 personnes, ce qui est légèrement inférieur aux 2,25 lits qui étaient accessibles tout juste avant la COVID en 2019. « La crise en matière de capacité dans les hôpitaux est également aggravée par un manque de nouveaux lits de soins de longue durée », peut-on lire dans le rapport, en plus de la liste d’attente qui s’est allongée de 20 % depuis l’arrivée au pouvoir des conservateurs de l’Ontario en 2018.
Le temps d’attente moyen a augmenté au cours des 12 derniers mois
Les plus récentes données de Santé Ontario, en juin 2024, révèlent que le temps d’attente moyen pour une hospitalisation est de 19 heures, en hausse de 17,8 heures sur un an, soit bien au-dessus de l’objectif de huit heures.
Au cours de la dernière année, près du quart des patient(e)s admis aux urgences ont été hospitalisé(e)s dans les délais fixés par le gouvernement, ce qui correspond à un taux d’échec de 75 %.
Les postes vacants en hausse : des pénuries de personnel imminentes
Le nombre de postes vacants ne cesse de croître dans le secteur hospitalier, passant à 22 330 emplois vacants dans la province. Ce chiffre a augmenté de 17 % au cours de la dernière année, et de 534 % depuis 2015.
Selon le rapport, l’Ontario fait face à la plus importante pénurie de personnel au Canada : pour être comparable aux autres provinces, il lui faudrait environ 34 000 travailleuses et travailleurs hospitaliers supplémentaires.
Michael Hurley précise que dans un document gouvernemental divulgué en mai dernier, on mentionne une pénurie imminente de plus de 80 000 infirmières et infirmiers et préposé(e)s aux services de soutien à la personne d’ici 2032, sans aucun plan de recrutement ou de rétention du personnel.
Il ajoute qu’au lieu de prendre les mesures nécessaires, le gouvernement a plutôt « publié des renseignements erronés » concernant l’ajout de personnel.
D’après des représentant(e)s du gouvernement, la province a « embauché 30 000 infirmières et infirmiers » dans les deux dernières années, mais Michael Hurley indique que ce chiffre représente uniquement les nouvelles inscriptions et ne tient pas compte des personnes qui se sont désinscrites ou qui ont cessé d’exercer leur profession. Il ajoute, citant les récentes données de l’Ordre des infirmières et infirmiers publiées en août 2024, que le nombre d’infirmières et d’infirmiers en fonction n’a augmenté que de 11 263 (63 % de moins que la cible déclarée par le gouvernement).
« Le gouvernement publie les données qui font son affaire, avoue-t-il. Dans ce cas-ci, la donnée la plus pertinente est le nombre d’infirmières et d’infirmiers en exercice, qui ne suit pas le rythme des besoins des patients. La réalité, c’est que le gouvernement ne fait rien pour retenir les employé(e)s, qui sont de plus en plus démoralisé(e)s face aux coupes constantes. »