La conférence nationale des femmes du SCFP s’est ouverte sur un discours percutant de l’ancienne présidente nationale Judy Darcy qui célébrait la force et la persévérance des femmes du SCFP.
Mme Darcy a parlé des luttes féministes profondément personnelles et hautement politiques, brossant un tableau du chemin parcouru et du travail qui reste à faire.
Militante depuis toujours au SCFP, Judy Darcy a été élue secrétaire-trésorière nationale en 1989 et a occupé la présidence nationale, la deuxième femme à ce poste, de 1991 à 2003.
Au premier congrès national du SCFP auquel elle a assisté, en 1973, les femmes luttaient pour l’équité salariale, le congé de maternité et l’accès à l’avortement, mais aussi pour le droit de porter le pantalon et de postuler à n’importe quel emploi. Personne ne parlait de harcèlement dans le milieu syndical. Et il y avait peu de femmes dirigeantes, à part la secrétaire-trésorière nationale pionnière Grace Hartman.
Mais des femmes fortes se sont mobilisées pour diriger, inspirer et résister.
La solidarité, le secret de notre pouvoir
« Quand je repense à ce qui nous a permis de remporter bon nombre de ces batailles, cela se résume à cinq choses », a-t-elle dit. « Nous nous sommes organisées. Nous nous sommes soutenues. Nous avons bâti des campagnes et des alliances. Nous étions créatives. Et nous avons refusé de se faire dire “non”. »
« Bâtir la solidarité entre toutes les femmes du SCFP, y compris les femmes confrontées à de multiples formes de discrimination en raison de leur race, de leur identité de genre, de leur orientation sexuelle ou de leurs capacités, c’est le secret de notre pouvoir », a-t-elle précisé.
« Nous, femmes leaders – et par là, je veux dire tout le monde dans cette salle – nous avons toutes la responsabilité d’ouvrir des portes pour toutes les femmes. »
« Tant et aussi longtemps que les employeurs et les gouvernements traiteront une partie d’entre nous comme des êtres humains inférieurs, tant qu’ils pourront payer des salaires plus bas à certaines femmes et les exploiter davantage, et qu’ils continueront de nous entraîner toutes dans une course vers le fond. »
Darcy, une force progressiste
La secrétaire-trésorière nationale du SCFP, Candace Rennick, était une jeune travailleuse en soins de longue durée qui militait pour la sécurité et le respect lorsqu’elle a fait la connaissance de Judy Darcy. « Elle aussi était motivée par l’injustice », a-t-elle dit en la présentant. « Elle-même exigeait davantage de notre syndicat. Elle croyait au pouvoir d’organiser le changement. »
Mme Darcy a surmonté l’opposition et fait tomber les barrières dans notre syndicat et notre société, même si cela nécessitait de s’enchaîner aux bancs de la Chambre des communes, comme elle l’a fait pour la cause de l’avortement.
Judy Darcy a rappelé aux déléguées nos victoires durement gagnées dans les droits reproductifs, la petite enfance, l’équité salariale, la résistance à la privatisation, la fin de la violence au travail et la lutte contre le harcèlement au sein de notre syndicat.
« Nous devons continuer à aller de l’avant et à défendre ce que nous avons gagné, y compris en matière de services éducatifs à la petite enfance », a-t-elle lancé.
« Nous ne pouvons pas laisser des milliards de dollars d’argent du fédéral aller aux profiteurs des services éducatifs à la petite enfance. Nous devons nous battre pour des services de qualité, ce qui implique des salaires de qualité. »
Organisation et autonomisation des femmes
« Le SCFP tire sa force de son engagement à organiser et à responsabiliser ses membres, ainsi qu’à mener des campagnes et des coalitions pour que personne ne se batte seul », a ajouté Judy Darcy.
Il faut « se battre sans relâche » pour remporter une victoire comme celle du Syndicat des employés d’hôpitaux, qui a réussi à renverser la privatisation et le licenciement massif de 9000 travailleuses, en grande partie racisées, en Colombie-Britannique.
Le leadership, ce sont les femmes du SCFP qui interviennent et agissent, comme les femmes de la base du SCFP (dont beaucoup sont des travailleuses noires ou racisées) qui ont mené une campagne pancanadienne pour l’équité salariale à l’époque où Darcy était présidente nationale. « On ne leur a pas offert le leadership sur un plateau d’argent. Ce n’est jamais le cas ! Elles sont devenues des leaders à force de lutter. On les a testées, et elles ont réussi le test avec brio. »
Un milieu syndical sécuritaire, c’est crucial
Mme Darcy a salué les efforts des dirigeantes et des membres du SCFP pour créer un milieu syndical sécuritaire pour tout le monde. Lorsqu’elle et d’autres étaient confrontées au harcèlement et à l’intimidation au SCFP, on leur disait de « se détendre », qu’elles « sapaient le plaisir des congrès » et que c’était « des taquineries ». Mais elles ont tenu bon.
Le fait de rompre le silence a conduit à de nouvelles politiques antiharcèlement qui donneront naissance à notre Énoncé sur l’égalité, lu pour la première fois au congrès national de 1991.
Judy Darcy a raconté avoir été harcelée à ce congrès où elle a été élue présidente nationale du SCFP. Alors qu’elle célébrait sa victoire, un homme s’est approché d’elle, soi-disant pour la féliciter. Il a regardé sa poitrine, puis il a dit vouloir un soutien-gorge dédicacé.
« J’étais abasourdie. Il n’a pas essayé de toucher mes seins, mais c’est tout comme. L’impact a été le même. » Des mois plus tard, en discutant avec d’autres femmes, elle est arrivée à nommer ce qui s’était passé : « C’était du harcèlement. C’était pour me rabaisser. Et ce n’était pas ma faute. »
« Le harcèlement n’est pas de notre faute. L’intimidation n’est pas de notre faute. Ça n’a pas disparu et ça ne disparaîtra pas, à moins que nous soyons unies pour dire non à l’intimidation et au harcèlement sous toutes leurs formes. »
Judy Darcy a conclu son allocution en remerciant les déléguées pour leur militantisme.
« Je suis incroyablement inspirée de voir des leaders fortes émerger des luttes partout au pays. Vous faites battre mon cœur féministe de 73 ans plus fort que jamais. »
Après son départ du SCFP en 2003, Judy Darcy est devenue secrétaire-directrice des affaires et négociatrice en chef du Syndicat des employés d’hôpitaux en 2005. En 2013, elle s’est fait élire à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique sous la bannière du NPD. Elle a été réélue en 2017 et est devenue la première ministre de la Santé mentale et des Dépendances au pays.