Grâce à des milliards de dollars en réductions d’impôt au cours des vingt dernières années, les riches sont devenus plus riches et plus puissants que nous tous, et ce, de façon exponentielle. Ces gigantesques cadeaux fiscaux ont entraîné un sous-financement criant des services publics. Taxer les riches permettra de réduire l’écart de richesse et de financer équitablement la reprise juste que nous souhaitons dans la foulée de la pandémie.

La pandémie a amplifié les inégalités de revenu et de richesse au Canada, illustrant au passage le caractère injuste de notre régime fiscal. L’inégalité de revenu est la différence dans le montant que nous gagnons chaque année, tandis que l’inégalité de richesse est la différence dans le montant que nous sommes en mesure d’accumuler au fil du temps. 

La structure même du système fiscal canadien aide les riches à s’enrichir. Par exemple, le rendement de la richesse, comme les gains en capital ou les dividendes, n’est pas imposé au même taux que les revenus d’emploi. Le taux est même inférieur à celui des années 1990. De plus, les gouvernements libéraux et conservateurs qui se sont succédé depuis le début de cette période ont coupé de moitié les taux d’imposition des entreprises et permis à celles-ci d’utiliser des mécanismes comptables pour éviter de payer des impôts. Ainsi, les actionnaires peuvent accumuler plus de richesse et les entreprises offrir à leurs dirigeants une rémunération démesurée.

L’écart de richesse se creuse

Des économistes et des politiciens nous ont dit que les réductions d’impôts auraient aussi des retombées positives pour les moins nantis et créeraient de la croissance, mais cela ne s’est jamais produit. Au contraire, les inégalités se sont creusées. Entre 2010 et 2019, la fortune moyenne du 1 % des Canadiens les plus riches a plus que doublé, passant de 4,9 à 10 millions de dollars. Pendant la même période, la fortune moyenne du 50 % des Canadiens les plus pauvres a progressé à pas de tortue, passant de 32 043 à 37 403 dollars. En 2019, le 1 % des Canadiens les plus riches possédait plus du quart de la richesse au pays.

De plus, certaines des personnes les plus riches et des plus grandes entreprises au pays ont largement profité de la pandémie, ce qui a creusé davantage le fossé entre les pauvres et les riches. Selon Oxfam Canada, entre mars 2020 et la fin de janvier 2021, la richesse des 44 principaux milliardaires du Canada a augmenté de 63,5 milliards de dollars. Un récent rapport d’Oxfam International intitulé Le virus des inégalités, souligne que l’écart de richesse est aussi synonyme d’écart entre les sexes et les races. En effet, les super riches, qui bénéficient le plus des réductions d’impôts, sont majoritairement des hommes blancs. Pendant ce temps, les femmes racisées subissent le plus gros des effets des compressions dans les services publics engendrés par les réductions d’impôts.

Il est temps d’imposer les riches

Les inégalités ne sont pas inévitables. Elles résultent de choix politiques. En apportant des changements importants à la fiscalité des particuliers et des entreprises, on pourrait rééquilibrer la richesse comme le pouvoir et mieux financer les services publics pour construire une société plus égalitaire. Le SCFP a établi un partenariat avec l’Institut Broadbent, le groupe Canadiens pour une fiscalité équitable et d’autres organismes afin de demander au fédéral d’instaurer un impôt sur la fortune, de combler les échappatoires fiscales utilisées pour accumuler de la richesse et de créer un impôt sur les bénéfices excédentaires réalisés pendant la pandémie.

Le Canada est le seul pays du G7 à ne pas avoir d’impôt sur la fortune ou sur la succession des grandes fortunes. De plus en plus, la population canadienne appuie la création d’un impôt annuel sur la fortune. Le directeur parlementaire du budget (DPB) a estimé qu’un impôt de 1 % sur les fortunes de plus de 20 millions de dollars pourrait rapporter 5,6 milliards de dollars la première année et 70 milliards sur dix ans. L’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable a utilisé les données du DPB pour estimer les revenus qui seraient générés par un impôt sur la richesse plus progressif. Il a constaté qu’un impôt de 1 % sur les fortunes de plus de 10 millions de dollars, de 2 % sur celles de plus de 100 millions et de 3 % sur celles de plus d’un milliard apporterait près de 20 milliards de dollars par année dans les coffres fédéraux.

L’imposition préférentielle des gains en capital constitue un autre allégement fiscal important. Les gains en capital sont des bénéfices réalisés par la vente de placements financiers ou de biens immobiliers autres que la résidence principale. Seulement la moitié des bénéfices est considérée comme un revenu aux fins de l’impôt. Plus de 88 % de la valeur de cet allégement fiscal bénéficie au 1 % des plus riches, soit les personnes qui gagnent au moins 236 000 dollars par année. Aux dernières élections fédérales, le NPD a proposé de ramener le taux d’inclusion des gains en capital à 75 %, soit ce qu’il était en 2000. Ce changement apporterait 9,5 milliards de dollars par année au gouvernement fédéral.

Une fiscalité juste pour financer une reprise équitable

Les Canadiens les plus riches tirent l’essentiel de leur richesse de la propriété d’entreprises. Les réductions de l’impôt sur les entreprises et l’évasion fiscale ont contribué à accroître les inégalités de richesse. Ramener le taux général d’imposition des entreprises de 15 à 21 % contribuerait à renverser cette tendance et générerait plus de 10 milliards de dollars par année. Dans sa présentation prébudgétaire, le SCFP a mis de l’avant plusieurs propositions d’équité fiscale, dont celles-là. Ensemble, elles rapporteraient au gouvernement fédéral 50 milliards de dollars par année.

Ottawa pourrait aussi instaurer un impôt temporaire sur les bénéfices excédentaires, comme il l’avait fait pendant la Première et la Deuxième Guerre mondiale. Certaines grandes entreprises ont vu leurs chiffres d’affaires exploser pendant la pandémie, tandis que les lieux de travail basés sur le service en personne et l’industrie du voyage ont le plus souffert des restrictions de la santé publique. Les entreprises qui ont réalisé des bénéfices supérieurs à la moyenne pourraient payer un impôt temporaire sur la partie excédentaire afin de financer la reprise économique.

La forme que prendra la reprise économique sera un enjeu majeur de la prochaine campagne électorale fédérale, tout comme la mise en place d’un régime fiscal plus juste qui permettra la création d’une économie et d’une société plus équitables. L’équité fiscale empêche non seulement l’accumulation de richesses, mais elle aide à financer les services sur lesquels nous comptons tous.