Le prestigieux University Health Network (UHN) de Toronto exploite les préposés aux services de soutien de la personne (PSSP), les infirmières et les autres membres du personnel soignant du Hillcrest Reactivation Centre, un de ses hôpitaux satellites. Cette accusation provient de plusieurs PSSP qui dénoncent publiquement, pour la première fois, leur salaire de misère et leurs conditions de travail éreintantes.

Trois PSSP ont décrit leur charge de travail exténuante, le travail en sous-effectif constant et l’insuffisance des soins aux patients au centre de réadaptation Hillcrest, où l’UHN sous-traite les soins aux patients et la dotation en personnel à SE Health, une agence de soins à domicile. Hillcrest sert depuis trois ans d’hôpital de convalescence et de réadaptation pour le University Health Network. Il compte 75 lits. Au début, la durée moyenne du séjour à Hillcrest devait être de 60 jours. Or, depuis un an, il s’y prolonge, parfois jusqu’à un an, le temps qu’on transfère les patients dans un autre hôpital, qu’ils puissent retourner chez eux ou, plus souvent, qu’on leur trouve une place dans un foyer de soins infirmiers ou un établissement de soins de longue durée.

« Ces patients ont de nombreux besoins complexes », explique l’une des PSSP. « Nous ne sommes pas en mesure de fournir les soins dont ils ont besoin avec le nombre d’employés dont nous disposons. Nous passons nos journées à courir d’une chambre à l’autre. Nous avons prévenu la direction qu’elle épuise le personnel, mais personne n’écoute. » Elle ajoute que certains patients sont bariatriques et difficiles à soulever, même avec un lève-personne Hoyer et deux PSSP.

Les PSSP au Hillcrest touchent entre 16,50 $ et 16,88 $ l’heure. C’est beaucoup moins que leurs homologues en soins de longue durée, et plus de six dollars de moins que ce que verse l’UHN aux PSSP de ses autres hôpitaux torontois. Le personnel du Hillcrest n’a droit qu’à trois congés de maladie par an, même pendant la pandémie, et ce malgré le fait que certains employés y ont contracté la COVID-19. L’une des PSSP qui dénoncent la situation a déclaré qu’elle n’a pris aucun congé de maladie, bien qu’elle suive un traitement contre le cancer.

« Personne d’autre dans le secteur hospitalier de Toronto ne gagne 16,88 $ l’heure », remarque Michael Hurley, président du Conseil des syndicats d’hôpitaux de l’Ontario (CSHO-SCFP). « Ces femmes, racisées pour la plupart, font leur travail avec amour et compassion. Les patients s’épanouissent sous leurs soins. L’UHN doit cesser de les exploiter. » 

Avant la COVID-19, le taux de roulement annuel du personnel du Hillcrest était de 30 pour cent. Ce taux élevé, qui s’explique par la faiblesse des salaires et la complexité des besoins des patients, a des répercussions significatives sur les soins aux patients (dont certains y séjournent de six mois à un an), ainsi que sur le bien-être et le moral des collègues qui ne partent pas.

« Au début, nous étions 120 à travailler au Hillcrest, mais il en part 30 à 40 chaque année, a expliqué une PSSP. De nombreux employés trouvent un autre boulot ailleurs. En fait, tout le monde essaie de partir. Tout le monde est à la recherche d’un autre emploi. »

En soutien aux PSSP qui risquent des représailles de la part de leur employeur pour s’être exprimées, d’autres travailleurs de première ligne au UHN-Hillcrest participent à une journée d’action en milieu de travail et demandent à l’UHN d’en faire des employés à part entière du réseau.

L’Ontario a la plus faible capacité hospitalière au Canada ou dans l’OCDE. « Pour pallier le manque de capacité hospitalière, il faut notamment décharger les patients en phase post-aiguë dans des établissements qui pourraient prodiguer ce type de soins, mais qui ne disposent pas du personnel pour le faire, ajoute M. Hurley. Pire encore, compte tenu de la faible capacité dans la province, les pressions s’intensifient pour transférer vers ces établissements les patients qui ont besoin de beaucoup plus de soins. »