Selon le président du Conseil des syndicats d’hôpitaux de l’Ontario (SCFP-CSHO), Michael Hurley, le rapport d’Ernst & Young (EY) commandé par le gouvernement progressiste-conservateur n’est pas une analyse détaillée du financement des programmes provinciaux. C’est plutôt « l’œuvre de mercenaires visant à rationaliser les services publics, vendre des actifs provinciaux rentables, imposer des frais aux usagers et accélérer la privatisation. » Ce rapport a coûté 500 000 $ à l’État.
Le trou dans les finances de l’Ontario n’est pas dû aux services prodigués, mais à la faiblesse des taux d’imposition des sociétés, les plus bas de toutes les provinces et de tous les états nord-américains, souligne-t-il. « Les Libéraux ont beaucoup trop diminué l’impôt des sociétés, ce qui fait que, la population étant croissante et vieillissante, on se retrouve devant un manque à gagner, même si notre province est celle qui dépense le moins dans la santé au pays. Un budget se construit autour de deux leviers : les revenus et les dépenses. Il faut augmenter l’impôt des sociétés. »
On évalue le déficit budgétaire pour l’année en cours à 15 milliards de dollars. Le gouvernement Ford a promis des baisses d’impôt totalisant 7,5 milliards de dollars et des changements comptables montant à 6 milliards. C’est dire que de graves compressions sont à venir. Selon une étude récente du CSHO et du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), le gouvernement devra éliminer 3 500 lits et 16 500 postes dans les hôpitaux pour respecter sa promesse d’équilibrer le budget.
Le rapport d’EY contient peu de choses en matière d’analyse comptable détaillée, mais il est manifeste que le premier ministre Doug Ford s’en servira « pour mettre la table en vue de réduire les services de l’État et de multiplier les stratagèmes de privatisation, affirme M. Hurley. Hélas, cela se traduira par une diminution des soins et de l’accès aux services à l’échelle locale. »
L’Ontario consacre 400 $ de moins par habitant à ses hôpitaux que le reste du pays. Pourtant, le rapport limite sa comparaison du financement des services comme les soins de santé à la Colombie-Britannique et au Québec, deux provinces où ce financement est faible, en ignorant sciemment les sept provinces plus élevées. « Cette comptabilité sélective est trompeuse, prévient M. Hurley. Elle fausse le débat en prétendant que notre financement de la santé est relativement généreux, alors qu’il est plus frugal que toutes les autres économies développées du monde occidental. »
Le rapport d’EY encourage la privatisation par le biais des PPP introduits à l’époque du gouvernement Harris. Or, la vérificatrice générale de l’Ontario évalue que ce modèle a coûté 8 milliards de dollars de plus au trésor public qu’un financement traditionnel par l’État. « On voit bien le biais idéologique qui traverse cet examen. Les PPP fournissent beaucoup moins de services, avec beaucoup moins de personnel, à un coût beaucoup plus élevé que l’infrastructure financée par l’État. Nous n’en avons pas les moyens. »
« Le gouvernement Ford nous prépare à un transfert massif de la richesse, explique M. Hurley : baisse de l’impôt des sociétés, vente d’actifs, privatisation et compression des programmes sociaux comme la santé, l’éducation et les services sociaux. Mais il y aura de la résistance, à commencer par une grande manifestation le 23 octobre, à midi, à Queen’s Park, organisée par la Coalition ontarienne de la santé. Celle-ci réunira des défenseurs du système de santé public qui viendront des quatre coins de la province pour s’engager à le protéger. »