Un certain nombre de gouvernements provinciaux songent à mettre en place des programmes de revenu de base (RB) pour remplacer les programmes d’aide sociale et autres programmes de soutien du revenu. Le Québec, l’Île-du-Prince-Édouard et les maires de plusieurs villes se sont montré intéressés. Mais c’est l’Ontario qui est le plus avancé dans ce dossier. La province est en train de concevoir un projet pilote qui devrait se concrétiser cette année. Toutefois, le projet pilote, ainsi que les modèles de RB actuels, comportent de graves lacunes.
Le but du projet pilote est de « voir si un revenu de base serait une manière plus efficiente de fournir un soutien du revenu, de renforcer la participation active à la main-d’œuvre et de réaliser des économies dans d’autres domaines, comme les soutiens à la santé et au logement ». On veut améliorer modestement les transferts d’argent aux bénéficiaires de l’aide sociale, réduire les coûts administratifs et, en fin de compte, réduire les dépenses consacrées aux services publics.
Il faut bien sûr de toute urgence améliorer les revenus des bénéficiaires de l’aide sociale. En 1995, le gouvernement ontarien a sabré les taux de l’aide sociale de 21,6 %. Depuis, les hausses accordées n’ont pas suivi l’inflation. Il faudrait une hausse immédiate de 58 % pour restaurer le pouvoir d’achat à ses niveaux d’avant 1995. Beaucoup se demandent pourquoi l’Ontario entreprend un projet pilote de cinq ans au lieu d’améliorer les conditions de vie des bénéficiaires de l’aide sociale, notamment en augmentant les prestations qui sont à des taux ridiculement faibles. Le projet pilote sur le revenu de base peut sembler progressiste, mais, dans les faits, il détourne des ressources qui pourraient servir à des changements substantiels, en plus d’en retarder la réalisation.
Si la forme de revenu de base prévue en Ontario est mise en œuvre en tant que programme complet, les mots « prestation efficiente » voudront sans doute dire réduction des services et pertes d’emploi pour les travailleuses et travailleurs de l’aide sociale. Pour certains, il s’agit de convertir des services publics en simples transferts d’argent, en supposant que les gens pourront se procurer les services dont ils ont besoin sur le marché. Pour ces raisons et d’autres, le SCFP-Ontario est contre ce programme.
Quand on parle de « renforcer la participation à la main-d’œuvre », on veut dire qu’on s’attend à ce que les bénéficiaires de l’aide sociale se trouvent un emploi. Le problème? Il n’y a pas assez de travail pour tout le monde, car il y a eu diminution de la qualité des emplois. Pousser plus de gens dans le marché du travail sans créer plus d’emplois ne servira qu’à faire baisser les salaires. Sans amélioration des normes de l’emploi et du travail, la tendance à la précarité de l’emploi s’accentuera en même temps que la concurrence pour les rares emplois accroîtra le pouvoir de négociation des employeurs.
Il est important d’augmenter les taux de prestations d’aide sociale, mais cela ne suffit pas. Sans stratégie de plein emploi, sans de meilleures normes d’emploi et de solides services publics, la hausse des revenus de base ne pourra pas éliminer la pauvreté. Le marché privé ne nous donne pas tout ce dont nous avons besoin et il ne le fait certainement pas à un prix abordable pour tous. Pour mettre fin à la précarité et à la pauvreté, il faut d’abord des services publics solides qui soutiennent les personnes à faible revenu.
- Dan Crow