SURVOL
À l’échelle du pays, les travailleuses et travailleurs de bibliothèque membres du SCFP occupent principalement des postes dans les bibliothèques publiques, scolaires et postsecondaires. Ces personnes font de nos bibliothèques des milieux inclusifs, accueillants et accessibles pour tout le monde. Elles fournissent des services essentiels pour promouvoir la littéracie et lutter contre la désinformation et la mésinformation. Elles favorisent l’accès à une multitude de ressources tout en permettant aux gens de tisser des liens. De plus, elles conçoivent et mettent sur pied une vaste gamme de services : heure du conte pour les familles, programmes de tutorat par les pairs en écriture, services de recherche numérique, etc. Le personnel de bibliothèque a aussi réponse à toutes sortes de questions. Et c’est sans oublier qu’il soutient l’apprentissage, la recherche, l’emploi, la créativité et l’engagement social pour favoriser l’épanouissement de chaque personne.
ENJEUX
Violence et harcèlement au travail
La violence et le harcèlement au travail représentent de graves problèmes de santé et de sécurité dans les bibliothèques, plus particulièrement dans les établissements publics et scolaires. Les membres du SCFP subissent de plus en plus de violence et de harcèlement au travail, ce qui entraîne parfois des conséquences dévastatrices. Le fait d’être témoin de situations violentes entre usagères ou usagers (ou entre élèves) ou de devoir intervenir n’est pas sans répercussions. Nos membres qui travaillent dans les bibliothèques publiques doivent également composer avec un taux élevé de consommation de drogues et de surdoses chez la clientèle, puisque les personnes touchées par la crise du logement ou de l’abordabilité, ou des troubles de santé mentale ou de toxicomanie y trouvent souvent refuge.
Les employeurs du milieu mettent en œuvre diverses mesures pour lutter contre la violence et le harcèlement au travail : recours à des agent(e)s de sécurité, formation du personnel, intervention de travailleuses et de travailleurs sociaux, programmes de soutien par les pairs, modification de l’aménagement des locaux, etc. Les sections locales négocient également des meilleures protections en matière de santé et de sécurité dans leurs conventions collectives afin de prévenir les incidents et d’atténuer les graves conséquences de la violence et du harcèlement subis ou observés au travail. Malgré tout, les cas de violence, de harcèlement et de surdose continuent d’augmenter dans certains réseaux de bibliothèques. D’autres solutions s’imposent, y compris des mesures qui ne relèvent ni des bibliothèques ni de leur personnel, comme accroître le financement et les effectifs dans les services sociaux communautaires, les services en santé mentale ou le parc de logements sociaux.
Du côté du système public d’éducation, le manque de personnel et le sous-financement chronique ont entraîné une forte hausse de la violence, sans parler du manque de soutien et de l’épuisement des travailleuses et travailleurs. Plusieurs obstacles découragent le personnel des écoles à signaler les actes de violence, notamment le manque de soutien de la direction, la crainte de représailles, et le jugement porté sur ses compétences professionnelles. Se retrouvant ainsi pris entre le droit des élèves à l’éducation et leur droit à un milieu de travail sain et sécuritaire, ces employé(e)s demandent aux gouvernements provinciaux de mettre en œuvre des plans d’action concrets et dotés de fonds suffisants pour lutter contre la violence dans les écoles et contribuer à en faire des lieux sûrs pour tout le monde.
Charge de travail et épuisement professionnel
Les travailleuses et travailleurs de bibliothèque subissent de plein fouet les conséquences des compressions budgétaires et du manque chronique de financement. Cette insuffisance de financement donne lieu à des pénuries de personnel, à des problèmes de recrutement et de maintien en poste, à des suppressions d’emplois, à une diminution des heures de travail et à des fermetures de bibliothèques. Les employeurs ne pourvoient pas les postes vacants depuis longtemps, ce qui se traduit par des effectifs réduits à leur strict minimum, des coupes dans les services, et l’incapacité pour les employé(e)s de bénéficier des avantages procurés par leur convention collective, comme les congés annuels, au moment souhaité. Comme mentionné plus haut, les membres sont également exposé(e)s à des niveaux sans précédent de violence, de harcèlement et de surdoses en milieu de travail. Mis ensemble, tous ces problèmes ont de graves répercussions sur leur santé, leur sécurité et leur bien-être physiques et psychologiques.
Financement, fermeture de bibliothèques et suppression d’emplois
Partout au pays, les bibliothèques et leur personnel souffrent des compressions budgétaires et de la stagnation du financement.
Dans de nombreuses provinces, le financement des bibliothèques publiques est gelé depuis longtemps. Par conséquent, les bibliothèques réduisent leurs heures d’ouverture, leurs services et leur effectif pour limiter les coûts. Certaines bibliothèques ont également des heures d’ouverture sans personnel, ce qui leur permet d’augmenter l’accès aux ressources sans hausser les coûts. La stagnation du financement et les compressions budgétaires empêchent également les bibliothèques de prendre des mesures pour prévenir la violence et le harcèlement. Au sous-financement des bibliothèques publiques s’ajoute le sous-financement chronique des services sociaux communautaires, du logement social et des services de santé mentale. Les bibliothèques sont souvent le seul endroit où peuvent se rendre ceux et celles qui n’ont nulle part d’autre où aller. Les personnes marginalisées ou en situation d’itinérance se tournent en effet vers les bibliothèques pour obtenir l’aide dont elles ont besoin et qu’elles n’arrivent pas à obtenir ailleurs dans la communauté. La nécessité d’augmenter le financement des bibliothèques ne peut être évoquée sans souligner le besoin que les gouvernements investissent davantage dans le logement, la santé mentale et la lutte aux dépendances.
Du côté du secteur de l’éducation, l’insuffisance de financement entraîne la fermeture de bibliothèques scolaires et la suppression d’emplois. Certaines écoles ont transformé leur bibliothèque en salles de classe pour faire face à la hausse du nombre d’élèves et au phénomène de surpopulation, et elles ont donc déplacé les livres à différents endroits dans l’école. Le personnel des bibliothèques scolaires du Nouveau-Brunswick, de la Colombie-Britannique et de l’Alberta en ressent particulièrement les effets. En fermant des bibliothèques et en supprimant des postes, on sous-estime énormément le rôle de ces lieux et de ces travailleuses et travailleurs dans la promotion de la littératie, de la numératie, de la créativité et d’environnements d’apprentissage stimulants. Dans certains cas, le personnel des bibliothèques scolaires peine également à obtenir les fonds nécessaires pour acheter de nouvelles ressources et de nouveaux livres qui répondent aux besoins et aux intérêts changeants des élèves. Chaque école devrait être dotée d’une bibliothèque bien financée, pourvue de ressources adéquates et d’un personnel à temps plein. Les enfants d’âge scolaire et leur famille en dépendent.
Quant au secteur de l’éducation postsecondaire, le manque de financement des gouvernements provinciaux pour aider les collèges et les universités à faire face à la hausse des coûts ne date pas d’hier. À cela s’ajoutent les nouveaux plafonds imposés par le gouvernement fédéral sur le nombre d’étudiant(e)s internationaux. Puisque dans certaines provinces, comme l’Ontario, la population étudiante internationale apporte plus de financement aux collèges et aux universités que le gouvernement, ces plafonds forcent des établissements à supprimer des programmes et des emplois. Les compressions budgétaires empêchent également les bibliothèques universitaires d’augmenter leur effectif pour offrir de nouveaux services et programmes. Qui plus est, ces compressions réduisent le pouvoir d’achat des bibliothèques, ce qui se répercute sur la capacité du personnel à acquérir des ressources universitaires et à maintenir une collection pertinente. Elles nuisent aussi à la capacité des bibliothèques de se procurer les outils technologiques dont les étudiant(e)s ont besoin comme des ordinateurs portables. En effet, certain(e)s étudiant(e)s ne disposent pas des technologies nécessaires pour poursuivre leurs études postsecondaires, et comptent donc sur les bibliothèques pour combler cette lacune. Enfin, le financement insuffisant des bibliothèques universitaires nuit à la capacité des travailleuses et des travailleurs de créer un environnement d’apprentissage et de recherche de pointe pour le corps enseignant, le personnel de l’établissement et les étudiant(e)s.
NÉGOCIATIONS
Les sections locales du SCFP dans le secteur des bibliothèques ont fait des gains notables à la table de négociation dans les deux dernières années, mais elles ont aussi connu des rondes de négociations difficiles où l’employeur cherchait à obtenir des concessions. Les principaux enjeux débattus concernent les salaires, les avantages sociaux, l’amélioration des conditions de travail du personnel auxiliaire et à temps partiel, la santé et la sécurité, et les heures de travail le dimanche.
Les sections locales de la Colombie-Britannique ont obtenu les gains salariaux les plus importants, soit entre 3 et 4,5 % par année pour la durée de leurs contrats. Cela s’explique en grande partie par les efforts coordonnés déployés dans toute la province pour que chaque section locale du secteur des municipalités et des bibliothèques obtienne au moins autant que les autres sections locales du SCFP ayant négocié avant elle. En plus des importantes augmentations salariales générales, ces sections locales ont négocié des mesures de soutien face à l’inflation ainsi que des primes de maintien en poste. Toutefois, même si de telles mesures visent à compenser le coût élevé de la vie dans tout le pays, il s’agit de montants forfaitaires uniques qui ne sont pas intégrés aux salaires d’une année à l’autre.
Des améliorations pour les travailleuses et travailleurs auxiliaires et à temps partiel ont par ailleurs été négociées par les sections locales du SCFP, notamment pour réduire la précarité de certaines classifications d’emplois. Il s’agit là d’une victoire importante pour les sections locales où la précarité était particulièrement insidieuse. D’autres ont quant à elles négocié l’accès à des avantages sociaux pour le personnel à temps partiel ou, le cas échéant, de meilleurs avantages sociaux. Et certaines ont préféré améliorer avant tout la rémunération des personnes les moins bien payées, en particulier celles qui ne gagnaient que le salaire minimum.
Les sections locales ont de surcroît négocié diverses autres améliorations des avantages sociaux et des congés payés. Bon nombre d’entre elles ont augmenté la couverture des soins de santé mentale et en ont étendu la portée pour inclure davantage de praticien(ne)s, dont des thérapeutes en santé mentale et des travailleuses et travailleurs sociaux. Le syndicat des employé(e)s de la Bibliothèque publique de Toronto a négocié trois jours de congé payé en cas d’incident violent et a doublé la durée des congés pour soins d’affirmation de genre et pour violence conjugale ou sexuelle. De plus, presque toutes les sections locales ont réussi à faire de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation un jour férié payé.
Parmi les autres réussites, citons les négociations qui ont abouti à l’ajout ou à l’amélioration de dispositions interdisant le travail en solo et empêchant les employeurs d’adopter des modèles de service qui prévoient des heures d’ouverture sans personnel.
Les changements apportés à l’horaire du dimanche et les améliorations en matière de santé et de sécurité sont des questions prioritaires où les gains obtenus varient d’une section locale à l’autre. Certaines ont remporté de nouvelles protections relatives aux quarts de travail du dimanche, notamment en ce qui concerne les heures de travail et le maintien des primes du dimanche. D’autres ont eu moins de succès : nouvel horaire du dimanche, régularisation des heures de travail le dimanche, voire perte des primes offertes. En matière de santé et de sécurité, les négociations ont débouché sur des gains modestes, mais tout de même importants, pour quelques sections locales ayant proposé des mesures de prévention de la violence et du harcèlement au travail. D’autres n’ont obtenu aucun résultat et ont même dû faire face à l’hostilité des employeurs vis-à-vis des mesures proposées. Ces sections locales ont fait savoir aux employeurs qu’elles ne baisseraient pas les bras et qu’elles se préparent déjà à remettre leurs propositions sur la table dès les prochaines négociations.
CAMPAGNES
Les sections locales du SCFP ont lancé diverses campagnes fructueuses au cours des deux dernières années. Les membres du SCFP 70-05, qui travaillent à la bibliothèque publique de Lethbridge, en Alberta, ont lancé une campagne visant à réclamer une augmentation du financement des bibliothèques. Les allié(e)s ont envoyé des messages à la première ministre, au ministre des Affaires municipales et aux membres de l’Assemblée législative. La bibliothèque publique de Lethbridge n’a pas bénéficié d’un financement à la hauteur de la croissance démographique de la ville. De plus en plus de personnes la fréquentent, mais elle continue de recevoir un financement basé sur les données démographiques de 2019.
Le SCFP 2669, qui représente le personnel de la bibliothèque publique de Saskatoon, en Saskatchewan, s’est battu avec acharnement à la table de négociation pour faire adopter de nouvelles dispositions sur la prévention de la violence et du harcèlement au travail. La section locale a lancé une campagne d’affichage dans toute la ville pour mobiliser l’appui de la population et dénoncer la banalisation de la violence au travail.
Enfin, les membres du SCFP 1833 travaillant à la bibliothèque publique de Peterborough, en Ontario, risquaient de voir trois postes de bibliothécaires à temps plein supprimés en raison des coupes budgétaires de 120 000 $ demandées par la Ville. Une pétition a été lancée par les gens de Peterborough pour empêcher ces suppressions d’emplois, et la section locale a collaboré avec le SCFP-Ontario pour organiser une campagne d’envoi de lettres à la direction de la bibliothèque, à son conseil d’administration, de même qu’au maire et au conseil municipal. Le groupe de défense Our Future Peterborough a aussi publié une lettre ouverte au conseil municipal de Peterborough et au conseil d’administration de la bibliothèque, leur demandant de renoncer aux compressions. Plus de 100 éducateurs et éducatrices, auteur(e)s et artistes de renom, dont Neil Young, Margaret Atwood, Madeleine Thien, Sarah Harmer et Lois Lowry, l’ont signée. Après des semaines de protestations, la Ville a annoncé la suspension des suppressions d’emplois pendant qu’elle réfléchissait à d’autres moyens d’atteindre son objectif budgétaire. Les postes des bibliothécaires sont pour l’instant sauvés, et la direction de la Ville dialogue plus ouvertement avec la section locale, ce qui laisse entrevoir une solution plus durable.