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Les crises sont aussi des périodes riches en possibilités.

Lorsque la mise est important et que les enjeux sont élevés, la table est mise pour les grands sacrifices, l’exploration de nouvelles idées et la collaboration pour le bien commun sous l’égide d’un leadership fort et inspiré.

Les plus grands présidents et premiers ministres de l’histoire – Lincoln, Roosevelt, Churchill et Pearson – sont ceux qui se sont illustrés en temps de crise pour réaliser d’importants progrès.

Les crises sont aussi des périodes d’opportunisme, où les titulaires du pouvoir exploitent les peurs à des fins politiques mesquines, créent davantage de divisions et font reculer encore plus loin leur pays. L’histoire n’est pas tendre à l’endroit des personnes qui ont emprunté ce sombre chemin, les couvrant d’ignominie ou, mieux encore, les laissant simplement tomber dans l’oubli.

Dans le contexte de la crise économique et financière au cœur de laquelle nous nous trouvons actuellement, certains signes laissaient croire que le premier ministre Harper aurait été prêt à élargir ses vues idéologiques étroites et à renoncer à l’opportunisme politique qui a caractérisé son premier mandat.

Après l’élection fédérale, il a répondu aux demandes et s’est réuni avec les premiers ministres, a écouté les économistes qui ont sollicité des stimulants économiques et semblait prêt à collaborer avec l’opposition.

L’énoncé économique et financier de son gouvernement présenté par le ministre des Finances Jim Flaherty a dissipé tout espoir.

Au lieu de présenter un portrait honnête de la situation financière du gouvernement fédéral, M. Flaherty s’est adonné à un exercice de fraude fiscale. Son énoncé déforme les prévisions du secteur privé pour faire avaler que le Canada n’est pas déjà sur le chemin des déficits.

Aucun économiste digne de ce nom, sur Bay ou ailleurs, n’accorde une quelconque crédibilité aux chiffres avancés par M. Flaherty. Patricia Croft, économiste principale à RBC Fonds parle de « mirage » et « d’écrans de fumée et miroirs ». Pour sa part, l’économiste principal de la Banque TD, Don Drummond, explique qu’il a fallu jongler avec les chiffres et les interpréter dans tous les sens pour en dégager un certain sens.

L’un des économistes d’une école d’administration des affaires dont les prévisions ont été utilisées et auraient été déformées dans cet exercice a réagi en ces termes « Mon cynisme a atteint de nouveaux sommets. Que puis-je dire d’autre? »

Le ministre des Finances ne croit pas lui-même en son propre énoncé financier, indiquant à Radio Canada qu’il estime probable que le gouvernement fédéral fasse un déficit, tout juste deux heures après avoir prévu encore cinq années d’excédents budgétaires.

S’il ne croit pas son propre énoncé et ses propres mots, pourquoi le devrait-on?

Ce peut être difficile à comprendre, mais c’est à partir de ce point que l’énoncé économique et financier de M. Flaherty amorce sa descente.

Cet énoncé économique est tout aussi ignominieux pour ce qu’il renferme – des mesures vindicatives et étroites d’esprit – que pour ce qu’il ne renferme pas, la reconnaissance du besoin de prendre d’importantes mesures de stimulation économique, sinon un plan de redressement ou une vision pour l’économie.

À l’automne dernier, alors que l’économie battait son plein, M. Flaherty a surpris tout le monde en utilisant l’énoncé économique et financier de l’automne 2007 pour mettre en œuvre et accélérer les baisses d’impôt qui coûteront au gouvernement fédéral 60 milliards de dollars sur six ans. Ces mesures n’ont rien fait pour consolider la santé à long terme de l’économie et ont plutôt poussé le gouvernement fédéral vers le déficit.

En réalité, sous le gouvernement Harper, la productivité économique canadienne a dégringolé, comme l’a souligné Jim Stanford. Comme pays, nous produisons moins pour la même quantité de travail que lorsque Harper a entrepris son mandat. Harper est le premier premier ministre élu du Canada à exercer le pouvoir sur une telle perte de puissance économique depuis que Statistique Canada a commencé à compiler des données sur la productivité en 1961.

Les chefs de partout dans le monde passent outre les divisions politiques pour établir des coalitions en temps de crise économique. Le gouvernement Harper, au contraire, tente d’affaiblir et de détruire l’opposition.

En dépit du fait qu’il a obtenu l’appui de seulement 22 % des électeurs inscrits (et moins de 38 % de ceux qui ont exercé leur droit de vote) à la dernière élection, M. Harper et Flaherty utilisent la faiblesse de l’économie et la diminution des revenus pour miner les services publics et attaquer les travailleurs du secteur public et les autres partis politiques.

Les pays de partout dans le monde mettent sur pied des programmes de stimulation de l’économie pour contrer le repli économique mondial. La gamme de mesures de stimulation économique que proposera le président élu Obama devrait atteindre 700 milliards de dollars. La Commission européenne s’emploie à l’élaboration d’un ensemble de stimulants pour l’économie de 200 milliards d’euros. En Grande Bretagne, le premier ministre Brown a proposé un plan dont le budget s’élève à près de 40 milliards de dollars alors que le premier ministre Kevin Rudd d’Australie entend utiliser une grande partie de l’enveloppe de 29 milliards de dollars d’excédents budgétaires. La Chine a annoncé au début novembre un ensemble de stimulants économiques totalisant 586 milliards de dollars.

Cette crise devrait être si grave que même le Fonds monétaire international (FMI), habituellement très en faveur de réductions des dépenses gouvernementales, a exhorté les gouvernements de mettre en place des programmes de stimulants économiques équivalent à 2 % de leur extrant économique. Au Canada, ils totaliseraient 30 milliards de dollars.

Il n’y a qu’au Canada que notre gouvernement national a exploité cette grave crise économique et financière pour faire preuve d’opportunisme politique de bas étage.

Même le Globe and Mail, qui appuie normalement Harper, a utilisé le terme « cynique », et un colomniste a indiqué « [Traduction] Il faut être particulièrement immature pour envisager une crise économique dans laquelle les gens s’inquiètent de leur emploi, de leur domicile et de leurs épargnes d’une vie, et de s’interroger uniquement sur la façon dont elle pourrait tourner à son avantage ».

Perspective économique

L’énoncé économique et financier du gouvernement fédéral est fondé sur des prévisions du secteur privé qui sont aujourd’hui désuètes. Il prédit que l’économie s’accroîtra de 0,6 % en 2008, de 0,3 % en 2009 puis rebondira jusqu’à 2,6 % en 2010.

À l’opposé, le récent rapport sur les perspectives économiques de l’Organisation de coopération et de développement économiques (l’OCDE) prévoit un ralentissement considérable de la croissance du Canada : 0,5 % en 2008, -0,5 % en 2009 et 2,1 % en 2010.

À l’instar de l’OCDE, la plupart des prévisionnistes économiques canadiens s’attendent maintenant à ce que la situation économique soit plus désastreuse que ce n’en dit le gouvernement fédéral. Puis encore, un certain nombre de ces prévisionnistes indépendants ont tenu pour acquis que le gouvernement fédéral serait raisonnable et prévoirait un programme de stimulants économiques d’environ 15 milliards de dollars dans son énoncé.

Au contraire, il prévoit réduire les dépenses publiques de 6 milliards de dollars au cours de la prochaine année, ce qui signifie un ralentissement encore plus important de la croissance économique, et de ce fait, des revenus plus faibles.

Situation financière

L’énoncé économique allègue que le ralentissement économique aurait aiguillé le gouvernement fédéral sur la voie d’un déficit de 5,9 milliards de dollars au cours de la prochaine année.

Toutefois, les prévisions économiques du gouvernement fédéral sont toujours trop optimistes. La véritable raison à l’origine de ce déficit émergent est l›énoncé économique de 2007 de M. Flaherty qui pratique des réductions fiscales irresponsables qui retrancheront cette année 9,3 milliards de dollars dans les recettes fédérales et 9,4 milliards de dollars l’année suivante.

Payer pour les réductions d’impôt en attaquant le secteur public

Pour empêcher un déficit, le gouvernement Harper a annoncé, dans son énoncé, qu’il entendait :

  • privatiser et vendre les biens publics pour dégager 2,3 milliards de dollars en 2009-2010 et un total de 10 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.
  • couper et ralentir les dépenses publiques et les programmes prévus de 2 milliards de dollars en 2009-2010 et de plus de 5 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.
  • réduire le salaire des fonctionnaires fédéraux de 4,1 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, y compris en annulant les augmentations et en abolissant le droit de grève des fonctionnaires fédéraux.
  • restreindre l’expansion du Programme de péréquation. Les montants des réductions de ce programme ne sont pas encore ventilés mais ils devraient totaliser 2,8 milliards de dollars en 2009-2010.

Il s’agit de l’étape suivante de leur ligne de conduite : utiliser les réductions d’impôt pour créer un déficit et justifier ainsi les coupures dans les services publics et la privatisation des biens du gouvernement fédéral.

Les compressions de ce genre sont exactement à l’opposé de ce que les gouvernements devraient faire en temps de ralentissement économique. Au lieu de réduire les dépenses, les gouvernements auraient avantage à stimuler l’économie en augmentant les dépenses publiques et l’investissement pour contrer le ralentissement de l’économie dans le secteur privé.

Le FMI et la plupart des économistes ont demandé un programme de stimulants de l’emploi et de l’économie de 15 à 30 milliards de dollars, ce qui signifierait des déficits représentant au moins ce montant. Les réductions d’impôt ne sont pas de grande utilité dans ces situations; il est beaucoup plus efficace de dépenser dans l’infrastructure et les services publics.

Attaques à visée politique

L’énoncé financier a aussi annoncé que le gouvernement prévoyait adopter des lois dans le but :

  • d’éliminer le programme de financement publique des partis politiques mis en œuvre pour compenser les dons limités aux partis politiques.
  • d’empêcher les travailleurs, principalement les femmes, d’obtenir la parité salariale par l’entremise de la Commission canadienne des droits de la personne.

La législation relative à l’équité salariale est une mesure importante pour résoudre les iniquités dans le milieu de travail dont font l’objet des femmes, et qui font en sorte que leur salaire moyen représente seulement 70 % de celui des hommes.

Il ne fait aucun doute que ces mesures sont vindicatives et sont des attaques à visée politique contre l’opposition, les syndicats et la capacité des femmes d’obtenir des salaires équitables. Les sommes que pourrait récupérer le gouvernement fédéral grâce à ces mesures sont si faibles qu’elles ne figurent même pas dans les tableaux financiers de l’énoncé économique.

Appui provisoire limité pour les régimes de pension

L’énoncé économique et financier prévoit deux mesures provisoires pour gérer la crise liée au régime de pension : 1) autoriser le versement des déficits de solvabilité sur une période de dix ans au lieu de cinq; et 2) autoriser une réduction temporaire du minimum de retrait du FERR que doivent effectuer les retraités.

Ces mesures offrent un soulagement temporaire, mais elles ne traitent d’aucun des problèmes fondamentaux du régime de pension ou de l’absence de sécurité de retraite pour une grande majorité de travailleurs. Dans le contexte de marchés financiers hautement volatiles, les Canadiens peuvent uniquement obtenir une véritable sécurité de retraite grâce à des améliorations au régime de pension public et au programme de sécurité de la vieillesse.

Soutien continu à l’industrie financière

Alors que les travailleurs sont laissés à eux-mêmes, le gouvernement Harper continue d’offrir un appui quasi illimité au secteur financier : les mêmes personnes qui ont provoqué cette crise financière. Le gouvernement fédéral a déjà fait une provision de 75 milliards de dollars pour radier les hypothèques des livres des banques et fournit des dizaines de milliards de dollars sous d’autres formes de mesures de soutien et des liquidités pour le secteur financier et ce, en exigeant que très peu de conditions.

Il est certes nécessaire d’appuyer d’une façon ou d’une autre le secteur financier et cet aide devrait être assorti de conditions visant à réduire la spéculation, limiter la rémunération excessive des PDG, et à s’assurer que le crédit et le soutien est refilé, en dernier ressort, aux ménages et aux entreprises, et accompagnés d’un cadre de réglementation et d’application de la loi beaucoup plus sévère pour déduire la fraude.

Aucune mesure positive sur l’économie

L’énoncé économique ne prévoit aucune forme de programme de stimulants économiques raisonnable.

Au contraire, ce « programme pour l’avenir » ne propose rien de nouveau, simplement une vision rétrograde ressassant les mêmes politiques économiques néo-conservatrices établies au départ dans Avantage Canada 2006 du gouvernement Harper. On y propose des programmes étendus de privatisation, de commercialisation, des réductions dans les programmes publics, la déréglementation, des réductions de l’impôt et le « libre échange » - les mêmes politiques irresponsables et régressives à l’origine de la crise financière économique actuelle.

Il n’y a aucun nouveau mécanisme de financement de l’infrastructure, mais juste une promesse d’accélérer le financement déjà engagé pour des projets d’infrastructure. Il y a déjà un retard de 3 milliards de dollars des fonds déjà engagés pour les projets d’infrastructure. Cette situation découle du nouveau Fonds Chantier Canada mis en place par le gouvernement Harper qui a entraîné de pénibles retards et de la bureaucratie en raison des exigences que doivent respecter les demandeurs pour envisager pleinement des partenariats public-privé (PPP).

Rien ne prévoit d’amélioration au programme d’assurance emploi. Les réductions dans ce programme signifient que seulement 42 % des personnes sans emploi sont désormais admissibles aux prestations. Ce programme doit être amélioré et élargi afin que les personnes qui perdent leur emploi en raison de la crise économique ne soient pas précipitées dans la pauvreté la plus complète.

Malheureusement, le gouvernement Harper continue d’obliger les partenariats public-privé et la privatisation à d’autres ordres de gouvernement, même s’ils sont beaucoup plus coûteux, compliqués, irresponsables, fastidieux et encombrants.

Le gouvernement Harper n’a réservé que très peu pour l’infrastructure; la plupart des augmentations avaient été apportées par le gouvernement libéral précédent.Le financement destiné à l’infrastructure ne s’accroîtra que d’une moyenne de 1,1 % par année après 2009-2010, soit moins que le taux d’inflation prévu.

Le reste du programme économique décrit dans l’énoncé économique n’est ni plus ni moins qu’une opération de camouflage de politiques néo-conservatrices :

  •  Consolider les marchés financiers. À priori l’idée semble judicieuse mais le gouvernement Harper s’est engagé à encadrer au moyen d’une réglementation fondée sur des principes dans son budget de 2007 et à nommer un groupe d’experts dirigé par des intervenants du secteur qui présenteront un rapport en 2009. Les règlements fondés sur des principes signifient davantage « auto-réglementation » et « déréglementation », la même approche qui a causé cette crise financière aux États-Unis.
  • Accroître la capacité de concurrence. Cela prévoit d’autres mesures fiscales touchant les sociétés, qui exercent une pression pour l’harmonisation des taxes de ventes provinciales à la TPS, des transactions « de libre échange » plus étendues et une simplification et une réduction de la réglementation de l’industrie et la mise en application des recommandations du Groupe d’étude sur les politiques en matière de concurrence qui, en réalité, affaibliront l’application des règles relatives à la concurrence.

L’énoncé économique et financier aurait dû prévoir un plan tourné vers l’avenir pour redresser la situation, un programme de stimulants économiques ambitieux, des mesures pour protéger les travailleurs et les aînés ainsi qu’un cadre de réglementation plus rigide et la protection du consommateur.

Nous avons plutôt obtenu des mesures politiques opportunistes médiocres, une reformulation des politiques économiques néo-conservatrices désuète qui ont créé cette crise économique et financière.

En fait, il ne s’agit pas uniquement d’une occasion mais bien d’un besoin pressant et urgent que le gouvernement fédéral progresse de l’avant immédiatement en proposant un plan de stimulants économiques sérieux pour gérer cette crise. Le Canada ne dispose que de très peu de marge de manœuvre avant que sa situation économique ne se détériore encore davantage.

Avec son énoncé économique, le gouvernement Harper a gaspillé une occasion d’évoluer de façon constructive. Il a plutôt exploité cette crise pour s’adonner à de la petite politique et à attaquer les droits des Canadiens. Ce faisant, il a perdu non seulement la confiance de l’opposition mais également des économistes et des gens de partout au Canada.

Si les partis de l’opposition qui ont obtenu plus de 54,4 % du vote populaire à la dernière élection comparativement à 37,6 % chez les Conservateurs sont capables de montrer du sérieux dans leur entente et dans leur plan de gestion de cette crise économique, ils méritent le droit de diriger une coalition.

L’énoncé économique doit être défait au Parlement. Le SCFP se joint au CTC, à d’autres syndicats et aux organisations de la société civile à l’appui des partis libéral et NPD pour former un gouvernement de coalition.

 

mf/sepb 491