Les autorités sanitaires du monde entier suivent attentivement les données sur la propagation de la COVID-19, en particulier le lieu des éclosions, l’âge des patients touchés et la façon dont les patients ont contracté le virus. Ces données nous donnent de précieuses informations sur les moyens d’empêcher le virus de se propager davantage car elles aident les décideurs politiques à clairement identifier les tendances et à orienter les ressources là où elles sont nécessaires, qu’il s’agisse de fournir des espaces additionnels dans les refuges, du personnel supplémentaire et des équipements de protection individuelle dans les établissements de soins de longue durée, d’identifier les activités à haut risque ou de confiner les lieux de travail touchés.
Les spécialistes de la santé soulignent depuis longtemps que divers groupes de personnes sont confrontés à différents risques sanitaires et à différents obstacles quant à l’accès aux soins. Les travailleurs précaires, qui comptent un contingent disproportionné de personnes noires, autochtones et racisées, sont moins susceptibles d’avoir des congés de maladie et ont moins d’options lorsque les employeurs font fi des normes de santé et de sécurité. Vivre dans un logement surpeuplé ou inadéquat fait qu’il est presque impossible de se mettre en quarantaine de façon efficace. Les membres des familles qui étaient dans une situation financière précaire avant la crise auront plus de difficulté à composer avec une perte d’emploi ou une maladie, et ils subiront davantage de pressions pour retourner au travail, même dans des conditions dangereuses.
Les données préliminaires provenant d’autres pays montrent une forte disparité dans les taux d’infection à la COVID-19 chez les personnes racisées. Malgré cela, le Canada a été lent à reconnaître la nécessité de recueillir des données fondées sur la race quant à la propagation de la COVID-19. Puisque les autorités nationales ne se sont pas donné la mission de suivre l’impact du virus sur les communautés autochtones, noires et racisées, les données dont nous disposons sont incomplètes.
Peuples autochtones
Les communautés autochtones ont été touchées de manière disproportionnée par l’épidémie de grippe H1N1 en 2009. En effet, bien que les Autochtones ne représentent que 4,3 % de la population canadienne, 25 % des patients gravement malades en raison de cette grippe étaient des Autochtones. Ces données ont suscité des appels à l’action pour prévenir une tragédie semblable avec la COVID-19.
En se basant sur des données recueillies avant l’actuelle pandémie, Statistique Canada a démontré que les facteurs de risque de la COVID-19 sont plus élevés chez les Autochtones vivant en ville ou en en milieu rural. Par exemple, chez les Inuits et les membres des Premières Nations, de nombreuses communautés isolées ont un accès limité aux professionnels de la santé. Les membres des Premières Nations et les Métis qui vivent en milieu urbain sont beaucoup moins susceptibles que les autres Canadiens d’avoir un médecin de famille. En outre, les Autochtones sont plus susceptibles de vivre dans des logements inadéquats. Un Autochtone sur cinq vit dans une habitation trop petite, et un sur quatre vit dans une habitation qui nécessite des réparations importantes.
La plupart des provinces ont commencé à identifier les Autochtones parmi les patients atteints de la COVID-19 avant de commencer à suivre d’autres données socio-économiques, et certaines provinces travaillent activement avec les chefs et les communautés autochtones pour s’assurer que les informations recueillies sont utilisées adéquatement.
Données en fonction de la race
L’agence de santé publique de Toronto a commencé à recueillir des données sur l’identité ethno-raciale des patients le 20 mai, trois mois après le premier cas de COVID-19 dans la ville. L’agence a constaté que les résidents noirs et racisés, qui ne représentent que la moitié de la population de la ville, représentent 83 % des cas à Toronto. Les données antérieures de l’agence indiquent que la proportion de cas est particulièrement élevée dans les quartiers où résident une forte proportion de personnes racisées à faible revenu.
Les politiques encadrant la collecte et la publication des données varient d’une province à l’autre. Le Québec collabore avec les autorités de santé publique de Montréal pour étudier les données sur les risques de contracter la COVID-19 en fonction de la race. En juin, l’Ontario a commencé à demander aux personnes dont le test de dépistage s’est avéré positif de fournir des informations sur leur race, leur revenu, la taille de leur famille et leur langue, mais aucune donnée n’a encore été rendue publique. Le gouvernement de la Colombie-Britannique travaille aussi à recueillir de meilleures données sanitaires fondées sur la race et à développer un plan pour l’automne, en collaboration avec la commissaire aux droits de la personne et le commissaire à l’information et à la protection de la vie privée. Des campagnes sont en cours dans d’autres provinces pour convaincre les autorités des avantages pour la santé publique de recueillir et d’analyser ces données pour les patients atteints de la COVID-19.
Nous disposons déjà d’informations pouvant aider à orienter la réponse des autorités publiques. Par exemple, l’exposition à la COVID-19 dépend en partie du type d’emploi des individus et des membres de leur famille. Plusieurs éclosions très médiatisées étaient liées à des lieux de travail à risque, comme des usines de transformation des aliments et des établissements de soins de longue durée, où les travailleurs ne disposaient pas d’équipements de protection adéquats.
En raison de la discrimination à l’embauche affectant le marché du travail en général, les travailleurs racisés sont représentés de façon disproportionnée dans certains de ces emplois à haut risque. Par exemple, Statistique Canada a constaté que les personnes noires et philippines sont employées de façon disproportionnée dans le domaine de la santé et qu’elles gagnent en moyenne beaucoup moins que leurs collègues blancs.
Grâce au recensement, nous savons que les travailleurs blancs sont représentés de manière disproportionnée dans les emplois professionnels et de gestion. Comme ces travailleurs ont rapidement été en mesure de travailler de la maison, leur taux d’infection est beaucoup plus bas.
Mettre en lumière les effets de la discrimination
L’Institut canadien d’information sur la santé est un organisme indépendant sans but lucratif qui recueille des données sur la santé partout au pays. L’organisme a récemment proposé des normes pour la cueillette de données sur la santé fondées sur la race et l’identité autochtone, qui pourraient servir à identifier et à résoudre les inégalités dont nous connaissons déjà l’existence dans nos communautés. Le gouvernement fédéral devrait travailler avec les provinces pour appliquer ces normes. Cela nous aidera à mettre en lumière les effets de la discrimination et la nécessité d’agir.