Ces derniers temps, plusieurs politiciens provinciaux parlent constamment d’équilibre budgétaire. Ils répètent qu’il faut « rationaliser » les services et garantir la « viabilité » des finances publiques. Cependant, dans le portrait qu’ils dressent publiquement, ils omettent d’évaluer les coûts et les avantages des compressions dans les services publics en tenant compte du coût de la hausse des emprunts ou de la possibilité de générer des revenus supplémentaires en haussant les impôts. De plus, ils passent carrément sous silence une autre réalité : les baisses d’impôts rendent « l’équilibre » encore plus difficile à atteindre.
L’équilibre budgétaire n’est qu’une facette de l’équilibre d’une société. On doit se demander qui écope lorsqu’un gouvernement équilibre son budget en refilant la facture aux gens qui dépendent des services publics, aux travailleurs des services publics et à l’ensemble de la population.
On tient souvent pour acquis qu’un budget équilibré est un budget responsable. C’est faux. Il peut sembler logique que les dépenses d’un gouvernement ne dépassent pas ses revenus, mais il s’agit en fait d’une vision étroite et à court terme. Par exemple, il est tout à fait justifié pour un gouvernement d’enregistrer un déficit pour investir dans des garderies publiques qui rendront la vie plus abordable pour les familles et qui s’autofinanceront grâce à l’arrivée de davantage de femmes sur le marché du travail.
Prendre des décisions à court terme pour équilibrer un budget peut entraîner une hausse des coûts à long terme et nuire à la prospérité économique. Le sous-financement des infrastructures publiques de transport en commun constitue un bon exemple. Il engendre une hausse des coûts d’entretien à long terme et engorge le système routier, ce qui nuit à la productivité des gens qui mettent plus de temps à se rendre au travail.
Dans d’autres cas, l’impact est plus immédiat. Des compressions dans un domaine peuvent faire augmenter les dépenses dans d’autres secteurs gouvernementaux. Parfois, les gens doivent financer de leur propre poche les coûts additionnels. Les compressions en santé et en médecine préventive représentent un bon exemple, car elles entraînent une hausse des hospitalisations. Les réductions de personnel et les compressions budgétaires dans les hôpitaux, les soins de longue durée et les services de garde engendrent des coûts directs pour les familles qui doivent prendre le relais.
Les compressions dans le secteur public nuisent à l’ensemble de la société. La qualité et la disponibilité des services diminuent et les gens doivent dépenser davantage pour les services dont ils ont besoin. Les travailleurs licenciés ont moins d’argent à dépenser, tandis que l’imposition de gels salariaux par les provinces fait en sorte que les salaires des employés des services publics stagnent. Conséquemment, moins d’argent circule dans l’économie locale et il est plus difficile pour les entreprises de réinvestir dans la communauté. Les données de Statistique Canada illustrent comment les dépenses gouvernementales dans certains secteurs précis profitent à l’ensemble de l’économie. En se fondant sur ces données, le SCFP Ontario a calculé que les compressions contenues dans le budget 2019 du gouvernement Ford menacent plus de 50 000 emplois dans la province.
Un véritable « équilibre » budgétaire doit aller au-delà des résultats fiscaux à court terme. Un gouvernement doit tenir compte d’une multitude de facteurs pour s’assurer que ses budgets sont véritablement équilibrés. Le coût des emprunts publics n’a jamais été aussi bas qu’à l’heure actuelle. Il a aussi été clairement démontré que les dépenses publiques dans plusieurs secteurs engendrent des avantages sociaux, environnementaux et économiques qui surpassent grandement le coût des emprunts.
Le résultat net? Sabrer les services publics est aussi irresponsable sur le plan fiscal que sur le plan social.