Voici une lettre ouverte rédigée par une travailleuse de la protection de l’enfance en Ontario. Celle-ci y fait état de ses inquiétudes devant le recours à des remplaçants pendant le lock-out à la Société d’aide à l’enfance (SAE) de Nipissing et Parry Sound.

Je travaille dans la protection de l’enfance dans la région de Durham, en Ontario. J’ai accompagné dans leur piquetage les employés en lock-out de la SAE de Nipissing et Parry Sound, parce que je fais le même travail qu’eux, que j’appartiens au même syndicat et que je soutiens leur cause. En outre, je comprends l’enjeu de cette lutte pour les familles dont ces travailleurs s’occupent.

C’est pourquoi je m’inquiète autant du recours à des remplaçants pendant ce lock-out.

La SAE de Nipissing et Parry Sound remplace des employés de première ligne compétents, dévoués et dûment autorisés par des travailleurs temporaires. En plus de nuire aux employés en lock-out et de risquer de prolonger le conflit de travail, cette mesure présente un danger pour les enfants et les jeunes vulnérables confiés aux bons soins de la société d’aide à l’enfance de la région.

En ce moment, ces remplaçants effectuent le type de visite dont mes collègues de la SAE se chargeraient normalement. Dans certains cas, ils effectuent des « contrôles » sur des enfants tout en se trouvant à des centaines de kilomètres, à Ottawa ou à Sudbury par exemple.

Les travailleurs de la protection de l’enfance travaillent fort pour bâtir des liens de confiance avec les enfants, les adolescents et leurs parents. Nous possédons un éclairage unique sur leur quotidien, leurs conditions de vie, et cette compréhension, nous nous démenons pour la gagner.

Nous rendons visite régulièrement aux enfants et aux ados qui nous sont confiés et nous documentons rigoureusement ces visites. Cela dit, nos notes ne sauraient tout dire sur le vécu de ces personnes.

Nous savons à quoi ressemble l’état normal de tel ou tel foyer. Nous savons ce qui constitue le bien-être de tel ou tel enfant ; nous sommes à l’affût de changements à sa santé, son poids ou son tempérament. Nous remarquons les détails : la présence d’un verrou sur la porte d’une chambre à notre dernière visite, par exemple. En outre, nous devons respecter les normes très strictes du ministère.

Comment un remplaçant pourrait-il connaître ce qui constitue l’état normal de « nos » familles, de nos jeunes, aussi bien que les « vrais » travailleurs de la protection de l’enfance ? Il ne peut pas deviner qu’un enfant semble plus émacié ou fatigué que d’habitude. Il ne peut pas détecter les changements dans le milieu familial.

Du point de vue d’une travailleuse de première ligne, ce bris de continuité dans les soins et les services représente un danger pour les enfants et leurs parents. Ce n’est qu’une des raisons pour lesquelles on ne devrait absolument pas recourir à des remplaçants. Et ce n’est qu’une des raisons qui devraient convaincre la SAE de Nipissing et Parry Sound à lever le lock-out. Le seul moyen d’assurer la poursuite des services dans le respect du mandat ministériel consiste à négocier une convention collective équitable.

Cordialement,

Heather Murray
Membre du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) et travailleuse de la protection de l’enfance à la Société d’aide à l’enfance de Durham