Le gouvernement fédéral vient d’annoncer la reconduction des accords bilatéraux sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants avec 11 des 13 provinces et territoires.
En 2021, le gouvernement du Canada avait pris un engagement sans précédent en annonçant la mise sur pied d’un système national de services éducatifs à la petite enfance de qualité. Des ententes avaient ensuite été signées avec l’ensemble des provinces et des territoires en mars 2022.
La Colombie-Britannique, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l’Ontario, l’Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador, le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut ont tous accepté la reconduction de leur accord pour des places à 10 $ par jour, au plus tôt jusqu’à 2031. L’entente de financement entre le Québec et le gouvernement fédéral a également été reconduite.
Malheureusement, la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, et le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, refusent toujours de reconduire leur entente, mettant en péril l’accès à des services éducatifs à la petite enfance abordables pour les familles et soulevant des inquiétudes auprès du personnel de la petite enfance de ces deux provinces. Le SCFP continue de collaborer avec des militant(e)s du secteur et des communautés pour maintenir la pression sur Danielle Smith et Scott Moe en vue de la signature d’une entente.
Un peu de stabilité dans des moments d’incertitude politique et économique
La guerre commerciale entre l’administration Trump et le Canada fait craindre le pire aux communautés d’un bout à l’autre du pays en faisant planer le spectre d’une récession et d’une reprise de l’inflation. À l’approche des élections fédérales, Pierre Poilievre et le Parti conservateur du Canada refusent de s’engager à maintenir le programme national de places à 10 $ par jour, qui expirait à l’origine en 2026. La reconduction des accords a donc de quoi soulager, en apportant au moins un peu de stabilité au personnel de la petite enfance, aux établissements et aux familles.
Seulement quatre ans se sont écoulés depuis l’instauration des services éducatifs à la petite enfance à 10 $ par jour, mais les retombées économiques sont déjà évidentes. Partout au pays, les familles ont profité de la réduction des frais et du financement versé aux programmes éducatifs. Dans la plupart des provinces et des territoires, les places à 10 $ par jour sont maintenant une réalité. Dans quelques autres provinces, les frais exigés aux parents ont été coupés de moitié ou plus, et atteindront graduellement 10 $ par jour d’ici mars 2026. Ces mesures ont allégé le fardeau financier des familles aux prises avec la hausse du coût de la vie. Alors que les prix à la consommation ont augmenté pratiquement partout ailleurs, le prix des services éducatifs à la petite enfance ont baissé. Cette réduction a contribué à limiter l’inflation générale.
Plus de femmes ont aussi réussi à retourner sur le marché du travail : 110 000 travailleuses de 25 à 54 ans ont ainsi rejoint la population active depuis 2019, et la proportion de femmes occupant un emploi à temps plein a augmenté de 2 points de pourcentage pendant cette même période.
En outre, les conditions de travail du personnel des services éducatifs à la petite enfance ont pris du mieux dans plusieurs provinces.
On estime qu’en 2024 seulement, les places à 10 $ par jour ont contribué à hauteur de 32 milliards de dollars au PIB canadien.
L’heure de la consolidation et de l’expansion a sonné
La reconduction des accords de financement permet de passer à l’étape suivante : la négociation de nouveaux plans d’action pour consolider et élargir le programme de services éducatifs à la petite enfance à 10 $ par jour au cours des cinq prochaines années.
S’il veut faire grandir son programme, le gouvernement fédéral doit se relever les manches et résoudre le problème persistant du manque d’effectifs. La valeur des travailleuses et travailleurs de la petite enfance est sous-estimée. Les salaires sont bas, les avantages sociaux et les régimes de retraite sont limités (voire nuls), les conditions de travail sont trop souvent déplorables, et bien entendu, le recrutement et la rétention du personnel en souffrent.
L’Alberta et l’Ontario n’ont toujours pas établi de grille salariale qui rehausserait la valeur de l’ensemble des travailleuses et travailleurs du secteur. Ce n’est que quelques provinces qui ont mis en place des régimes de retraite et une assurance maladie et soins dentaires complémentaire dans le secteur. À ce jour, seule la Nouvelle-Écosse s’est servie du financement fédéral pour établir un régime de retraite à prestations déterminées assorti d’une assurance maladie et soins dentaires complémentaire pour l’ensemble du personnel en éducation à la petite enfance.
Le SCFP a demandé au gouvernement fédéral de financer sans tarder une stratégie nationale pour la main-d’œuvre en éducation à la petite enfance. Bien que cette stratégie ait été promise, elle n’a pas encore été publiée.
À mesure que de nouvelles familles accèdent aux services éducatifs à la petite enfance pour 10 $ par jour, la demande pour de nouvelles places augmente. Un effort concerté est donc requis pour augmenter le nombre de places dans les établissements publics et sans but non lucratif, et ainsi éliminer les listes d’attente. Le gouvernement fédéral doit offrir davantage d’incitatifs aux provinces et territoires à utiliser les bâtiments publics disponibles, tels que les édifices municipaux, les écoles et les hôpitaux, en vue de créer de nouvelles places à 10 $ par jour.
Le gouvernement fédéral doit cesser de tolérer le fait que le financement fédéral versé aux provinces soit redirigé vers les garderies privées à but lucratif, comme on le voit actuellement à l’Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick, en Ontario et en Alberta. Toute augmentation des services privés vient à l’encontre des objectifs de la stratégie de places à 10 $ par jour. Les garderies à but lucratif se sont servies de l’argent reçu pour se développer de manière à maximiser leurs profits, et non pour aider les communautés qui en avaient le plus besoin, négligeant au passage les salaires et les conditions de travail de leur main-d’œuvre. En Ontario, des garderies privées ont même fait campagne contre les services de garde à 10 $ par jour. Le gouvernement fédéral doit s’assurer que les fonds publics servent bel et bien à élargir l’accès à des services éducatifs à la petite enfance abordables et de qualité dans des établissements publics et sans but lucratif, et non à enrichir des exploitants de garderies privées.