Lors des deux premiers mois de la pandémie, le gouvernement fédéral a annoncé des dépenses de soutien d’urgence de près de 150 milliards $. À titre d’exemple, les dépenses totales des programmes fédéraux prévues étaient de 330 milliards $ dans le budget de 2019. Il n’y a aucun doute qu’il s’agit d’une très forte augmentation. Il est clair également que nous pouvons nous permettre d’augmenter les dépenses fédérales.

Alors que le gouvernement conservateur de Stephen Harper assimilait la responsabilité financière à l’équilibre budgétaire, le gouvernement libéral de Justin Trudeau utilise le rapport dette-PIB comme cible d’équilibre budgétaire. Le rapport dette-PIB consiste à comparer la dette à long terme du pays au produit intérieur brut, soit la valeur des biens et services produits dans une année donnée. Cette mesure permet de mieux refléter le fait que les budgets gouvernementaux diffèrent des budgets des familles et doivent donc être abordés différemment.

Contrairement aux familles, les gouvernements planifient à long terme, et jouent un rôle important en stabilisant l’économie pendant les périodes de ralentissement et en fournissant des services et des infrastructures essentiels. L’utilisation du rapport dette-PIB permet de tenir compte des avantages économiques des dépenses du gouvernement au fil du temps. Si le gouvernement emprunte maintenant pour investir dans quelque chose qui permet une croissance économique plus forte à l’avenir, notre dette va augmenter, mais ce sera aussi le cas de notre PIB prévisionnel, ce qui démontre que cette décision est financièrement viable à long terme.

Le directeur parlementaire du budget estime que le déficit (la différence entre les revenus et les dépenses pour un exercice budgétaire donné) s’élèvera à 252 milliards $ en 2020-2021, puisque le gouvernement fédéral dépense plus et reçoit moins de revenus. Le directeur parlementaire du budget estime aussi que l’économie canadienne pourrait se contracter de 12 % en 2020, pour un rapport dette-PIB de 48,4 %. C’est une forte augmentation par rapport au taux de 30 % d’avant la pandémie, mais c’est encore très loin du taux avoisinant 70 % du milieu des années 1990.

Malgré ces chiffres impressionnants, il n’y a aucune de raison de paniquer. La plupart des nouvelles dépenses sont des mesures temporaires aidant les gens et les communautés à tenir le coup pendant cette crise, et qui permettront de relancer l’économie plus rapidement une fois la pandémie terminée. Nous ne savons pas combien de temps il faudra pour que le PIB revienne à la normale, mais nous savons que notre économie sera plus saine en raison des mesures de dépenses prises.

De plus, les coûts globaux du service de la dette seront inférieurs au cours du présent exercice qu’ils l’ont été dans le passé parce que les taux d’intérêt sont bas. La principale méthode d’emprunt des gouvernements est d’émettre des obligations. Le taux des obligations de 30 ans du gouvernement fédéral est de 2 %, et celui des obligations de 10 ans est inférieur de 1 %. La Banque du Canada appuie les gouvernements fédéral et provinciaux en achetant des obligations directement, dans les marchés secondaires, offrant ainsi aux gouvernements un prêteur volontaire. C’est une autre raison pour laquelle la situation de 2020 est différente de celle de 1995, lorsque le gouvernement fédéral libéral a imposé d’importantes réductions dans les transferts aux provinces pour la santé et les programmes sociaux. Dans les années 1990, le gouvernement fédéral avait de la difficulté à trouver des personnes prêtes à acheter des obligations du gouvernement, même si les taux de rendement étaient relativement plus élevés.

Avant la pandémie, le directeur parlementaire du budget estimait que le gouvernement fédéral avait une marge de manœuvre financière pour augmenter les dépenses de 40 milliards $ chaque année, tout en gardant le rapport dette-PIB stable. Dans son budget fédéral 2020, le Centre canadien de politiques alternatives estime qu’en mettant fin à des décennies de pertes de revenus et en augmentant l’équité fiscale, Ottawa pourrait récolter 50 milliards $ de plus. C’est logique quand on pense à l’ampleur des réductions d’impôt offertes au cours des 20 dernières années. Ensemble, Jean Chrétien et Stephen Harper ont réduit l’impôt des entreprises de moitié, en faisant passer le taux d’imposition de 29 % à 15 %. Au milieu des années 2000, Stephen Harper a privé le gouvernement de l’équivalent de 17 milliards $ des recettes (en $ de 2020) en faisant passer la TPS de 7 à 5 %. Pour sa part, la seconde réduction d’impôt de la classe moyenne de Justin Trudeau qui profite principalement aux familles riches, coûtera 6 milliards $ par année lorsqu’elle sera entièrement appliquée.

Si nous empruntons à des taux historiquement bas, que nous augmentons les revenus afin d’assurer l’équité fiscale, ou une combinaison des deux, nous pouvons très bien nous permettre d’augmenter les dépenses fédérales. En fait, si nous faisons des investissements publics dans des secteurs comme la santé, les services de garde, dans les communautés et dans l’efficacité énergétique des immeubles, nous constaterons un impact plus fort sur la croissance économique parallèlement à une réduction des inégalités et à une amélioration de la qualité de vie.

Les mesures d’aide fédérales pour atténuer les impacts de la pandémie

Le gouvernement fédéral a déjà annoncé de nombreux programmes d’urgence pour aider les gens et les entreprises à joindre les deux bouts durant la pandémie. Les coûts des différentes mesures ci-bas sont des estimations, puisque les interventions gouvernementales aux chapitres de la santé publique et de l’économie continuent d’évoluer.

  • Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC): elle vise à verser aux employeurs admissibles 75 % des salaires des employés, jusqu’à concurrence de 847 $ par semaine. 75 milliards $ ont été budgétés pour ce programme, mais les premiers rapports indiquent que le taux de participation est plus faible que prévu.
  • Prestation canadienne d’urgence (PCU) : cette prestation imposable de 500 $ par semaine est versée directement aux travailleurs admissibles pendant une période maximale de 16 semaines. Le directeur parlementaire du budget prévoit que ce programme coûtera 35 milliards de dollars.
  • Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants (PCUE) : cette prestation imposable est de 1250 à 2000 $ par période de quatre semaines. Le coût du programme est de 9 milliards $, selon les prévisions.
  • Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC) : il fournit des prêts sans intérêt allant jusqu’à 40 000 $ aux petites entreprises et aux organismes sans but lucratif, avec une dispense de remboursement équivalent à 25 % du prêt si celui-ci est remboursé à temps. Le coût devrait s’élever à 9 milliards $.
  • Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC) : ce programme offre aux propriétaires qui louent des locaux aux petites entreprises admissibles un prêt à remboursement conditionnel. Le directeur parlementaire du budget prévoit que ce programme coûtera 500 millions de dollars.
  • Allocation canadienne pour enfants et le crédit pour la TPS : un supplément unique est versé aux bénéficiaires du crédit pour la TPS et de l’Allocation canadienne pour enfants. Le coût est estimé à environ 7,5 milliards de dollars.
  • Aides ciblées pour les secteurs de l’agriculture, les compagnies aériennes, le tourisme, l’énergie et les organismes sans but lucratif et de bienfaisance. Le coût de ces programmes est incertain.
  • Aides offertes aux banques et aux autres prêteurs par l’intermédiaire du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) et la Banque du Canada : ces institutions ont augmenté leur capacité de prêts de plus de 750 milliards $.