Le budget fédéral 2016 introduit, enfin, un changement de paradigme dans la manière dont on traite les chômeurs. En éliminant les critères d’admissibilité les plus injustes et en prolongeant la durée des prestations dans certaines régions, le gouvernement semble reconnaître (timidement) que le chômage tient aux conditions du marché du travail et non pas à l’engagement à la compétence de chacun. Voilà qui change de l’attitude « c’est la faute à la victime » qu’adoptait le gouvernement Harper, une attitude mal avisée d’un point de vue économique.
Malheureusement, plusieurs des mesures punitives instaurées par Stephen Harper demeurent en place, dont : les catégories de prestataires ; un régime de remplacement du revenu qui favorise les personnes occupant un emploi plus payant et plus stable ; et la désignation de régions admissibles aux prestations prolongées fondée sur des motifs politiques.
Résultat : les modifications remplissent en partie seulement l’engagement qu’ont pris les Libéraux, en campagne électorale, de faire en sorte que le régime d’assurance-emploi apporte « une vraie sécurité du revenu aux travailleurs, tout particulièrement aux travailleurs précaires ». Il y a encore loin de la coupe aux lèvres.
Depuis sa création, l’assurance-emploi s’est fondée sur un modèle de travail à plein temps et à horaires réguliers, chose qui ne correspond plus à la réalité de bon nombre de travailleurs canadiens, y compris des membres du SCFP.
Le SCFP a toujours protesté contre l’inaccessibilité de l’assurance-emploi pour ses membres qui vivent dans des régions à fort taux d’emplois saisonniers (dans les provinces atlantiques, par exemple) ou qui travaillent dans les écoles et les municipalités. Or, l’enquête de 2015 auprès des membres du SCFP révèle que la précarité s’étend à l’ensemble du secteur public. Voici quelques chiffres :
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14 pour cent des membres du SCFP occupent un poste permanent à temps partiel offrant moins de 30 heures/semaine.
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4 pour cent occupent un poste permanent à plein temps à horaire variable pouvant descendre sous les 30 heures/semaine.
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7 pour cent occupent un poste occasionnel, sur appel ou journalier.
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5 pour cent ont un contrat de travail à court terme d’une durée inférieure à un an.
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2 pour cent ont un contrat à durée déterminée d’un an ou plus.
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2 pour cent font un travail saisonnier.
La précarité cache aussi des écarts importants au niveau de l’équité. En effet, nos membres qui font moins d’heures ou qui occupent un poste à forfait, occasionnel, sur appel ou journalier sont plus susceptibles d’être des femmes, des jeunes, des personnes à faible revenu, des personnes ayant un handicap physique ou mental qui limite leur capacité à travailler ou des personnes travaillant dans un domaine à prédominance féminine, comme le transport aérien, la santé, les services sociaux, les soins de longue durée, l’éducation postsecondaire ou le secteur bibliothécaire.
Pour ces raisons et en guise d’appui à l’ensemble des chômeurs canadiens, le SCFP est heureux de constater des changements qui laissent entrevoir que le gouvernement semble reconnaître (timidement) que le chômage s’explique par les conditions du marché du travail plutôt que par les qualités personnelles de chacun. Soulignons les changements positifs suivants :
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Le délai de carence passe de deux semaines à une semaine. On prétendait que le délai de deux semaines décourageait les réclamations « frivoles ». Le taux de chômage national restant collé à la barre des 7,2 pour cent (ce qui représente 1,4 million de Canadiens) et les demandeurs de prestations ayant de plus en plus de difficulté à obtenir des prestations et à faire appel, rien ne justifie qu’on maintienne un délai de carence… même d’une semaine.
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Le nombre d’heures cumulées donnant droit à des prestations passe de 920 heures à entre 420 et 700 heures. Ce changement nous éloigne de l’obsession du gouvernement Harper pour les abus du système, mais il n’atteint pas la cible des 360 heures que recommandaient le SCFP et ses alliés en guise de réponse au problème du travail précaire et saisonnier.
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En maintenant ces catégories, le gouvernement actuel semble incapable, un peu comme son prédécesseur, de saisir les obstacles systémiques auxquels sont confrontés les jeunes et les employés saisonniers.
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La durée des prestations est prolongée à 50 semaines dans les régions à taux de chômage élevé, plus 20 semaines additionnelles pour les travailleurs « de longue date ». Le SCFP appuie le prolongement des prestations, mais il s’oppose aux politiques qui laissent entendre que certains travailleurs méritent d’être mieux couverts que d’autres. Il est indiscutable que le taux de chômage est plus élevé parmi les employés saisonniers et les jeunes. Il ne devrait pas y avoir d’écarts dans la durée des prestations, ni maintenant ni à l’avenir.
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Le projet pilote Travail pendant une période de prestations est prolongé ; la durée maximale des accords de travail partagé l’est aussi. Voilà deux autres approches du chômage qui ne se fondent pas sur l’individu. Cela dit, le programme de travail partagé a toujours été sous-utilisé ; le gouvernement devrait en faire la promotion plus activement.
Ces améliorations mettent l’accent sur les problèmes systémiques du marché du travail, tout en allégeant la responsabilité personnelle des prestataires de l’assurance-emploi, mais elles laissent plusieurs points en suspens.
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Les travailleurs dans les marchés du travail saisonniers demeurent désavantagés. Soulignons particulièrement que l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, qui étaient admissibles à des prestations prolongées auparavant, ont été complètement exclus des semaines additionnelles, malgré leur taux de chômage élevé et persistant. De même, le projet-pilote Travail pendant une période de prestations profite, somme toute, à un petit groupe de travailleurs qui touchent un revenu s’approchant du plein temps ; il fait bien peu pour alléger les difficultés des travailleurs saisonniers qui trouvent à peine quelques heures de travail par semaine en saison morte. Enfin, l’élargissement de l’accès au Programme de travailleurs étrangers temporaires pour les employeurs représente l’incapacité constante du fédéral à répondre intelligemment aux besoins des travailleurs saisonniers canadiens et au problème de la disparité économique entre les régions.
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En campagne électorale, les Libéraux avaient promis d’ajouter de la flexibilité et de bonifier les congés parentaux et les congés de compassion ; ils n’ont rien fait en ce sens dans le budget 2016. Le soin des enfants et des personnes âgées incombe encore en très grande partie aux femmes, qui représentent la majorité de l’effectif du SCFP. Il faut adopter rapidement des mesures de soutien aux parents et aux personnes qui assument de telles responsabilités.
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Pour plusieurs personnes, réclamer des prestations d’assurance-emploi et contester leur arrêt ou leur refus demeure des procédures astreignantes. Le gouvernement s’est bien engagé à accroître les services de première ligne et à réduire le délai de traitement des dossiers, mais il ne reconnaît toujours pas que les services personnels et les services-conseils de première ligne s’effritent depuis des décennies, ce qui laisse les chômeurs naviguer par eux-mêmes un système fondé sur un modèle « libre-service » de centres d’appels et d’applications Internet. Cette situation est particulièrement problématique pour les personnes qui ne parlent ni l’anglais ni le français, celles qui n’ont pas accès à Internet ou qui n’y sont pas à l’aise et enfin les jeunes qui savent peu de choses sur notre régime d’assurance-emploi. Le Tribunal de la sécurité sociale est un système d’appel profondément vicié qu’a créé le gouvernement Harper pour remplacer les jurys à trois membres qui étaient plus justes, plus régionaux et dans lesquels le milieu syndical était représenté. L’effritement des services conjugué aux difficultés du système d’appel engendre, pour les demandeurs, des complications qu’il faut éliminer.
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Le financement accru accordé aux provinces par l’entremise des ententes sur le développement du marché du travail pose problème pour deux raisons. Premièrement, le SCFP et ses alliés demeurent convaincus que la caisse d’assurance-emploi doit servir uniquement à verser directement des prestations ; l’argent consacré à la formation devrait provenir des recettes générales. Deuxièmement, en maintenant l’accent sur la formation, on renforce la vieille idée voulant que les prestataires de l’assurance-emploi et les autres chercheurs d’emploi puissent se trouver un emploi s’ils se perfectionnent. Le SCFP est d’accord avec la formation intelligente, particulièrement pour les personnes qui ont besoin d’être alphabétisées avant de pouvoir poursuivre des études plus poussées. Néanmoins, on ne soulignera jamais trop qu’il n’existe pas assez d’emplois pour les personnes qui veulent travailler. Qui plus est, les Canadiens (surtout les jeunes) sont plus éduqués que jamais. Pourtant, cet ancien mythe du « déficit de compétences » et de « l’économie du savoir » perdure et sous-tend une grande partie de la politique du gouvernement en matière de marché du travail. L’engagement à soutenir les syndicats qui fournissent des programmes d’apprentissage semble prometteur, mais une trop grande proportion de la « formation » offerte aux chômeurs porte encore sur des compétences non techniques au lieu de les préparer directement à de bons emplois stables.
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Depuis quatre décennies, les gouvernements libéraux et conservateurs qui se sont succédé au pouvoir ont effrité l’accès à l’assurance-emploi en prétendant, sans preuve à l’appui, que la population abuse du système et agit de manière irresponsable. Il n’avait jamais été question que la caisse d’assurance-emploi serve à financer des programmes de formation de la main-d’œuvre qui relèvent de la responsabilité des provinces ni que les surplus de la caisse puissent servir d’outil politique pour équilibrer le budget.
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Pour être utile aux travailleurs, la politique d’assurance-emploi doit reconnaître le chômage structurel permanent, l’existence de régions à économie saisonnière et la précarité croissante qui sévit à travers le pays. Le régime d’assurance-emploi est entièrement financé par les employeurs et les travailleurs, deux groupes qui devraient jouer un rôle plus important dans l’élaboration d’une politique publique réfléchie et l’évaluation de ses résultats.
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Le déficit de 9,2 milliards de dollars de la caisse d’assurance-emploi est maintenant comblé en entier. La caisse devrait afficher un surplus substantiel à la fin de 2016. Par conséquent, on devrait pouvoir s’attendre à une hausse des prestations, à un soutien accru pour les régions connaissant un taux de chômage saisonnier élevé, ainsi qu’à de la formation intelligente, particulièrement pour les personnes les plus susceptibles de se faire exclure du marché du travail.