Le budget 2017 contient un engagement pour l’éducation préscolaire et les services de garde qui totalise une injection de 7 milliards de dollars sur dix ans. Une partie de cet argent sera consacré aux enfants autochtones qui vivent dans les réserves et hors réserves. Que le gouvernement prévoit le financement des services de garde sur plusieurs années est une bonne chose, cependant, il faudra attendre 2022-2023 pour près de 70 pour cent de cette somme.

De plus, le gouvernement offrira la possibilité d’étendre les prestations de congé parental sur 18 mois sans les augmenter. Prises ensemble, ces deux mesures illustrent à quel point le gouvernement est déconnecté des besoins des parents travailleurs.

La somme de 500 millions de dollars annoncée dans le budget 2016 pour les services de garde en 2017-2018 n’augmentera que de 10 pour cent d’ici 2021-2022 pour atteindre 550 millions. Il faudra attendre 2022-2023 pour avoir des augmentations plus significatives, soit bien après les prochaines élections fédérales.

Engagements financiers sur 10 ans dans le budget 2017 (en millions de dollars)

Budget 2017: Education prescolaire et services de garde

Au terme de cette période de dix ans, le financement de l’État sera encore inférieur au niveau minimum reconnu par la communauté internationale, soit un pour cent du PIB.[i] Les militants des services de garde réclamaient une contribution initiale de 600 millions de dollars qui aurait augmenté d’un milliard par année sur cinq ans, ce qui est nettement plus que ce que l’on retrouve dans le budget 2017.

Une portion importante de ce financement devrait être remise aux gouvernements autochtones pour leur permettre de concevoir, développer et fournir une éducation préscolaire pertinente au contexte linguistique et culturel. Cette démarche devrait se faire de nation à nation, dans le respect des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

La nécessité des services de garde

Si trouver une place en services de garde revient à gagner à la loterie; en avoir les moyens est une tout autre histoire. En 2012, le nombre de places en services de garde à temps plein et à temps partiel au pays couvrait seulement 22,5 pour cent des enfants de 0 à 5 ans.[ii] On trouve de longues listes d’attente dans plusieurs communautés. À Ottawa, en février 2016, 8 830 enfants attendaient une place dans une garderie accréditée. Souvent, la liste d’attente est encore plus longue dans les garderies subventionnées.

Qu’en est-il de l’abordabilité ? Le tarif médian pour un nourrisson varie de 164 $ par mois à Montréal (où il existe un programme de services de garde) à 1 321 $ à Vancouver et 1 649 $ à Toronto.[iii] Selon une étude réalisée pour la Ville de Toronto, 75 pour cent des familles torontoises n’ont pas les moyens de payer une place en garderie accréditée. Et ces frais ne diminuent pas : entre 2014 et 2016, dans les grandes villes canadiennes, le tarif pour un bambin a augmenté de 8 pour cent, alors que le taux d’inflation était de 2,5 pour cent.[iv]

Sur la scène mondiale, le Canada traîne de la patte en matière d’éducation et de services de garde préscolaires. Dans un rapport de 2008 de l’UNICEF, le Canada obtenait la note de passage dans seulement un des dix tests d’évaluation, finissant dernier de classe avec l’Irlande.[v]

Un cadre

Le gouvernement fédéral est en pourparlers avec les gouvernements provinciaux et territoriaux sur un cadre pour l’éducation préscolaire et les services de garde. On s’attend à ce que ce cadre soit dévoilé sous peu et qu’il se fonde sur des principes partagés comme la qualité, l’inclusion, l’abordabilité, l’adaptabilité et l’accessibilité. Ce cadre devra être revu et modifié régulièrement au fil de la mise en place du système.

À cette étape succéderont la signature d’ententes bilatérales entre le fédéral et les provinces et territoires. Le fédéral et les peuples autochtones sont à négocier un cadre distinct.

Ce cadre devra reconnaître que chaque enfant a le droit à une éducation et à des services de garde préscolaires. Qui plus est, il devra faire en sorte que le financement de l’État va uniquement aux services de garde publics sans but lucratif. Les recherches sont irréfutables : les garderies sans but lucratif sont toujours mieux cotées que celles à but lucratif au chapitre de la qualité.[vi] Les expériences australiennes et britanniques en matière de services de garde privés démontrent que là où le privé domine le marché, les tarifs montent en flèche et l’État doit verser de lourdes sommes pour soutenir les profits des actionnaires.[vii]

Le budget mentionne que le financement améliorera la formation spécialisée des travailleurs en garderie. C’est un pas dans la bonne direction, mais il faudrait faire beaucoup plus pour corriger la faible rémunération et les piètres conditions de travail d’une main-d’œuvre à prédominance féminine. L’État fédéral devrait donner l’exemple dans les questions de main-d’œuvre en adoptant une stratégie nationale pour la main-d’œuvre des services de garde qui s’appuierait sur les données et les recherches.

Le bon sens économique

La création d’un réseau de garderies de qualité pour tous, ça tient du bon sens économique. Tellement que le Conseil consultatif en matière de croissance économique du ministre des Finances Bill Morneau a proposé cette option comme moyen de dynamiser la croissance économique. Cet organe estime qu’en haussant la participation des femmes au marché du travail au niveau québécois, on pourrait ajouter 13 milliards de dollars au PIB, soit 0,7 pour cent au PIB par habitant.[viii]

Une recherche antérieure sur le réseau de garderies du Québec évalue que l’accès à des services de garde à frais modiques a permis à près de 70 000 mères d’entrer sur le marché du travail, une hausse de 3 pour cent qui a ajouté 5 milliards de dollars, soit 1,7 pour cent, au PIB du Québec.

Les crédits

La création d’un réseau de garderies nécessite un investissement considérable. Prenons l’exemple du Québec : l’État québécois a consacré 2,4 milliards de dollars à son réseau en 2011-2012. Comparons cela aussi aux engagements des autres partis et des gouvernements précédents. Dans son programme électoral de 2015, le NPD promettait d’ajouter 1,9 milliard de dollars au budget garderies d’ici 2018-2019 ; le budget 2017 en ajoute seulement 540 millions. Sous le NPD, le budget garderies aurait atteint 5 milliards de dollars par année au bout de huit ans. Jadis, le gouvernement libéral de Paul Martin avait même promis 5 milliards de dollars sur cinq ans pour l’éducation préscolaire et les services de garde.

Les crédits du budget 2017 vont permettre de créer quelques places en garderie et, souhaitons-le, d’encourager un retour des tarifs à un niveau abordable. Cela dit, pour assurer à tous des services de garde abordables et de qualité, il faudrait en faire beaucoup plus.

Les prestations parentales

La prestation de services d’éducation et de garde préscolaires de qualité doit s’inscrire dans des améliorations plus larges à la politique familiale, comme une bonification du congé parental et du soutien au revenu des parents. Avec le budget 2017, les parents auront la possibilité d’étendre leurs prestations parentales sur 18 mois à un niveau de prestations d’assurance-emploi inférieur, soit 33 pour cent. Cette option sera utile uniquement aux familles dont un des travailleurs touche un revenu élevé. La plupart des familles ont déjà de la difficulté à se débrouiller avec un taux de remplacement du salaire de 55 pour cent.

Le SCFP et plusieurs autres syndicats avaient présenté les demandes suivantes au fédéral :

·        étendre l’accès au congé de maternité et au congé parental en abaissant le seuil d’admissibilité ;

·        hausser à 70 pour cent le taux de remplacement du salaire ;

·        pour les prestations spéciales, fixer un plancher qui ne soit pas inférieur au salaire minimum à plein temps ;

·        ajouter 12 semaines non transférables au congé du deuxième parent.[ix]

Bien que le budget 2017 prévoit un peu de financement supplémentaire pour l’éducation et les services de garde préscolaires, il faudrait en faire beaucoup plus pour aider les enfants et les familles. Espérons que le cadre en préparation jettera les bases qui permettront à l’État de faire croître des services de garde pour tous.


[i] UNICEF, La transition en cours dans l’éducation de l’enfant. Tableau de classement des services de garde et d’éducation des jeunes enfants dans les pays économiques avancés, Bilan Innocenti 8, 2008.

[ii] Ferns, Carolyn, Friendly, Martha, The state of early childhood education and care in Canada 2012, Child Care Research and Resource Unit, June 2014.

[iii] MacDonald, D., Friendly, M., Une préoccupation croissante : Les frais de garde d’enfants dans les grandes villes canadiennes, Centre canadien de politiques alternatives, 2016.

[iv] MacDonald, D., Friendly, M., Une préoccupation croissante : Les frais de garde d’enfants dans les grandes villes canadiennes, Centre canadien de politiques alternatives, 2016.

[v] UNICEF, La transition en cours dans l’éducation de l’enfant. Tableau de classement des services de garde et d’éducation des jeunes enfants dans les pays économiques avancés, Bilan Innocenti 8, 2008.

[vi] Childcare Resource and Research Unit, What research says about quality in for-profit, non-profit and public child care.

[vii] SCFP, La quête du profit dans les garderies au Canada : une affaire risquée pour les parents et le gouvernement; document d’information SCFP, mars 2012.

[viii] Conseil consultatif en matière de croissance économique, Exploiter le potentiel économique par un accroissement de la participation au marché du travail, 6 février 2017.

[ix] Cf. SCFP, mémoire pour la consultation sur les prestations et congés de maternité et parentaux, 3 novembre 2016.