En cette période d’incertitude où les droits des travailleuses et travailleurs sont menacés par les conservateurs et les intérêts corporatistes, les gains durement acquis durant le dernier siècle sont en jeu. Une nouvelle génération de travailleuses et travailleurs s’engage dans cette lutte, affrontant les dures réalités économiques et les pressions sociales, tout en conciliant vie personnelle et professionnelle.
 
Avec un air déterminé face à ces défis, cinq jeunes membres du SCFP livrent leur perspective sur l’importance de l’engagement des jeunes travailleuses et travailleurs de tout le pays, et sur le rôle du syndicalisme comme moyen de s’épanouir. Leurs idées résonnent alors que le SCFP tient sa toute première Conférence nationale des jeunes, un rassemblement de futurs leaders et de militant(e)s en devenir pour se mobiliser, militer, échanger et développer leurs compétences et leurs talents. La conférence a proposé des ateliers et des discussions qui visent à favoriser les échanges entre les militant(e)s de longue date et la nouvelle génération, renforcer les compétences syndicales afin de bâtir des sections locales plus fortes, dynamiques et résilientes, et amplifier la voix des jeunes travailleuses et travailleurs.
 

À la rencontre des jeunes

 
Mikayla Gallant (29 ans) est cuisinière dans un établissement de soins de santé à l’Île-du-Prince-Édouard. Elle est représentante des jeunes travailleuses et travailleurs au sein du SCFP 805.
 
 
 
Alyssa McGree (27 ans) est employée de soutien scolaire et membre du SCFP 2486 en Ontario. Elle a grandi dans une famille de syndicalistes, initiée au militantisme syndical par ses parents dès son plus jeune âge.
 
 
 
Trevor Carson (30 ans) est préposé dans un établissement de soins de longue durée d’une petite ville de Terre-Neuve. Il avait 25 ans quand il s’est impliqué pour la première fois au SCFP 4935.
 
 
 
Maxime Leroux (28 ans) est chauffeur d’autobus à Sherbrooke, au Québec. Il a activement contribué à la lutte du SCFP 3434 contre les tentatives de privatisation des transports en commun dans la municipalité.
 
 
 
Brittany Aube (31 ans) travaille dans un centre de services éducatifs à la petite enfance au Manitoba. Elle est présidente du SCFP 3060 et milite pour une plus grande reconnaissance du personnel en petite enfance.
 

 

Pourquoi les jeunes travailleuses et travailleurs devraient s’impliquer dans leur syndicat?

Mikayla :
« En tant que jeunes, on doit apprendre à naviguer dans les procédures syndicales et à développer les compétences syndicales essentielles qui vont nous préparer à assumer des rôles de leadership dans l’avenir. »
 
Maxime :
« C’est de notre avenir qu’il est question. On veut contribuer à le façonner et laisser une marque profonde. L’union fait la force, c’est important de s’en rappeler. »
 
Alyssa :
« Je me suis impliquée quand ma section locale se préparait à faire la grève en 2021, parce que je voulais en savoir plus sur le travail qu’on accomplissait. Cette curiosité s’est transformée en action lorsque j’ai compris à quel point le programme de ressources humaines que j’ai suivi à l’école se recoupait avec le syndicalisme. C’est essentiel que les jeunes connaissent leurs droits – notamment le droit de refuser un travail dangereux – et leur convention collective. En s’impliquant dès le départ, on peut apprendre des activistes de longue date et cultiver la force du mouvement syndical malgré leur départ à la retraite. »
 
Trevor :
« Les droits des travailleuses et travailleurs n’existent que grâce à notre syndicat. C’est important de s’impliquer le plus tôt possible. »
 
Brittany :
« Les jeunes travailleuses et travailleurs représentent l’avenir de nos milieux de travail et de notre syndicat. Les problèmes qu’on rencontre aujourd’hui sont très différents de ceux auxquels les anciennes générations ont été confrontées. Quand on s’implique, on comprend qu’on a le pouvoir de faire bouger les choses. Puisque nos voix sont souvent sous-représentées dans les rôles, les évènements et les comités syndicaux, on doit s’affirmer et approfondir notre compréhension de ce qu’est un syndicat. »

 

Quels sont les défis auxquels font face les jeunes travailleuses et travailleurs?

Alyssa :
« L’augmentation des coûts du logement, de la nourriture et des produits essentiels crée beaucoup d’incertitude face à notre avenir. La violence en milieu de travail est pratique courante, et les emplois occasionnels, mal rémunérés et sans avantages sociaux ne font qu’aggraver la situation. Les gouvernements conservateurs, comme celui de Doug Ford, ont diminué l’indexation des prestations de retraite et brandissent la menace d’autres coupes. Ces politiques nuisent particulièrement aux jeunes travailleuses et travailleurs parce qu’on est en début de carrière. »
 
Trevor :
« On fait face à des défis à la fois externes et internes. Le manque de personnel fait fuir beaucoup de jeunes travailleuses et travailleurs et nuit à la rétention. Le coût de la vie est devenu insoutenable. Les parents qui travaillent n’arrivent plus à trouver de services éducatifs à la petite enfance abordables. De plus, dans l’ouest de l’île de Terre-Neuve, le sentiment d’isolement est palpable – il faut améliorer l’accessibilité pour favoriser l’engagement des membres des syndicats en région rurale. »
 
Brittany :
« Dans les services éducatifs à la petite enfance, beaucoup de jeunes ont plus d’un emploi pour arriver à joindre les deux bouts. Pour les jeunes qui ont des enfants, vivre d’un chèque de paie à l’autre est toute une épreuve, car il est impossible de prendre le contrôle de ses finances. Ceci génère une énorme pression sociale et un sentiment d’échec par rapport aux générations précédentes. Notre génération est touchée par une détresse financière et de graves problèmes de santé mentale. J’ai presque 32 ans et j’ai cumulé trois emplois (un à temps plein, deux à temps partiel) pendant 10 ans. J’ai fait faillite, je vis avec ma mère et je n’arrive pas à imaginer comment je pourrais me permettre d’avoir une famille. Quand ma mère avait 32 ans, elle était propriétaire d’une maison et avait déjà deux enfants. Un virage majeur s’est opéré et l’économie ne nous permet plus d’atteindre les mêmes objectifs de vie. »
 
Mikayla :
« La vague de départs à la retraite des travailleuses et travailleurs plus âgés de l’Île-du-Prince-Édouard depuis la pandémie a entraîné des pénuries de personnel et un manque de formation au travail. Le pire, c’est que les jeunes travailleuses et travailleurs reçoivent des incitatifs financiers pour rester dans des postes précaires, mais en subissent les conséquences en ce qui concerne le régime de retraite, les congés et les assurances collectives. Ici aussi, le coût de la vie est tellement élevé que beaucoup de gens ne peuvent pas se permettre de quitter la maison de leurs parents, n’ayant d’autre choix que de dépendre de ce soutien financier. De plus, la grande majorité des membres du SCFP à l’Île-du-Prince-Édouard n’ont pas le droit de grève. Il devient donc difficile de discuter avec un gouvernement qui refuse de négocier. On a du mal à convaincre les gens qui travaillent en première ligne de s’impliquer quand ils ont l’impression de n’avoir aucun pouvoir, surtout avec la menace constante de privatisation. »
 
Maxime :
« La privatisation est un gros problème. À Sherbrooke, la moitié des services de transport collectif sont privatisés et offrent des salaires, des régimes de retraite et des avantages sociaux moins généreux. Le secteur privé exerce une pression sur nos bons emplois syndiqués et sur le financement des services publics. La ville cite les salaires décents comme raison de l’augmentation des coûts des transports collectifs, puis réduit le financement. Ainsi, le trafic automobile augmente et on ne protège plus l’environnement. Les jeunes travailleuses et travailleurs se préoccupent vivement de notre planète. Comment peut-on la protéger si les gouvernements ne nous aident pas? »

 

Comment notre syndicat peut aider les jeunes travailleuses et travailleurs à cultiver leur militantisme?

Trevor :
« C’est souvent difficile de mobiliser les jeunes travailleuses et travailleurs. Les espaces créés spécialement pour les jeunes par le SCFP nous permettent de nous sentir à notre place. Il nous faut plus d’ateliers conçus pour les jeunes et des formations syndicales de base au sein de nos sections locales. Il faut aussi combler le fossé entre les militant(e)s d’expérience et la nouvelle génération pour encourager l’échange de connaissances. »
 
Maxime :
« C’est important qu’on puisse voir les actions concrètes du syndicat sur le terrain. Le financement des grèves et le soutien démontré du syndicat aux jeunes travailleuses et travailleurs renforcent notre implication. Je milite parce que je vois de près comment les employeurs et les gouvernements tentent de nous écraser, et parce que je suis témoin de notre résistance. La transparence et la visibilité sont indispensables. »
 
Mikayla :
« Nommer une personne pour représenter les jeunes travailleuses et travailleurs est un excellent premier pas pour les sections locales, mais beaucoup d’entre nous ont des emplois précaires avec des horaires irréguliers, et le travail syndical n’est souvent pas rémunéré. Notre syndicat devrait trouver des moyens de prendre soin des jeunes travailleuses et travailleurs, leur apporter une aide financière et une certaine flexibilité pour assurer leur véritable participation. Une communication claire et de la patience permettront aussi à la nouvelle génération de militant(e)s de se sentir bien accueillie. »
 
Alyssa :
« Il est essentiel d’offrir des milieux sécuritaires et inclusifs aux jeunes travailleuses et travailleurs pour favoriser notre apprentissage, tout en offrant des occasions qui nous permettent de participer davantage. Si on démontre de l’intérêt, confiez-nous une tâche. Dans ma section locale, on essaie de mettre sur pied un comité des jeunes pour se soutenir mutuellement. L’organisation d’évènements sociaux destinés aux jeunes membres peut également susciter de l’intérêt. »
 
Brittany :
« Il faut tendre la main à l’ensemble des membres du SCFP et trouver des intérêts communs, en particulier avec les plus jeunes qui peuvent ressentir des restrictions ou de l’exclusion. Les réalités économiques ont changé. Beaucoup d’entre nous consacrent plusieurs années aux études, changent de carrière pour trouver le travail idéal, ou prennent le temps de s’établir dans un milieu professionnel avant de vouloir s’impliquer dans le syndicat. C’est pourquoi il faut reconnaître que les problèmes des “jeunes travailleuses et travailleurs” peuvent facilement s’étirer au-delà du groupe démographique des “30 ans et moins”. Une mise à jour de nos statuts et de notre structure prendrait en considération notre point de vue. »
 

Si tu pouvais donner un conseil à la prochaine génération de jeunes travailleuses et travailleurs, quel serait-il?

Brittany :
« Porte attention à ce qui déclenche des émotions fortes, comme la colère, la tristesse ou l’empathie. Ces émotions sont des indicateurs de ce qui te passionne réellement et elles peuvent être transformées en actions positives. Sors de ta zone de confort et deviens la voix des personnes qui n’ont pas la possibilité de s’exprimer. Tu changeras d’avis mille fois, alors ne t’inquiète pas de ton manque d’expérience : l’expérience vient avec de nouvelles idées, de nouveaux rêves et objectifs. »
 
Mikayla :
« Quand on regarde autour de nous, on a parfois l’impression que les choses s’aggravent de jour en jour. C’est difficile de garder espoir et de se mettre de la partie, mais il ne faut pas désespérer. S’impliquer peut s’avérer une expérience amusante. Faire du bruit et provoquer un changement positif, c’est valorisant. »
 
Trevor :
« Participe aux assemblées générales. En vingt minutes, tu verras qu’il y a tant de choses à apprendre. Et lis ta convention collective! »
 
Maxime :
« N’aie pas peur de te lancer. Fais ce que tu estimes être le mieux. Si tu ne te bats pas pour défendre tes droits, personne ne le fera à ta place. »
 
Alyssa :
« J’ai trouvé ma voix en m’impliquant dans mon syndicat. J’étais timide, mais en passant à l’action, j’ai réussi à briser ma carapace. Même si ça peut être intimidant, il existe de nombreuses occasions de formation et du soutien pour t’aider à évoluer et te permettre de prendre la place que tu mérites. »