Les cryptomonnaies comme le bitcoin et l’ethereum, ainsi que la technologie par chaîne de blocs les sous-tend (« blockchain » en anglais) font l’objet de beaucoup de discussions et de spéculation financière. L’éminent futurologue, Don Tapscott, affirme qu’il s’agit d’un « profond changement technologique qui transformera la façon dont on fait des affaires et bien plus ». Quant à lui, l’investisseur milliardaire Warren Buffett qualifie les cryptomonnaies privées de « poison à rat au carré ».

De quoi s’agit-il ? Les cryptomonnaies privées remplaceront-elles nos monnaies nationales ? Et en quoi les chaînes de blocs pourraient-elles affecter les services publics ? Sommes-nous devant une révolution ou une simple surenchère médiatique ?

Une cryptomonnaie est une monnaie numérique ou virtuelle cryptée à des fins de sécurité. Elle sert uniquement lors de transferts de fonds électroniques. Elle peut être émise indépendamment d’une banque centrale.

Les cryptomonnaies sont des monnaies virtuelles qui utilisent la technologie par chaîne de blocs, une série d’enregistrements cryptés de chaque transaction. Ces fichiers informatiques vérifient indépendamment l’authenticité de la monnaie, de l’actif vendu ou acheté et de chaque transaction. Ainsi, au lieu d’utiliser un système de comptabilité central (comme un bureau des titres de biens-fonds) ou un système central de paiements en devises, les monnaies numériques utilisent un « registre distribué » crypté et sécurisé.

Cette technologie empêche la contrefaçon, mais elle ne permet pas de profiter d’un registre centralisé et des garanties fournies par les autorités publiques et privées à travers les banques, notamment les registres boursiers et obligataires, l’assurance-dépôts et la carte de crédit. Contrairement aux autres formes de monnaie, il n’y a pas de trace publique. Si la cryptomonnaie de quelqu’un est volée ou perdue, elle s’est volatilisée pour de bon. La chaîne de blocs a certainement des applications utiles, mais les systèmes de registres centralisés et réglementés par l’État nous protègent en cas de corruption ou de fraude.

Les cryptomonnaies servent largement à faciliter les transactions illégales, les transactions qu’on veut garder secrètes et, plus récemment, la spéculation. Puisqu’il n’y a pas de registre public centralisé des transactions, la cryptomonnaie peut aussi servir à éviter de payer des impôts ou des dettes.

Les cryptomonnaies privées ont un autre inconvénient : elles consomment beaucoup d’énergie. Leur valeur n’est pas soutenue par une autorité centrale de confiance, comme une banque centrale. Elle repose uniquement sur l’énorme quantité d’énergie informatique dépensée pour les créer. En Islande, on consomme plus d’électricité pour « extraire » ou créer de la cryptomonnaie que pour alimenter les maisons. Les banques centrales étudient la possibilité d’introduire des cryptomonnaies à chaîne de blocs qui pourraient être utilisées plus légitimement et sans gaspiller les ressources nécessaires à leur production.

La chaîne de blocs a de nombreuses autres utilités possibles. Elle pourrait transformer la prestation des services publics et notre interaction avec les gouvernements. On pourrait l’utiliser pour accélérer considérablement l’enregistrement foncier, fournir une identité numérique pour accéder aux services gouvernementaux, consigner les dossiers médicaux et voter. Comme avec toute technologie, il y a un potentiel positif et négatif. Le défi consistera à exploiter la chaîne de blocs pour le bien public et pas seulement pour le profit privé.