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En matière de protection de l’environnement, de distribution de l’eau potable et de transport des personnes et des marchandises, les municipalités canadiennes sont sur la ligne de front. Elles sont responsables de plus de la moitié des infrastructures publiques de base au pays. Pourtant, elles ne touchent que 12 cents sur chaque dollar de taxes et d’impôts prélevés. Il est donc évident qu’elles ont besoin d’une aide financière directe du gouvernement fédéral.

Or, ce n’est pas la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) qui comblera cette lacune. Au contraire, son financement privé va faire grimper les coûts des municipalités et faire augmenter les frais d’utilisation et les péages, voire même en ajouter, tout en transférant la planification, la propriété et le contrôle des installations publiques dans les mains d’entreprises privées qui cherchent à faire des profits.

Le SCFP entend collaborer avec les dirigeants municipaux afin :

  • d’examiner de près les projets proposés par la BIC et d’exiger la divulgation complète des informations relatives aux projets proposés.
  • de rejeter les propositions qui confient au secteur privé la propriété ou l’exploitation d’infrastructures publiques dans le but de réaliser des profits.
  • d’exercer des pressions en vue d’obtenir des prêts à moindre coût et un financement prévisible à long terme pour les municipalités.

L’abandon du mandat de prêteur à faibles taux de la BIC

Les récents engagements pris par les libéraux fédéraux en matière d’infrastructures sont essentiels au renouvellement des installations et à la construction de nouveaux ponts, de stations de traitement des eaux, de systèmes de gestion des eaux de pluie, de routes, de réseaux électriques et d’autres types d’infrastructure, au cours de la prochaine décennie. En 2015, les libéraux avaient promis, durant la campagne électorale et dans une lettre de mandat ministériel, de mettre sur pied une banque de l’infrastructure qui fournirait aux municipalités du financement à faible coût pour leurs projets. C’était une bonne nouvelle.

Malheureusement, le gouvernement fédéral a depuis transformé radicalement le mandat de cette banque. Suivant l’avis d’un Conseil consultatif sur l’économie, composé majoritairement de représentants du secteur privé, et suite aux pressions d’institutions financières privées et de caisses de retraite, le gouvernement a modifié le mandat de la BIC. Celle-ci doit maintenant convaincre le secteur privé d’investir dans des projets d’infrastructure qui génèrent des revenus. Le financement accordé par la BIC proviendra, en grande partie, d’investisseurs privés qui s’attendent à réaliser des profits avec leur argent.

Le gouvernement fédéral a puisé 15 milliards de dollars dans une enveloppe censée financer les infrastructures pour le placer dans sa BIC. Une somme additionnelle de 20 milliards de dollars en fonds publics servira à accorder des prêts remboursables et à participer directement dans des projets. Selon cette nouvelle vision, la BIC doit solliciter des investissements privés et investir dans des projets qui permettent de réaliser des revenus par l’entremise de frais d’utilisation, de péages et d’autres mécanismes, y compris la hausse des valeurs foncières. Le secteur privé, soit la BIC elle-même ou des investisseurs à la recherche de profits, sera fort probablement propriétaire en tout ou en partie. Cela représente un changement majeur, puisqu’à ce jour, les actifs municipaux étaient demeurés largement sous le contrôle du secteur public.

En date d’avril 2019, la BIC n’avait financé qu’un seul projet : le Réseau express métropolitain (REM), un train léger en cours de construction à Montréal. Ce projet est réalisé en PPP par une filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec qui gère la deuxième caisse de retraite en importance au pays. Le REM illustre parfaitement le manque de transparence qui entoure les projets de la BIC. Des groupes de la société civile ont fortement critiqué plusieurs aspects du projet : l’impact environnemental, le prix des titres de transport, l’achalandage actuel, ainsi que les coûts futurs d’exploitation et d’entretien. Malgré ces critiques, la BIC citait récemment d’autres projets d’infrastructures de transport réalisés en PPP, dont l’autoroute à péage 407 au nord de Toronto, comme de bons modèles d’investissements futurs.

Le coût des projets pourrait doubler

La BIC ne subventionnera pas : elle va financer. Et ce financement devra être remboursé. Pour l’essentiel, l’argent qu’elle distribuera proviendra du secteur privé et sera assorti d’attentes de propriété partielle ou de prêts lucratifs. La différence au niveau du taux d’intérêt est cruciale. Les investisseurs et les prêteurs privés s’attendent à un rendement d’au moins sept à neuf pour cent. Ce n’est pas une bonne affaire pour les administrations municipales et la population, qui paieront directement la facture, par l’entremise d’une hausse des tarifs ou de subventions, pour permettre à ces investisseurs d’obtenir de tels rendements. On est loin d’un financement novateur. C’est plutôt comparable à financer l’achat d’une maison avec sa carte de crédit au lieu d’un prêt hypothécaire.

Partout au pays, les gouvernements, y compris les administrations municipales, ont pourtant accès à des prêts sur dix ans ou plus, à un taux d’intérêt inférieur à 2,5 pour cent (ou même moins dans les cas de financement municipal garanti par la province). Avec le taux de rendement de 9 pour cent que réclame le secteur privé, le coût des infrastructures publiques va doubler. Pour un projet de 100 millions de dollars, un taux de 2,5 pour cent sur 30 ans représente 42,2 millions de dollars, alors qu’un taux de 9 pour cent représente 189,9 millions de dollars en frais d’intérêt. C’est cinq fois plus qu’un financement public à 2,5 pour cent. Au total, le coût du projet (principal et intérêts) passe de 142 millions de dollars (à 2,5 pour cent) à 289,9 millions (à 9 pour cent).

Au lieu de maximiser l’utilisation des deniers publics, les projets de la BIC feront en sorte que moins de travaux seront réalisés, parce que le remboursement des prêts coûtera plus cher. De plus, ces engagements financiers à longue durée limiteront les budgets disponibles pour les générations futures.

Des frais pour la population

Les investisseurs privés chercheront aussi à réaliser des profits en favorisant les projets d’infrastructure qui peuvent générer des revenus par le biais de péages, de frais d’utilisation et d’autres mécanismes. Ces investisseurs vont probablement chercher à maximiser ces revenus qui sortiront de la poche des citoyens. Les Canadiens n’auront pas vraiment d’autre choix que de payer car la plupart des services publics sont des monopoles ou des quasi-monopoles.

Les frais d’utilisation et les péages ne sont pas établis en fonction de la capacité de payer, ce qui veut dire qu’ils touchent plus durement les personnes à faible revenu. Ces frais risquent donc de réduire l’accès à des services vitaux comme l’eau et les eaux usées, si on privatise ces infrastructures. Dans presque toutes les sociétés de transport en commun, les tarifs ne couvrent pas à eux seuls les coûts d’exploitation, ce qui fait craindre une hausse dramatique des droits de passage pour les projets de transport qui seront réalisés par l’entremise de la BIC.

Le sceau du secret

Selon un rapport récent produit par l’Institut Columbia, les citoyens ne connaîtront pas la vérité sur les véritables coûts des mégaprojets financés par la BIC. Dans le cas des partenariats public-privé et des autres projets de privatisation, les demandes d’accès à l’information soumises aux gouvernements sont déjà « souvent rejetées, font l’objet de délais ou censurées. Cela limite la transparence et la reddition de comptes qui sont nécessaires au bon fonctionnement d’une société démocratique », peut-on lire dans le rapport.

Or, la loi à l’origine de la BIC ajoute des restrictions supplémentaires et même des pénalités en cas de divulgation d’informations. Ce sera donc encore plus difficile pour le public de connaître les vrais coûts des projets de privatisation de la banque.

Quand le privé prend le contrôle des actifs publics

La BIC ouvre aussi la porte à une participation sans précédent du secteur privé dans nos infrastructures publiques. Sans être sollicités, les investisseurs privés pourront soumettre des propositions aux municipalités. Ces projets qui seront conçus pour faire de l’argent au lieu de chercher à répondre aux besoins des communautés et de leurs citoyens, ne serviront pas l’intérêt public.

Le gouvernement libéral minimise l’impact qu’aura la BIC. Il prétend que les 35 milliards de dollars qu’il y investit ne représentent qu’une partie de son engagement à consacrer 180 milliards de dollars sur dix ans aux infrastructures. Pour chaque dollar investi dans la BIC, le gouvernement fédéral prévoit que cinq dollars d’investissements privés seront générés pour chaque dollar d’investissement fédéral, pour un total de 175 milliards de dollars en projets à forte dominance privée. La BIC est donc en position de négocier le financement, la propriété et la prestation de services par le privé, de projets dont la valeur avoisine le total des subventions promises par le fédéral en matière d’infrastructures publiques.

Pourtant, il existe d’autres modes de financement et de subvention pour les infrastructures dont nous avons tant besoin. En plus d’offrir les subventions nécessaires, le gouvernement fédéral pourrait tenir sa promesse et mettre sur pied une banque publique qui offrirait des prêts à faibles taux. Il existe en effet plusieurs exemples d’infrastructures publiques et de banque d’investissements publics, au Canada comme ailleurs dans le monde, qui misent sur l’emprunt public à faibles taux.

Pour en savoir plus et vous impliquer, visitez le scfp.ca/pas-a-vendre

cib_factsheet_fr.pdf