On l’a entendu tout au long de la pandémie de COVID-19 : si nous traversons la même tempête, tout le monde n’est pas dans le même bateau. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la montée en flèche des profits des entreprises. Certaines compagnies, comme Zoom, ont fait mieux pendant la pandémie parce qu’elles étaient bien placées pour répondre à l’évolution des besoins. Mais d’autres entreprises ont profité de la pandémie pour gonfler leurs prix sans que cela paraisse.

En ce moment, l’appât du gain des entreprises est l’un des principaux moteurs de l’inflation. Parmi les pires délinquants figurent les chaînes d’épiceries et les conglomérats pétroliers et gaziers. Au Canada, nos trois plus grandes chaînes d’alimentation ont enregistré des profits records au cours de la dernière année en augmentant leurs prix démesurément. Par exemple, les coûts de Loblaw (la société mère de Loblaws, Maxi et Provigo) ont augmenté de 13 % au cours de la dernière année. Durant la même période, ses ventes ont augmenté de 15 % et son bénéfice brut de 21 %. Autrement dit, Loblaw a gonflé les prix artificiellement pour réaliser plus de profits.

Or, le gouvernement fédéral a le pouvoir de prendre des mesures pour freiner la quête de profits des entreprises. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il avait mis en place un impôt sur les bénéfices excessifs, par souci d’équité et pour aider à financer les dépenses de guerre. Cet impôt donnait l’impression que tout le monde était vraiment « dans le même bateau », car on demandait aussi à la population de faire de gros sacrifices pour l’effort de guerre.

Soulignons que l’impôt des entreprises fonctionne différemment de l’impôt des particuliers. Une compagnie paie de l’impôt sur ses bénéfices et non sur ses revenus. Autrement dit, une entreprise en difficulté ou à peine rentable ne sera pas inquiétée par un impôt sur les bénéfices excessifs. Selon les économistes, ce type d’imposition est économiquement sain, car il décourage les prix abusifs en imposant les bénéfices importants et inattendus dus à des circonstances exceptionnelles.

Pour établir un impôt sur les bénéfices excessifs, il faut déterminer ce qui constitue un bénéfice « normal ». Généralement, on se base sur des données historiques. Pendant la Seconde Guerre mondiale, on avait utilisé le profit en 1939 comme point de comparaison. Il faut aussi choisir le taux d’imposition à appliquer aux bénéfices excessifs. Celui-ci peut aller de 15 à 100 %. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement fédéral avait utilisé un taux de 75 %.

En 2021, le directeur parlementaire du budget a chiffré la proposition d’impôt sur les bénéfices excessifs du NPD. Il a constaté qu’un tel impôt ponctuel pourrait générer jusqu’à huit milliards de dollars en nouveaux revenus pour le gouvernement. Cette proposition utilisait le profit moyen d’une entreprise de 2014 à 2019 comme point de comparaison et un taux d’imposition de 15 % qui s’ajouterait à l’impôt fédéral ordinaire sur les bénéfices des entreprises de 15 %.

D’autres propositions récentes ciblent seulement certains secteurs d’activité. Par exemple, en mai, le Royaume-Uni a instauré un tel impôt pour les compagnies pétrolières et gazières. L’argent qu’il en tire est redistribué aux familles pour les aider à faire face à la hausse du coût de la vie. Le gouvernement Trudeau a proposé un impôt plus élevé pour les institutions financières. Le NPD fédéral a suggéré de l’étendre aux compagnies pétrolières et gazières ainsi qu’à d’autres grandes entreprises qui profitent à outrance de la situation.

Comme durant la Seconde Guerre mondiale, l’instauration d’un impôt sur les bénéfices excessifs permettrait de contrôler l’appât du gain des entreprises, de générer des revenus pour des investissements importants et de faire économiser de l’argent aux gens. Il est plus que temps d’imposer les bénéfices excessifs des entreprises.