Pierre Ducasse | Service des communications

Une entrevue avec l’économiste du SCFP, Angella MacEwen

Dans quelle mesure la pandémie de COVID-19 a-t-elle exposé la fragilité de notre système économique ?

Le sous-financement chronique du système de santé par le gouvernement fédéral a pavé la voie à l’austérité et à la privatisation à travers le pays. Les impacts sont particulièrement criants dans les soins de longue durée. Nos lois du travail, laxistes et mal appliquées, permettent aux employeurs d’exploiter la précarité d’emploi, ce qui entraîne des risques économiques et sanitaires pour les travailleurs. Lorsque la pandémie s’est déclarée, la plupart des travailleurs ne pouvaient pas prendre un congé de maladie sans que cela menace leur poste. D’ailleurs, ils n’ont toujours pas droit aux congés de maladie payés.

Les gouvernements ont annoncé des mesures de soutien du revenu et des congés d’urgence pour aider les travailleurs. Qu’est-ce qui doit changer à long terme pour mieux soutenir les travailleurs ?

La santé et la sécurité des travailleurs doivent passer avant tout. Tous les travailleurs doivent avoir accès à un équipement de protection individuelle adéquat, à des protocoles de sécurité, au droit de refuser un travail dangereux et à des congés de maladie qui ne mettent pas leur emploi en jeu. Toutes ces mesures doivent être permanentes, pas temporaires.  

Il faut améliorer le sort de tous les travailleurs. Chaque niveau de gouvernement doit appliquer plus sérieusement les lois du travail et hausser le salaire minimum. En ce moment, la législation rend le travail précaire attrayant pour les employeurs. Si la loi prévoyait que les employés à temps partiel, occasionnels ou travaillant en sous-traitance aient accès au même salaire et aux avantages sociaux au prorata, cela réduirait l’intérêt des employeurs pour le travail précaire et rendrait l’emploi plus stable pour de nombreux travailleurs. 

Bon nombre des demandes formulées de longue date par le mouvement ouvrier en vue d’améliorer l’assurance-emploi aideraient également à combler les lacunes de notre système de soutien du revenu, par exemple en réduisant les critères d’admissibilité et en augmentant les taux de prestations. 

Les travailleurs qui prennent soin des autres sont maintenant plus appréciés, car la population constate à quel point leur travail est essentiel. Comment tirer avantage de cette nouvelle reconnaissance populaire ?

Je pense que la pandémie a vraiment révélé à de nombreuses personnes à quel point les travailleurs qui prennent soin des autres, et j’inclue les travailleurs du secteur de l’éducation, ne sont pas assez reconnus et trop souvent sous-payés.

La pandémie a également fait ressortir les lacunes des services qui ont été privatisés en tout ou en partie. Les profits des entreprises sont réalisés sur le dos des travailleurs sous-rémunérés et des usagers mal servis. Les lacunes dans le secteur des soins de longue durée, pour les travailleurs comme les résidents, sont devenues particulièrement concrètes. Personne ne devrait réaliser des profits avec des soins essentiels.  

Les travailleurs qui prennent soin des autres sont en majorité des femmes, dont beaucoup sont racisées. Ce secteur compte aussi de plus en plus sur des travailleurs migrants. On les a qualifiés de héros pour leur importance pendant la pandémie. Si on veut vraiment leur rendre hommage, qu’on leur accorde un salaire juste et de meilleures conditions de travail. 

Quel rôle le secteur public doit-il jouer pour construire un avenir plus juste et plus durable ?

Le gouvernement a un rôle essentiel à jouer pour fournir des services publics essentiels et reconstruire les infrastructures publiques. Les gouvernements auront tendance à prendre les mêmes mesures de relance que par le passé, c’est-à-dire celles qui se concentrent sur des projets d’infrastructures physiques qui peuvent être lancés rapidement. Mais cette récession n’est pas comme les autres. Notre réponse doit faire passer les plus vulnérables en premier et reconnaître les impacts sexospécifiques et racisés de la crise. 

Le taux des obligations du Canada de 30 ans n’est que de deux pour cent, ce qui rend l’investissement fédéral dans les infrastructures publiques plus abordable que jamais. L’investissement public devrait tenir compte des autres crises actuelles : les changements climatiques et l’accroissement des inégalités. L’investissement public dans les soins, l’énergie propre, la rénovation écoénergétique, les transports en commun et les infrastructures de modes de transport actif, sera essentiel à une reprise écologique et équitable.