Alors que l’État ontarien diminue le budget des services hospitaliers depuis plusieurs années, le problème du manque de personnel dans les services d’entretien s’aggrave. Selon un sondage auprès des préposés à l’entretien, les mises à pied et les compressions sont monnaie courante. Ces travailleurs craignent de plus en plus que les hôpitaux ontariens n’aient plus la capacité et le personnel nécessaires pour stériliser et assainir les côtés de lit, les matelas, les chaises, les robinets et les poignées de porte.

À l’automne 2016, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) a sondé 421 employés d’entretien répartis dans une soixantaine d’hôpitaux ontariens. Aujourd’hui, à Peterborough, on présentait un rapport intitulé Hospital-Acquired Infections : Stop Preventable Deaths [Infections nosocomiales : mettons fin aux décès évitables]. Ce rapport intègre les résultats du sondage aux données provenant des agences de santé publique et d’autres travaux scientifiques.

Le sondage du SCFP révèle une tendance troublante à l’accélération du rythme de travail, au travail en équipes incomplètes, ainsi qu’à un niveau de stress élevé et à un nombre élevé d’accidents de travail. Une forte majorité des répondants (78 pour cent) affirment qu’on a ajouté des tâches à leur travail. Conséquemment, une forte majorité (76 pour cent) rapporte une accélération de la cadence de travail. Plus de la moitié des travailleurs sondés jugent la situation non sécuritaire. Ajoutons que 40 pour cent des sections locales d’hôpitaux signalent une réduction des heures de nettoyage dans la dernière année.

En outre, 70 pour cent des préposés à l’entretien affirment travailler en équipe incomplète, ce qui se produit lorsqu’on ne remplace pas les employés en vacances, en congé de maladie, en formation ou absent pour une autre raison.

Les infections se propagent facilement entre patients, en touchant une personne ou une surface contaminée. « C’est simple, explique Nicholas Black, un préposé à l’entretien : le personnel est insuffisant pour nettoyer adéquatement les chambres, les salles de bain et les aires communes afin de prévenir les infections. Le travail en équipes incomplètes alourdit notre charge de travail au point où celle-ci devient insurmontable. En embauchant plus de personnel, on améliorerait de beaucoup la sécurité des lieux pour les patients, leurs proches, le personnel, les médecins et les bénévoles. »

Selon l’Agence de la santé publique du Canada, annuellement, plus de 200 000 patients contractent une infection pendant qu’ils reçoivent des soins ; 8 000 en mourront. Pour l’Ontario, on parle de 3 000 décès chaque année.

« On pourrait éviter ces décès, souligne le vice-président du Conseil des syndicats d’hôpitaux de l’Ontario (CSHO), Louis Rodrigues, mais les politiques du gouvernement et des hôpitaux amplifient la menace. On devrait faire passer la sécurité des patients et la réduction du risque de contracter et de transmettre une infection avant les mesures d’économie dans le nettoyage. »

Médecins et scientifiques se disent aussi préoccupés par la résistance croissante des infections nosocomiales (les infections contractées à l’hôpital) aux antibiotiques. Plusieurs études universitaires récentes corroborent l’expérience des préposés au nettoyage sur le terrain. Une étude datant de 2014 juge que la propreté des hôpitaux est moins qu’optimale ; près de 40 pour cent des répondants affirment que leur hôpital n’est pas assez propre pour permettre la prévention et le contrôle des infections.

Dans une autre étude de 2014, on apprend que près de la moitié des directeurs de services environnementaux d’hôpitaux canadiens affirment disposer d’un personnel suffisant pour nettoyer leur hôpital adéquatement. Seulement 5,2 pour cent des répondants se disaient fortement en accord avec l’énoncé voulant que leur personnel d’entretien soit suffisant. L’étude concluait que le manque de personnel dans les services environnementaux signifie que le nettoyage nécessaire à la prévention et au contrôle des infections nosocomiales ne sera pas fait avec la fréquence et la minutie requises. Les sondages du SCFP auprès des préposés au nettoyage et des sections locales démontrent que la situation empire au lieu de s’améliorer depuis ces études de 2014, en raison des réductions et de la privatisation croissante.

« Les chercheurs et le personnel de nettoyage hospitalier s’entendent, conclut M. Rodrigues : pour assurer la sécurité des patients, il faut améliorer la propreté. Les données démontrent que cela ferait reculer le taux d’infections et le nombre de décès. »