Certains tiennent des propos alarmistes sur les personnes syndiquées qui réclament des augmentations de salaire proportionnelles à l’inflation. Ces critiques mettent en opposition le personnel du secteur public et celui du privé, et les personnes syndiquées et non syndiquées. On laisse entendre que les augmentations de salaire vont aggraver l’inflation. En réalité, les travailleuses et travailleurs ne sont pas responsables de l’augmentation des prix. Cependant, du moins dans certains secteurs, les PDG le sont. Les PDG ont augmenté inutilement les prix, ont réduit les augmentations de salaire et ont mis dans leurs poches les profits qui en ont résulté.

Le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) surveille la rémunération des PDG au Canada depuis 2008. Il compare les revenus des 100 PDG les mieux rémunérés avec le salaire annuel moyen des travailleuses et travailleurs. En 2008, ces PDG ont gagné en moyenne 174 fois plus que l’employé(e) moyen(ne), soit 7,3 millions $ par an, par rapport à 42 305 $. Pendant la pandémie, ce taux a atteint un nouveau sommet. En 2021, les 100 PDG les mieux rémunérés ont gagné en moyenne 243 fois plus que l’employé(e) moyen(ne), soit 14,1 millions $ par an, par rapport à 58 800 $. Il faut garder à l’esprit que le salaire moyen des travailleuses et travailleurs a augmenté pendant la pandémie, en partie parce que de nombreuses personnes à faible revenu ont perdu leur emploi. Cette situation ne s’applique pas aux 100 PDG les mieux rémunérés.

L’écart est encore plus important dans certaines entreprises et certains secteurs. Par exemple, le PDG de Loblaw, Galen Weston, a empoché un revenu de 11,8 millions $ en 2022, soit 430 fois plus que le salaire moyen des employé(e)s d’épicerie cette année-là (27 300 $).

Le CCPA et le SCFP ont proposé plusieurs solutions pour régler ce problème. Il pourrait s’agir d’augmenter le taux d’imposition sur les revenus très élevés et d’inclure la totalité des gains en capital comme revenu imposable (présentement, seulement la moitié des gains en capital est imposable). Récemment, le NPD fédéral a proposé une nouvelle stratégie inspirée d’une politique amenée par le sénateur américain Bernie Sanders. Cette stratégie consiste à augmenter l’impôt sur le revenu des sociétés en fonction de la différence entre le revenu du PDG et le salaire d’un(e) employé(e) médian(e). Plus l’écart entre la rémunération du PDG et de ces employé(e)s est grand, plus le taux d’imposition de la société serait élevé.

Certains aspects de cette politique sont déjà en vigueur aux États-Unis. Après la crise financière de 2008, les États-Unis ont adopté la loi Dodd-Frank, qui a renforcé la réglementation des banques et des sociétés cotées en bourse afin d’améliorer la stabilité économique et de protéger les consommateurs. Dans le cadre de cette loi, les sociétés cotées en bourse sont tenues de divulguer l’écart salarial entre leur PDG et les autres employé(e)s. Elles doivent déterminer le revenu médian de leur personnel, qui se situe exactement au milieu du spectre des gains des salaires. Cela signifie que la moitié du personnel gagne plus que l’employé(e) médian(e), et l’autre moitié, moins. Les entreprises doivent ensuite publier le rapport entre le revenu de l’employé(e) médian(e) et le revenu du PDG dans les renseignements destinés à leurs actionnaires avant leur assemblée annuelle.

Au Canada, il y a eu des discussions dans le secteur financier sur l’adoption d’une pratique semblable sur une base volontaire. L’idée est que de grandes disparités entre les salaires des cadres et ceux des personnes salariées au bas de l’échelle contribuent à augmenter l’inégalité des revenus. Non seulement les inégalités ont un impact négatif sur l’économie globale, mais elles entraînent aussi des problèmes de gouvernance au sein des entreprises, en plus de réduire la productivité des travailleuses et travailleurs à long terme. Le mouvement Desjardins, un groupe financier coopératif du Québec qui regroupe plus de 200 coopératives financières, divulgue volontairement le taux de l’écart entre les revenus du PDG et de l’employé(e) médian(e) dans son rapport annuel. Vancouver City Savings Credit Union, connue sous le nom de Vancity, publie deux taux : l’écart entre les revenus du PDG et de l’employé(e) médian(e), et l’écart entre les revenus du PDG et l’employé(e) ayant le salaire le plus bas. Le groupe de placement de Vancity, Vancity Investment Management, a utilisé sa position d’actionnaire pour demander à plusieurs banques canadiennes et au Canadien Pacifique de divulguer l’écart de rémunération entre leur PDG et le salaire de leur employé(e) médian(e). Jusqu’à présent, seulement la Banque Scotia et le Canadien Pacifique ont adopté cette pratique.

Le NPD fédéral n’a pas encore présenté de lignes directrices pour normaliser le calcul de l’écart de rémunération entre le PDG et les autres salarié(e)s. Toutefois, il a proposé une surtaxe pour les sociétés fondée sur ce taux. La surtaxe commencerait à 0,5 % si le PDG gagne entre 50 à 100 fois plus que l’employé(e) médian(e), et augmenterait à 5 % si le PDG gagne plus de 500 fois plus. Le NPD estime que si cette pratique avait été appliquée en 2022, la société Loblaw aurait payé 100 millions $ supplémentaires en impôt sur les revenus de société.