La mort brutale de George Floyd, un Noir tué par la police de Minneapolis en mai dernier, a déclenché une vague mondiale d’indignation et amplifié le mouvement de dénonciation du racisme systémique et du racisme envers les Noirs. La Réplique s’est entretenue avec la vice-présidente à la diversité du SCFP représentant les travailleurs racisés, Yolanda McClean, au sujet de Black Lives Matter et de l’importance de saisir cette occasion. 

Vous vous battez contre le racisme et pour l’équité en matière d’emploi depuis des décennies. Que pensez-vous de la situation actuelle ? 

YM : En tant que femme noire, je me sens parfois très triste et très en colère. Je grince déjà des dents avant que commence le bulletin de nouvelles parce que je crains qu’une autre personne noire n’ait été tuée par la police. Mais j’ai aussi beaucoup d’espoir quand je vois des gens qui ne me ressemblent pas manifester parce qu’ils comprennent maintenant que les vies noires comptent. 

Ils prêtent enfin attention. Nous parlons de certains de ces enjeux depuis des décennies et, enfin, les gens nous entendent et se rendent compte qu’il y a des problèmes à régler.  

En regardant ce qui se passe aux États-Unis, on a l’impression que la situation des personnes noires, autochtones et racisées est meilleure au Canada. Que peut-on dire à quelqu’un qui est convaincu que le racisme ne pose pas vraiment problème chez nous ? 

YM : Détrompez-vous. Le racisme n’est pas un problème exclusivement américain. Il existe au Canada, ici-même, dans notre cour. Il y a eu de l’esclavage noir au Canada, et cette violence systémique se perpétue aujourd’hui. À Toronto, une personne noire est 20 fois plus susceptible d’être abattue par la police qu’une personne blanche. 

On peut aussi parler de la COVID-19. Les gens qui travaillent dans le secteur de la santé, les travailleurs essentiels, qui ne reçoivent pas le salaire qu’ils méritent, sont majoritairement racisés. Ils ont été proportionnellement plus affectés par la COVID que les autres. Ce n’est pas de la violence policière, mais c’est quand même une conséquence du racisme. 

Pourquoi faites-vous une distinction entre le racisme envers les Noirs et les autres formes de discrimination ? Tout racisme n’est-il pas également mauvais ? 

YM : Oui, bien sûr, tout racisme est mauvais. Les problèmes des Noirs n’ont pas plus d’importance que les autres problèmes de racisme et de discrimination. Mais ce sont les vies noires qui sont sous les projecteurs en ce moment. C’est NOTRE moment. 

Au Canada, les Noirs sont confrontés à des obstacles et à une discrimination systémique dont les racines sont très profondes. Cela se reflète dans les emplois qu’ils occupent, dans les disparités économiques qui existent au niveau de l’éducation, des soins de santé et du logement. 

Nous avons la possibilité de changer les choses maintenant et nous devons tous faire notre part pour y arriver. Pas besoin d’être parfait pour mettre l’épaule à la roue. Certaines personnes qui manifestent et scandent Black Lives Matter ne connaissent pas la solution au racisme, mais elles comprennent qu’on doit faire quelque chose. On ne peut pas cesser d’en parler. 

Outre manifester, que pouvons-nous faire, ensemble, pour lutter efficacement contre le racisme ? 

YM : Il faut d’abord en discuter ouvertement et soutenir les entreprises et les personnes noires. Mais il faut aussi aller plus loin. Nous devons réfléchir à des solutions, comme la réaffectation des ressources policières pour aider les personnes en crise. Nous devons aussi réclamer l’adoption et la mise en œuvre des mesures d’équité en matière d’emploi dans chaque organisation. Parce que si nous ne le faisons pas, nous n’aurons jamais de Noirs à des postes de direction où ils pourraient faire une différence. 

À cet égard, les syndicats doivent montrer l’exemple. Les syndicats ont du pouvoir. Nous devons consacrer des ressources conséquentes à la lutte contre le racisme et faire résonner la voix de nos membres noirs encore plus fort. Nous devons parler des règlements administratifs et de la création de postes à la diversité. Et nous devons offrir une formation sur le racisme en milieu de travail, de la même manière que nous offrons une formation sur la santé et la sécurité. 

Vous vous battez pour l’équité en matière d’emploi depuis des décennies. Qu’est-ce qui vous motive ? 

YM : Il y a cette citation de Rosemary Brown que je dis tout le temps : ‘’Il faut ouvrir les portes et s’assurer qu’elles restent ouvertes pour que d’autres puissent les franchir’’. 

Je la répète depuis 20 ans. Cette citation m’accompagnera dans la tombe. C’est ce qui me fait persévérer. Parce que je vois des injustices, mais je vois aussi des réussites. Car, si nous n’ouvrons pas les portes aux personnes qui nous ressemblent, et si nous ne les gardons pas ouvertes pour les personnes qui suivent, pourquoi faisons-nous tout cela ?  

Les membres du SCFP peuvent participer à la lutte contre le racisme en rendant leur lieu de travail, leurs espaces syndicaux et leur communautés plus sécuritaires et accueillants pour les personnes noires, autochtones et racisées. Voici quelques idées : 

  • reconnaître l’existence du racisme et de la discrimination dans notre syndicat. 
  • comprendre que le racisme inversé, ça n’existe pas. 
  • se renseigner sur le racisme anti-noir, le racisme systémique et l’oppression. 
  • créer un espace de dialogue dans le but d’identifier des gestes à poser. 
  • s’engager à faire de la place aux personnes noires, autochtones et racisées. 
  • modifier les statuts des sections locales pour s’assurer qu’il y a une place à la table pour les membres racisés.  
  • participer au mouvement pour mettre fin aux politiques discriminatoires dans la société canadienne.