Le budget de 2024 prévoit des ajustements mineurs en réponse aux problèmes majeurs auxquels notre pays est confronté. Bon nombre des changements annoncés vont dans la bonne direction, mais certains reposent encore beaucoup trop sur des approches guidées par le marché qui ont échoué par le passé. On trouve également dans le budget des propositions prometteuses, qui devront toutefois être étoffées avant qu’on puisse les évaluer adéquatement.

La plupart des dépenses proposées ne seront pas engagées avant les prochaines élections fédérales; d’autres, annoncées dans les budgets précédents, ont été reportées encore plus loin. Le gouvernement fédéral privilégie l’équilibre budgétaire plutôt que les investissements requis pour régler des problèmes connus. Or adopter cette ligne de conduite, c’est faire fi des coûts à long terme de l’inaction.

Points forts
  • Changement important du côté de l’équité fiscale : le gouvernement augmente enfin la proportion des gains en capital inclus dans les revenus imposables des contribuables et des entreprises, ce qui lui permettra de dégager 19 milliards de dollars en recettes supplémentaires sur 5 ans.
  • Un montant pour protéger les logements abordables existants et les droits des locataires.
  • Des fonds supplémentaires pour la recherche fondamentale dans les établissements canadiens d’enseignement postsecondaire, ainsi qu’une augmentation substantielle du soutien financier à la population étudiante des cycles supérieurs.
Points faibles 
  • Projet de création d’un groupe de travail de haut niveau chargé d’encourager les fonds de pension à privatiser les infrastructures publiques.
  • Réductions invisibles : certains programmes sont progressivement supprimés sans être remplacés, ou en étant remplacés avec moins de financement.
  • Financement insuffisant dans des secteurs primordiaux, tels que le logement, les soins de santé et les infrastructures municipales.
Réponse des secteurs
Services sociaux

Le Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS) constitue la principale source de contribution financière du gouvernement fédéral aux services sociaux des provinces et territoires. Ce financement est indispensable pour atténuer certains des grands problèmes auxquels le secteur est confronté : forts taux de postes vacants et de rotation du personnel, faibles salaires, et violence en milieu de travail en raison d’effectifs insuffisants. Pourtant, aucune augmentation du TCPS n’est prévue dans le budget fédéral 2024.

Le gouvernement propose de modifier la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants et la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants. Ces modifications s’appliqueront aux personnes qui choisissent d’exercer une profession dans le secteur des services sociaux (éducation de la petite enfance, soutien à la personne, travail social, etc.) dans des communautés rurales et éloignées. Cette mesure pourrait contribuer à améliorer l’accès aux services en attirant des travailleurs et travailleuses dans ces régions où il y a un manque criant de main-d’œuvre, mais aussi à alléger les charges financières qui pèsent sur les diplômé(e)s.

Le budget fait également état de deux nouvelles séries de consultations dans le secteur des services sociaux : la première menée par une table sectorielle sur l’économie des soins et la deuxième portant sur l’élaboration d’une stratégie nationale sur la prestation de soins. Espérons que ces consultations multisectorielles aboutiront réellement à l’élaboration d’une nouvelle stratégie qui soit en phase avec le plan d’action du Congrès du travail du Canada sur l’économie des soins. Le SCFP ignore encore quel sera l’échéancier de mise en œuvre de cette mesure.

Prestation canadienne pour les personnes handicapées

Dans le mémoire prébudgétaire qu’il a présenté au Comité des finances, le SCFP demandait que le gouvernement fédéral accélère l’élaboration et la mise en œuvre de la nouvelle prestation canadienne pour les personnes handicapées. Selon le mouvement Le handicap sans pauvreté, il faudrait allouer 10 milliards de dollars par année (indexés à l’inflation) pour que les personnes en situation de handicap puissent se hisser au-dessus du seuil de pauvreté. Malheureusement, le montant annoncé dans le budget fédéral de 2024 est loin de répondre à ce besoin : le gouvernement n’engage que 6,1 milliards de dollars sur 6 ans, dont 1,4 milliard déjà annoncé.

Cette mesure laisse à désirer tant du point de vue du montant que de celui des critères d’admissibilité. Le SCFP est d’avis que cette prestation devrait être inclusive et accessible à toutes les personnes en situation de handicap. L’admissibilité devrait être déterminée par l’existence d’une incapacité déclarée, et non par l’inscription au crédit d’impôt pour personnes handicapées, car les personnes en situation de handicap n’y sont pas toutes inscrites. Au minimum, tous ceux et celles qui touchent des prestations d’invalidité (crédits d’impôt, prestations dans le cadre d’un programme provincial ou territorial, du Régime de pensions du Canada ou du Régime de rentes du Québec, prestations d’invalidité pour vétérans, etc.) devraient recevoir automatiquement la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Le mouvement Le handicap sans pauvreté estime qu’environ 1 million de personnes devraient y avoir droit.

Or, le budget 2024 indique que seules les personnes détenant un certificat pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées y seront admissibles. Actuellement, 492 000 adultes en âge de travailler ont obtenu ce certificat, et le gouvernement espère pouvoir faire passer ce nombre à 600 000 dans les années qui suivront l’instauration de la prestation. Le montant maximal de la prestation est de 2 400 dollars par an, au lieu du minimum de 12 000 dollars que les organismes de défense des droits jugent nécessaires. Qui plus est, le taux de récupération est conditionné par le revenu familial, et non par le revenu individuel, ce qui va également à l’encontre des recommandations de ces organismes.

Bibliothèques

Les bibliothèques sont mentionnées dans les annonces concernant les dépenses d’infrastructure. Le gouvernement reconnait leur rôle vital dans la promotion de l’alphabétisation, mais rien ne garantit qu’une partie des fonds réservés aux infrastructures sera consacrée à la construction de nouvelles bibliothèques ou à la rénovation de bâtiments existants. Le personnel des bibliothèques, qui côtoie quotidiennement des personnes mal logées et connaît bien le stress et les difficultés engendrés par la crise du logement, pourra toutefois se réjouir de nouveaux investissements dans le logement.

Municipalités 

Le SCFP a réclamé de nouveaux instruments de financement pour les municipalités afin qu’elles disposent d’un financement accru et durable pour les services publics. Malheureusement, le budget 2024 ne prévoit rien en ce sens.

D’après les estimations, les déficits infrastructurels des municipalités canadiennes se chiffrent entre 110 et 270 milliards de dollars. Dans son budget 2024, le gouvernement fédéral s’engage à verser aux municipalités 12,8 milliards, des fonds réservés au logement, aux infrastructures d’aqueduc et d’égouts et à la gestion immédiate de la crise des opioïdes. Ce montant est tout à fait insuffisant pour combler les besoins criants de financement des municipalités. 

Cela dit, le SCFP se réjouit que le gouvernement investisse 1,5 milliard de dollars dans le Programme pour les bâtiments communautaires verts et inclusifs, qui appuie les rénovations, les réparations et les améliorations physiques, écologiques et accessibles des bâtiments communautaires publics existants, ainsi que la construction de nouveaux bâtiments communautaires accessibles au public.

Par ailleurs, le budget prévoit 2,4 milliards de dollars pour les infrastructures d’aqueduc et d’égouts et 1,6 milliard pour garantir l’accès à de l’eau potable et le traitement des eaux usées dans les communautés des Premières Nations, mais ces deux montants découlent d’engagements antérieurs. 

Logement

Le SCFP a demandé au gouvernement fédéral de mettre à jour la Stratégie nationale sur le logement afin d’y inclure les exigences relatives aux droits de la personne prévues dans la nouvelle Loi sur la stratégie nationale sur le logement. Le SCFP est d’avis que pour résoudre la crise de logements abordables, le gouvernement fédéral devrait prioriser la construction de nouveaux logements sociaux (p. ex., logements publics, logements à but non lucratif, coopératives d’habitation). Et pour lutter contre la financiarisation du logement, le SCFP recommande d’établir des normes nationales de protection des locataires que les provinces et les territoires seraient tenus de respecter, mais aussi d’éliminer toute possibilité d’échappatoire fiscale pour les fiducies de placement immobilier.

Si rien dans le budget ne laisse penser que la Stratégie nationale sur le logement sera modifiée comme le demandait le SCFP, le gouvernement a néanmoins prévu certaines mesures pour protéger les logements abordables existants et augmenter le parc de logements publics et à but non lucratif.

Annonces importantes concernant le logement :

  • 1 milliard de dollars supplémentaires pour le Fonds pour le logement abordable, qui finance la construction de nouveaux logements abordables ainsi que la rénovation et la réparation de logements abordables et communautaires existants.
  • 15 milliards de dollars pour le Programme de prêts pour la construction d’appartements, qui accorde des prêts à faible taux aux organismes à but lucratif et non lucratif et aux municipalités.
  • 1,5 milliard de dollars pour le lancement du Fonds canadien de protection des loyers, qui versera 1 milliard de dollars en prêts et 470 millions de dollars sous forme de contributions à des organismes à but non lucratif et à d’autres partenaires afin qu’ils puissent acheter des logements afin de préserver le parc de logements abordables.
  • Création du Plan pour l’usage de terrains publics à des fins résidentielles dans le but de convertir des terrains publics en logements, notamment en louant ou en acquérant des terrains publics pour y construire des logements, dans la mesure du possible sans transfert de titre de propriété.
      

Le SCFP appuie ces nouveaux investissements dans les logements sociaux au titre du volet de création rapide de logements du Fonds pour le logement abordable, ainsi que les mesures de protection des logements abordables existants qui seront mises en œuvre par l’entremise du Fonds canadien de protection des loyers. Malheureusement, la majeure partie du financement consacré aux logements dans le budget 2024 ira aux promoteurs de logements à but lucratif par le biais du Programme de prêts pour la construction d’appartements, ce qui alimentera inévitablement la financiarisation du secteur et le risque que les nouveaux logements ne soient pas abordables.

Certaines mesures prévues au budget pourraient aider à mieux protéger les locataires, comme un investissement de 15 millions de dollars sur 5 ans pour la création d’un nouveau fonds de protection des locataires. Ce fonds sera consacré aux organismes qui fournissent des services juridiques et d’information aux locataires et qui défendent les droits des locataires, afin qu’ils fassent mieux connaître ces droits. Cette approche est prometteuse, mais son financement ne suffira pas à répondre aux besoins constatés.

La proposition d’une nouvelle charte canadienne des droits des locataires a également du potentiel, mais il faudrait en savoir plus sur ses tenants et aboutissants pour pouvoir réellement en juger. Ce qu’il faut, ce sont des normes nationales strictes et exécutoires en matière de protection des locataires pour éviter que les transferts fédéraux destinés à la construction de logements ne se transforment en aubaines pour les promoteurs.

Le budget 2024 prévoit une seule mesure pour lutter contre la financiarisation du logement, alors que plusieurs sont susceptibles d’y contribuer), à savoir le plan en matière de logement, qui vise notamment à restreindre l’achat et l’acquisition de maisons unifamiliales par de grands investisseurs. De plus amples détails à ce sujet seront fournis dans l’Énoncé économique de l’automne de 2024. Cela dit, il est peu probable que cette mesure change réellement l’état des choses.

Le budget 2024 ne donne pas suite aux demandes du SCFP, d’ACORN et d’autres défenseurs du droit au logement d’éliminer toute possibilité d’échappatoire fiscale pour les fiducies de placement immobilier, une mesure qui aurait pourtant pour effet de contrer la financiarisation du logement et des soins de longue durée. Au contraire, le budget prévoit la création d’un groupe de travail chargé d’encourager les fonds de pension canadiens à investir dans les infrastructures nationales, notamment par « la construction d’un plus grand nombre de maisons, y compris sur des terrains publics », une mesure qui ne fera que renforcer la financiarisation du secteur du logement. De plus amples renseignements sur cette proposition sont fournis dans la section consacrée aux pensions.

Services éducatifs à la petite enfance

Le SCFP a demandé au gouvernement fédéral d’affecter suffisamment de fonds pour la création de nouvelles places en services éducatifs à la petite enfance publics et à but non lucratif afin de répondre à la demande. Il a également demandé la mise en place d’une stratégie globale qui couvrirait tant la formation que le recrutement et la rétention du personnel (meilleurs salaires, emplois à temps plein, congés de maladie payés, avantages sociaux et régimes de retraite pour tous les travailleurs et travailleuses du secteur). Enfin, il a lancé en mars une campagne en ligne ciblée pour inciter le gouvernement à investir 7 milliards de dollars afin de contrer la pénurie de main-d’œuvre dans ce secteur, et 10 milliards de dollars afin de soutenir l’expansion du système d’apprentissage et de garde de jeunes enfants.

Il s’avère que les mesures prévues dans le budget 2024 sont insuffisantes pour résoudre les problèmes d’expansion du système et laissent largement de côté les personnes — autres que les éducateurs et éducatrices de la petite enfance (EPE) — qui travaillent dans ce secteur, et dont bon nombre sont autochtones, noires, racisées ou nouvellement arrivées au pays. Le budget reconnait tout de même de nombreux problèmes d’accès et prévoit des mesures initiales pour les résoudre. Les paiements de transfert au titre du système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants devraient passer de 5,6 milliards de dollars en 2023-2024 à 7,7 milliards de dollars en 2028-2029.

Formation

Le budget 2024 élargit la portée du programme d’exonération du remboursement des prêts d’études au personnel éducatif de la petite enfance qui choisit de travailler dans des communautés rurales et éloignées. Le montant de l’exonération augmentera avec le temps passé à exercer la profession dans une région rurale ou éloignée. Cette mesure, qui s’inscrit dans le prolongement de l’exonération des prêts d’études visant à attirer davantage de médecins et de personnel infirmier dans les communautés rurales et éloignées, devrait bénéficier chaque année à plus de 3 000 EPE. Elle devrait coûter 48 millions de dollars sur 4 ans à compter de 2025-2026, et 15,8 millions de dollars par année par la suite.

Par ailleurs, le gouvernement propose d’affecter 10 millions de dollars sur 2 ans à Emploi et Développement social Canada pour le Programme de solutions pour la main-d’œuvre sectorielle, un programme de formation dirigée par l’employeur, en vue d’accroître la formation en éducation de la petite enfance.

En ce qui concerne les salaires et les régimes de retraite, le gouvernement fédéral demande aux provinces et aux territoires de faire en sorte que les EPE reçoivent une juste rémunération pour leur travail de première importance. Le SCFP estime qu’il faudrait également leur offrir de solides régimes de retraite et en élargir la portée à tout le personnel des services éducatifs à la petite enfance.

Places en services éducatifs à la petite enfance

Le Programme de prêts pour l’expansion des services de garde offrira 1 milliard de dollars en prêts à faible coût et 60 millions en contributions non remboursables aux fournisseurs de services de garde publics et à but non lucratif pour créer plus de places en services éducatifs à la petite enfance et rénover les centres existants.

Afin de lancer ce programme, le gouvernement propose d’accorder 179,4 millions de dollars sur 5 ans à compter de 2024-2025 à la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Ce montant permettra également à la SCHL de voir à ce que les provinces et territoires tiennent compte de l’expansion des services éducatifs à la petite enfance à but non lucratif lorsqu’ils obtiendront du financement pour des projets de logements abordables au titre de l’initiative Bâtir au Canada.

Dans le budget de 2024, le gouvernement propose aussi de réaffecter jusqu’à 41,5 millions de dollars sur 4 ans, à compter de 2025-2026, et jusqu’à 15 millions par la suite au sein d’Emploi et Développement social Canada, afin d’établir un nouveau programme de renforcement des capacités qui aidera les fournisseurs de services éducatifs à la petite enfance à présenter une demande de financement au titre du Programme de prêts pour l’expansion des services de garde, et d’appuyer les initiatives de recherche sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants.

Enfin, le gouvernement propose d’accorder 100 millions de dollars sur 5 ans, à compter de 2024-2025, au ministère de la Défense nationale pour des services éducatifs à la petite enfance destinés aux membres des Forces armées canadiennes et à leurs familles.

Enseignement postsecondaire

Le SCFP a demandé au gouvernement fédéral d’accroître le financement de la recherche, notamment en augmentant le montant des bourses d’études pour les étudiant(e)s des cycles supérieurs et en l’indexant à l’inflation. Le montant de ces bourses est inchangé depuis plus de 20 ans. Le budget 2024 augmente le montant annuel des bourses d’études de maîtrise et de doctorat à 27 000 $ et 40 000 $, respectivement, et des bourses d’études postdoctorales à 70 000 $. Ce changement s’impose depuis longtemps et est très bienvenu. Cependant, ces montants ne sont pas indexés à l’inflation.

Un investissement de 734,8 millions de dollars sur 3 à 5 ans est également prévu pour divers grands projets de recherche universitaires, et 30 millions de dollars sur 3 ans pour soutenir la participation de personnes autochtones à la recherche, à raison de 10 millions de dollars pour chacun des partenaires des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Nous saluons ce financement de la recherche.

Plusieurs changements ont été apportés aux bourses et prêts canadiens d’études pour les étudiant(e)s qui totalisent 650 millions de dollars de plus par an. Le SCFP souhaitait que le montant des bourses canadiennes d’études passe de 4 200 $ à 6 000 $ pour égaler le montant accordé pendant la pandémie. Au lieu de cela, le budget de 2024 ne prolonge que le montant actuel de 4 200 $ pour une année supplémentaire, pour revenir au montant d’avant la pandémie de 3 000 $ par la suite.

Changements dans les prêts et les bourses pour les étudiant(e)s :

  • Aide au remboursement plus généreuse pour les étudiant(e)s en situation de handicap, et annulation du remboursement des prêts d’études pour les personnes ayant une invalidité grave et permanente.
  • Rajustement des allocations de logement utilisées par le Programme canadien d’aide financière aux étudiants pour déterminer les besoins financiers, ce qui augmentera le soutien accordé à environ 79 000 étudiant(e)s par année.
  • Élimination permanente de l’obligation de l’examen du crédit pour les étudiant(e)s adultes qui présentent une demande de bourses et prêts canadiens d’études.

Ce ne sont pas toutes les familles qui ont pu profiter de l’argent fédéral versé dans les régimes enregistrés d’épargne-études (REEE), de sorte que ce programme a eu tendance à profiter aux familles à revenu élevé. À compter de 2028, les enfants nés en 2024 ou après qui n’ont pas déjà de REEE seront automatiquement inscrits et les paiements du Bon d’études canadiens seront déposés automatiquement dans les comptes des enfants admissibles. Cette mesure signifie que 130 000 enfants de plus bénéficieraient du Bon d’études canadien. Le budget 2024 fait également passer de 20 ans à 30 ans l’âge maximal pour demander rétroactivement le Bon d’études canadien.

Le SCFP exprime sa déception face à l’absence d’une augmentation dans le transfert aux provinces consacré à l’enseignement postsecondaire qui s’ajouterait au financement provincial, réduirait les frais de scolarité pour l’ensemble de la population étudiante et offrirait des salaires équitables et une plus grande stabilité au personnel des établissements d’enseignement postsecondaire. Le budget ne prévoit pas non plus de compensations pour les pertes de revenus découlant de la réduction des inscriptions d’étudiantes et étudiants internationaux.

En ce qui concerne le financement des logements universitaires et collégiaux, nous avons constaté un changement très mineur qui assouplirait les conditions d’admissibilité des logements universitaires à l’exonération de la TPS. Bien que cette mesure soit censée encourager la construction de nouveaux logements, on estime qu’elle ne permettra de réduire les coûts que de 19 millions de dollars. Les universités et les collèges ont besoin d’un financement substantiel pour des logements et des rénovations durables, et cette lacune n’a pas été comblée dans le budget.

Équité fiscale

Les réductions d’impôt mises en œuvre depuis l’année 2000 ont réduit les recettes fédérales de plus de 50 milliards de dollars par année, et les principaux bénéficiaires ont été les grandes sociétés et les Canadien(ne)s les plus riches. Ces réductions ont laissé un trou énorme dans les budgets fédéraux et ont fini par se répercuter sur les budgets provinciaux, comme le gouvernement fédéral a cessé de financer certains services publics essentiels. Le SCFP a demandé au gouvernement fédéral d’augmenter son taux d’imposition des sociétés, d’éliminer les échappatoires fiscales et les subventions aux combustibles fossiles, d’améliorer les règles de transparence et d’introduire un impôt sur la fortune.

Le budget 2024 fait un pas dans cette direction en augmentant la proportion des gains en capital imposables pour les sociétés et les particuliers. Les gains en capital sont les profits réalisés au moment de la vente d’actifs, comme des actions ou des biens immobiliers autres qu’une résidence principale. Actuellement, seuls 50 % de ces profits sont inclus dans le revenu imposable des sociétés et des particuliers. Le budget 2024 propose de porter ce taux à deux tiers pour tous les gains en capital réalisés par les sociétés et les fiducies, et pour les gains en capital annuels de plus de 250 000 $ réalisés par des particuliers, à compter du 25 juin 2024.

Cette hausse d’impôt est légèrement contrebalancée par deux exemptions. Il existe actuellement une exonération à vie des gains en capital d’un million de dollars sur la vente de petites entreprises ainsi que de propriétés agricoles et de pêche. Ce montant sera porté à 1,25 million de dollars à compter du 25 juin 2024 et indexé à l’inflation. Le budget 2024 propose une exemption supplémentaire pour les entrepreneur(e)s, qui ramènerait le taux d’inclusion des gains en capital à 33,3 % sur un gain cumulatif de 2 millions de dollars.

Ces changements devraient augmenter les recettes fédérales de 6,7 milliards de dollars en 2024-2025, et de 19 milliards de dollars sur 5 ans. De plus, ces changements seront automatiquement appliqués à la plupart des provinces. Le Québec gère son système d’impôt sur le revenu de façon indépendante et peut donc décider de refléter ou non au niveau provincial le changement des taux d’inclusion des gains en capital. L’Alberta dispose d’un système indépendant d’imposition des sociétés, de sorte que seuls les changements relatifs à l’impôt des particuliers s’appliqueront au niveau provincial en Alberta.

Fonds de pension

Le gouvernement fédéral a parlé de l’importance d’encourager les fonds de pension à investir davantage au Canada, en partie parce que cela est nécessaire pour stimuler les investissements et la productivité en perte de vitesse des entreprises du secteur privé. Le budget 2024 propose l’établissement d’un groupe de travail présidé par Stephen Poloz, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, chargé de cerner les occasions d’investissement prioritaires, y compris dans plusieurs secteurs qui suscitent des inquiétudes quant à leur privatisation, selon le SCFP. Cette proposition semble n’être rien d’autre qu’une nouvelle tentative dissimulée de soutenir des mécanismes de privatisation, comme la Banque de l’infrastructure du Canada.

Le SCFP a déjà exprimé ses inquiétudes à ce sujet : encourager les fonds de pension à construire des logements ne fera qu’exacerber la financiarisation du logement. Les fonds de pension sont déjà devenus des investisseurs importants ayant contribué à la financiarisation des soins de longue durée et des résidences pour personnes âgées. Ils participent maintenant de plus en plus à la financiarisation des logements locatifs. Ils recourent à un modèle économique qui repose sur l’éviction des locataires à faibles revenus au profit de locataires à revenus plus élevés, par le biais d’augmentations de loyer inabordables et de rénovictions – une tactique connue sous le nom de « repositionnement ». À Toronto, les locataires de plusieurs immeubles locatifs s’unissent contre les augmentations de loyer nettement supérieures à la norme, imposées par le fonds de pension propriétaire, Investissements PSP.

Un autre exemple qui devrait indiquer que cette approche a échoué est la faillite imminente de Thames Water, une société privée de distribution d’eau au Royaume-Uni. L’argent qu’OMERS et d’autres fonds de pension ont investi dans ce projet risque d’être entièrement comptabilisé comme une perte, à moins que l’organisme de réglementation de l’eau du Royaume-Uni n’autorise une augmentation de 40 % des tarifs. La position du SCFP est claire : le rendement des fonds de pension des travailleuses et travailleurs ne doit pas être garanti au détriment de l’accessibilité des services publics.

Dans le cadre de l’examen triennal 2022-2024 du Régime de pensions du Canada (RPC), le gouvernement fédéral propose quelques modifications techniques à la législation sur le RPC. Ces modifications prévoient un supplément à la prestation de décès pour certain(e)s cotisant(e)s; introduisent une prestation pour enfants partielle pour les étudiant(e)s à temps partiel; prolongent l’admissibilité à la prestation d’enfant de cotisant invalide au-delà du 65e anniversaire d’un parent; et mettent fin à l’admissibilité à la pension de survivant(e) pour les personnes qui sont légalement séparées après un partage des gains ouvrant droit à pension. Le SCFP surveillera ces propositions et évaluera les implications au fur et à mesure que d’autres détails seront fournis.

Assurance-emploi

Le SCFP réclame une réforme du programme d’assurance-emploi (AE) pour répondre aux besoins de l’ensemble des travailleuses et travailleurs. L’expansion rapide de l’assurance-emploi par le gouvernement fédéral au début de la pandémie nous a montré qu’une telle réforme était possible. Le SCFP continue d’insister sur l’importance d’élargir l’accès à l’assurance-emploi pour permettre à un plus grand nombre de travailleuses et travailleurs de profiter de ces prestations, ce qui contribuerait à mieux soutenir les femmes ainsi que les travailleuses et travailleurs précaires et migrants. Le SCFP demande également l’augmentation des montants des prestations, avec une prestation minimale de 500 $ par semaine, et le prolongement de la période des prestations de maladie de l’assurance-emploi de 15 à 50 semaines.

Même si le gouvernement fédéral a prolongé les règles jusqu’en 2026 pour accorder 5 semaines supplémentaires de prestations d’assurance-emploi aux travailleuses et travailleurs saisonniers admissibles, le SCFP se désole que le budget permette une réduction des prestations d’assurance-emploi. Le complément d’assurance-emploi en vertu de la Partie II, prolongé depuis 2017, n’a pas été renouvelé. Le gouvernement fédéral n’a pas réussi à apporter des changements, même minimes, pour rendre l’assurance-emploi plus accessible, plus équitable et mieux adaptée aux besoins des travailleuses et travailleurs de tout le pays.

Plus tôt cette année, le SCFP a tenu une conférence de presse (Le SCFP réclame l’équité en matière d’assurance-emploi pour les travailleuses | Syndicat canadien de la fonction publique) sur la Colline du Parlement pour demander au gouvernement fédéral de permettre aux nouveaux parents licenciés de combiner les prestations parentales et les prestations d’assurance-emploi. Les femmes demeurent plus susceptibles de prendre la majeure partie d’un congé parental, ce qui les place dans une position vulnérable si elles sont licenciées avant, pendant ou après leur congé de maternité et qu’elles ne peuvent pas combiner leurs prestations parentales et celles de l’assurance-emploi. Le SCFP a souligné ce problème au gouvernement fédéral, et c’est avec une grande déception que nous constatons qu’il a choisi de ne pas régler le problème dans le budget 2024.

Intelligence artificielle 

Depuis quelques années, l’intelligence artificielle (IA) est un sujet brûlant au Canada. Cette année, elle a fait son entrée dans le budget fédéral. Une somme de 2,4 milliards de dollars a été affectée à l’intelligence artificielle, mais le gouvernement commence à peine à concevoir la législation sur l’intelligence artificielle sous la forme du projet de loi 27, la Loi sur la mise en œuvre de la Charte du numérique.

Le SCFP a présenté un mémoire au gouvernement pour exposer certaines de ses préoccupations concernant le projet de loi 27, mais aucun des changements demandés n’a encore été abordé, notamment concernant la nécessité d’ajouter des protections pour les travailleuses et travailleurs et de veiller à ce que ces personnes soient consultées, de même que leurs syndicats, lorsque des systèmes d’IA sont déployés dans leur milieu de travail.

Des 2,4 milliards de dollars affectés à l’IA, une somme de 2 milliards aidera les chercheur(e)s ainsi que les entreprises en démarrage et en expansion dans le domaine de l’IA à accéder à la puissance informatique et aux infrastructures technologiques nécessaires. Une somme de 200 millions de dollars est prévue pour commercialiser l’IA et en accélérer l’adoption dans des secteurs comme l’agriculture, les technologies propres, les soins de santé et la fabrication, tandis que 50 millions de dollars iront au Programme de solutions pour la main-d’œuvre sectorielle afin de soutenir les travailleuses et travailleurs susceptibles d’être touchés par la venue de l’IA, notamment dans les industries créatives. Ce programme offrira notamment une formation pour l’acquisition de nouvelles compétences aux travailleuses et travailleurs des secteurs et des communautés potentiellement touchés.

Le SCFP demeure préoccupé par la façon dont l’IA est déployée. En ce qui concerne cette annonce dans le budget fédéral, nous estimons que le Commissaire à l’IA et aux données devrait être indépendant du gouvernement afin d’assurer une supervision adéquate; que le financement du gouvernement ne devrait pas subventionner les profits des entreprises ni favoriser l’adoption de l’IA dans des secteurs particuliers; que la somme de 50 millions de dollars pour les travailleuses et travailleurs touchés par l’IA est tout à fait insuffisante compte tenu des risques associés à la croissance continue de l’IA; que tout argent affecté à la formation dans le cadre du Programme de solutions pour la main-d’œuvre sectorielle doit inclure les syndicats comme partenaires clés dans l’élaboration du programme; et, enfin, que l’Institut canadien pour la sécurité de l’IA doit prévoir un rôle explicite pour les syndicats étant donné que les travailleuses et travailleurs seront directement touchés par les systèmes d’IA dans les milieux de travail partout au pays.

Code canadien du travail

Le budget de 2024 promet une loi sur le droit à la déconnexion pour les secteurs sous réglementation fédérale. Il alloue 3,6 millions de dollars sur 5 ans pour permettre au Programme du travail d’Emploi et Développement social Canada de mettre en œuvre des modifications législatives au Code canadien du travail qui obligeraient les employeurs des secteurs sous réglementation fédérale à établir une politique limitant les communications liées au travail en dehors des heures de travail prévues. Cette mesure devrait profiter à quelque 500 000 employé(e)s des secteurs sous réglementation fédérale.

En ce qui concerne la classification erronée des effectifs, Emploi et Développement social Canada et l’Agence du revenu du Canada concluront les ententes d’échanges de données nécessaires pour faciliter les inspections et l’application de la loi.

À la suite des recommandations du groupe de travail indépendant qui s’est penché sur la Loi sur l’équité en matière d’emploi, le budget 2024 annonce l’intention du gouvernement de proposer des modifications législatives pour moderniser la Loi sur l’équité en matière d’emploi, notamment en élargissant les groupes visés par l’équité en matière d’emploi.

Le SCFP est préoccupé par la proposition du gouvernement fédéral de dépenser 3,1 millions de dollars sur 2 ans pour se pencher sur les conflits de travail dans les ports du Canada. La proposition indique que Travail Canada effectuera cet examen et que le financement proviendra des ressources ministérielles existantes. Selon l’expérience du SCFP, le recours à des briseurs de grève et les lois de retour au travail prématurées sont les principaux obstacles à la négociation collective productive dans le secteur portuaire.

Santé
Assurance médicaments

Tout récemment, le gouvernement a fait d’importantes annonces au sujet de la création d’un programme universel d’assurance médicaments au Canada. Malgré un début prometteur, le récent budget fédéral n’assure pas le maintien de l’élan initial. Le SCFP préconise depuis longtemps la création d’un programme d’assurance médicament universel et à payeur unique. Pour établir un programme complet, le Canada devra y allouer au départ au moins 3,5 milliards de dollars, en vue d’atteindre un total de 15,3 milliards de dollars. Toutefois, le gouvernement libéral n’a engagé que 1,5 milliard de dollars sur 5 ans, dont 59 millions comme octroi initial en 2024-2025.

Comme il a été annoncé, la première phase du régime d’assurance médicaments vise à assurer la couverture de la plupart des contraceptifs et médicaments contre le diabète, mais aucune précision n’est fournie sur les types de médications et de fournitures admissibles. Actuellement, au Canada, la population dépense 3 milliards de dollars chaque année pour la contraception et le traitement du diabète. Puisque tous les types d’appareils ne seront pas couverts et que les achats en gros du gouvernement pourraient diminuer les coûts de traitement, les coûts moyens de 300 millions de dollars par année sont nettement inférieurs aux dépenses actuelles de 3 milliards. Le SCFP continuera d’exiger la mise en place au Canada d’un programme d’assurance médicaments complet, universel et à payeur unique.

Soins dentaires

Dans le cadre de son entente de soutien et de confiance avec les libéraux, le NPD a obtenu l’ajout d’un régime de soins dentaires dans notre système de santé public. L’admissibilité au programme actuel dépend des revenus des personnes, et le budget n’alloue aucun financement pour un éventuel élargissement du régime. Nous prévoyons que le plan restera tel qu’il est. Le SCFP continuera de réclamer, aux côtés du NPD, un régime universel de soins dentaires.

Soins de longue durée

Lorsque la pandémie a frappé en 2020, le Canada a été témoin de l’horrible réalité d’un système de soins de longue durée trop longtemps négligé. Avant, durant et après la pandémie, le SCFP n’a cessé d’exiger un plus grand nombre d’heures de soins par personne, qu’au moins 70 % du personnel soit permanent et à temps plein, et que les modalités et les critères prévus dans la Loi canadienne sur la santé s’appliquent aux soins de longue durée (gestion publique, universalité, intégralité, transférabilité, aucuns frais supplémentaires ni services payants).

Le budget 2024 réitère, à hauteur de 5,4 milliards de dollars sur 5 ans, l’engagement du gouvernement fédéral envers les accords bilatéraux relatifs au plan Vieillir dans la dignité afin d’aider les provinces et les territoires à améliorer les normes concernant les soins de longue durée. Toutefois, le budget demeure avare de détails quant à la teneur de ces normes. Ainsi, il ne mentionne pas les 4,1 heures de soins directs requises pour assurer la qualité des soins aux personnes résidentes. De plus, rien n’est précisé au sujet des modalités d’application des normes, sujet de préoccupation soulevé par le SCFP et ses alliés l’année dernière (Health Canada says it won’t mandate standards for long-term care homes – Canadian Health Coalition, en anglais). Finalement, plusieurs des accords bilatéraux n’incluent pas de financement pour les services de première ligne ou le recrutement. Ce manque suscite des préoccupations quant à une éventuelle utilisation des fonds fédéraux pour subventionner des établissements privés de soins de longue durée plutôt que pour financer adéquatement nos établissements publics.

Soins de santé publics

Au Canada, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux se partagent les coûts de la prestation des soins de santé publics. Le SCFP a demandé que la contribution fédérale aux dépenses totales en matière de santé soit augmentée de 22 à 35 %.

Nous avons demandé au gouvernement de régler les problèmes de recrutement et de rétention du personnel dans ce secteur, qui se sont aggravés depuis la pandémie. Dans son budget, le gouvernement libéral réitère son engagement antérieur envers les accords bilatéraux, sans toutefois allouer des fonds supplémentaires. C’est une occasion manquée d’investir dans l’un des plus importants programmes sociaux du pays et de s’assurer que tout le monde au Canada a un meilleur accès à des soins de santé publics de qualité supérieure.

Dans le budget, le gouvernement propose deux nouvelles consultations. La première est une table sectorielle sur l’économie des soins, qui mènera des consultations et formulera des recommandations au gouvernement fédéral sur des mesures concrètes visant à mieux soutenir l’économie des soins. La deuxième initiative prévoit des consultations sur l’élaboration d’une stratégie nationale sur la prestation de soins.

Bien que le SCFP accueille favorablement ces nouveaux forums de discussion, il espère qu’ils seront vite suivis de nouvelles mesures soutenant les travailleuses et les travailleurs en santé.  Ce secteur, nous le savons, connaît une grave crise : le personnel a un besoin criant de soutien et de ressources, la pénurie de main-d’œuvre perdure, et les cas d’épuisement professionnel se multiplient. Nous sommes favorables aux consultations proposées, mais les problèmes et leurs solutions sont, pour la plupart, déjà bien connus : nous continuerons de réclamer l’amélioration immédiate des conditions de travail dans le secteur de la santé.

Santé des communautés autochtones 

Pour mettre en œuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation concernant la santé, le gouvernement fédéral, en consultation avec les communautés autochtones, doit notamment : augmenter le financement alloué aux centres de guérison autochtones; établir des objectifs mesurables en vue de combler les écarts en matière de santé entre les communautés autochtones et le reste de la population, et publier un rapport d’étape annuel. Le SCFP demande au gouvernement fédéral de respecter son engagement envers la vérité et la réconciliation afin d’assurer la santé des communautés autochtones.

Énergie

Le SCFP a demandé au gouvernement fédéral d’accorder la priorité aux investissements dans les projets d’énergie propre exploités par l’État. Sans toutefois prioriser la propriété publique, le crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre, annoncé dans le budget 2023, est accessible aux organismes publics. Le budget 2024 précise la conception et les modalités de mise en œuvre de ce crédit d’impôt.

Le crédit d’impôt est assorti d’un taux remboursable de 15 % pour les investissements admissibles dans de nouveaux équipements ou la remise en état concernant :

  • les systèmes de production d’électricité à faibles émissions utilisant de l’énergie éolienne, solaire, hydraulique, nucléaire ou géothermique, ou encore de l’énergie produite à partir de la biomasse résiduelle ou du gaz naturel avec captage et stockage du carbone;
  • les systèmes fixes de stockage de l’électricité exploités sans combustibles fossiles, comme les batteries et le stockage d’énergie hydroélectrique par pompage;
  • le transport de l’électricité entre les provinces et les territoires.

Le crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre serait offert à certaines sociétés imposables et non imposables, y compris celles qui appartiennent à des municipalités ou à des communautés autochtones et les sociétés de gestion de pension. À condition qu’un gouvernement provincial et territorial satisfasse à des conditions supplémentaires, le crédit d’impôt serait aussi offert aux sociétés d’État provinciales et territoriales qui investissent dans cette province ou ce territoire.

Il faudra satisfaire à de rigoureuses exigences relatives à la main-d’œuvre – à savoir le versement des salaires syndicaux en vigueur et la création de possibilités d’apprentissage –, pour obtenir le crédit d’impôt de 15 %, mais celles-ci se limitent à des emplois à prédominance masculine. On évalue les coûts du crédit d’impôt à 7,2 milliards de dollars sur 5 ans, à compter de 2024-2025, et à 25 milliards de dollars additionnels, de 2029-2030 à 2034-2035. Ces estimations sont inférieures à celles du budget 2023.

Dans son budget de 2024, le gouvernement propose aussi d’affecter 3,1 milliards de dollars sur 11 ans à Énergie atomique du Canada limitée pour aider Laboratoires nucléaires canadiens à réaliser ses recherches en sciences nucléaires et ses travaux de protection de l’environnement et d’assainissement des sites.

Climat et transition juste

Le SCFP a demandé au gouvernement fédéral d’accélérer la mise en œuvre de solutions climatiques, en consultation avec les syndicats, afin d’assurer une transition juste pour les travailleuses et les travailleurs des secteurs à forte intensité carbonique.

Toutefois, le budget fédéral, qui n’insiste pas sur la transition juste pour les travailleuses et travailleurs, se concentre sur la tarification du carbone et les crédits carbone, les remises sur le carbone pour les petites et moyennes entreprises, les bornes de recharge pour les véhicules électriques et le transport à zéro émission, l’aide au secteur agricole, qui subit déjà les effets des changements climatiques, ainsi que sur son objectif de carboneutralité d’ici 2050. Les libéraux mentionnent la nécessité de créer, pour les jeunes travailleuses et travailleurs, de nouveaux emplois axés sur le climat, sans parler de la transition pour la main-d’œuvre des secteurs à forte intensité carbonique.

Le budget annonce l’octroi pour l’adaptation au changement climatique d’un nouveau financement de seulement 2 milliards de dollars nets pour les 5 prochaines années ainsi que 9 milliards additionnels à compter de 2029-2030.

En plus des investissements reliés à l’énergie, VIA Rail recevra 462 millions de dollars sur 5 ans, pour l’exploitation de son réseau. En outre, le gouvernement propose de verser 371,8 millions de dollars sur les 6 prochaines années à VIA HFRVIA TGF Inc., nouvelle société d’État chargée de concevoir et de mettre en place un réseau de trains à grande fréquence.

Le Programme canadien pour des maisons abordables plus vertes, qui remplace la Subvention canadienne pour des maisons plus vertes, encouragera les ménages canadiens à faible revenu à faire des rénovations écoénergétiques. Son financement s’élèvera à 800 millions de dollars sur 5 ans. Les dépenses pour la Subvention canadienne ont atteint, quant à elles, 2,6 milliards de dollars sur 7 ans; ce programme n’était pas ciblé. Malgré le financement moindre, le nouveau programme aura probablement une plus grande incidence sur l’abordabilité pour les familles à faible revenu.

Le SCFP a demandé au gouvernement fédéral d’éliminer les subventions aux énergies fossiles, fonds qui auraient pu servir à des investissements bien nécessaires à la lutte contre les changements climatiques. Toutefois, le gouvernement n’a manifesté aucune volonté de s’éloigner des énergies fossiles. En fait, durant le discours du budget, il a souligné la fin des travaux du « grand projet » qu’est la construction de l’oléoduc Trans Mountain. 

En ce qui a trait à l’atteinte de nos objectifs pour ralentir les changements climatiques et pour assurer un avenir durable aux prochaines générations, le budget fédéral a raté l’occasion de supprimer les subventions à l’industrie des énergies fossiles, de financer les municipalités pour soutenir l’essor du transport en commun et de veiller à l’adaptation de la main-d’œuvre à des emplois plus respectueux de l’environnement.

Équité sociale

Le budget fédéral comprend habituellement une analyse des principaux bénéficiaires des nouvelles dépenses en fonction de catégories telles que le genre, le revenu, l’âge, et de l’incidence des mesures budgétaires sur certains groupes, comme les peuples autochtones, les communautés 2ELGBTQI+, les personnes en situation de handicap, et les personnes noires et racisées. Toutefois, contrairement au budget de l’année dernière, le budget de 2024 ne comprend pas d’évaluation d’impact, c’est-à-dire une analyse du processus d’ACS+ utilisé pour élaborer les mesures budgétaires et évaluer leur incidence.

Dans l’ensemble, très peu de nouveaux postes de dépenses ont été ajoutés au budget 2024 par rapport aux budgets précédents, et très peu de nouvelles mesures visent l’équité entre les genres ou les personnes noires et racisées. Il y a de nouvelles dépenses pour les communautés autochtones et les personnes en situation de handicap, mais les sommes sont bien inférieures aux besoins définis. Le budget 2024 prévoit certaines mesures visant les personnes à faible revenu, comme le Fonds canadien de protection des loyers, des améliorations aux prêts étudiants et le programme national d’alimentation scolaire. Dans l’Énoncé sur l’égalité des genres, la diversité et l’inclusion, le gouvernement souligne que les parents célibataires, les personnes noires et racisées et les personnes nouvellement arrivées sont plus susceptibles de bénéficier de ces mesures, même s’il n’y a pas d’élément précis pour s’assurer que cette aide atteint ces communautés. Le budget comprend toutefois un financement de 12 millions de dollars pour des projets visant à combattre la haine contre la communauté 2ELGBTQI+.

En matière d’équité, le budget 2024 se concentre principalement sur l’équité intergénérationnelle : le logement et la recherche sont les principaux domaines bénéficiant de nouvelles dépenses. Par conséquent, l’Énoncé sur l’équité entre les genres, la diversité et l’inclusion nomme au titre de principaux bénéficiaires des nouvelles dépenses certaines régions et certains secteurs, notamment la construction et la recherche en IA.

Environ 10 % des nouvelles dépenses sont destinées aux personnes en situation de handicap. La plus grande partie des investissements est attribuée au financement de la nouvelle prestation canadienne pour les personnes handicapées. Cette prestation fournira jusqu’à 2 400 $ par année à environ 5 000 personnes ayant un handicap. Quelle déception! Les organismes de défense des droits réclamaient une prestation dont le plafond annuel serait d’au moins 12 000 $ et à laquelle plus de personnes en situation de handicap seraient admissibles.

Le chapitre 6 du budget est consacré aux mesures liées à la réconciliation avec les peuples autochtones; on y retrouve environ 15 % des nouvelles dépenses du budget 2024, soit 9 milliards de dollars sur 6 ans. Les principaux investissements comprennent l’élargissement du Programme d’aide au revenu dans les réserves aux personnes en situation de handicap admissibles vivant dans les communautés des Premières Nations; la mise en œuvre de solutions communautaires axées sur la prévention pour réduire le nombre d’enfants autochtones dans le système de protection de la jeunesse; des investissements, notamment dans les infrastructures, pour soutenir l’éducation primaire et secondaire des Premières Nations; ainsi que des augmentations temporaires des prestation de soutien du revenu pour les études postsecondaires. À l’instar d’autres domaines du budget de 2024, les plus grandes sommes sont versées sous la forme de garanties de prêts, une approche qui présente des avantages limités pour combler les lacunes en matière d’infrastructures physiques et sociales.

Les investissements dans le logement, les soins de santé et d’autres infrastructures sont bien en deçà des sommes jugées nécessaires par les organismes de défense des droits. L’Assemblée des Premières Nations a récemment publié un rapport indiquant la nécessité d’investir 349 milliards de dollars dans les infrastructures des communautés des Premières Nations afin de combler les lacunes d’ici 2030. Les groupes de défense inuits ont fait valoir le besoin d’investir 75 milliards de dollars dans les infrastructures; tandis que le Ralliement national des Métis a demandé des investissements de 2,7 milliards de dollars dans les infrastructures.

Le gouvernement reconnaît dans son budget que 6 % des communautés des Premières Nations n’ont toujours pas accès à l’eau potable : dans 4 % des communautés, des travaux de construction sont en cours, dans 1 % des communautés, la phase de conception des travaux est entamée et enfin, dans le 1 % restant, une étude de faisabilité est en cours pour résoudre les problèmes d’eau potable. Malgré cette reconnaissance, aucun financement supplémentaire n’est fourni pour assurer un accès à long terme à l’eau potable. L’Assemblée des Premières Nations a demandé 670 millions de dollars pour mettre fin aux avis d’ébullition de l’eau et 9,2 millions de dollars pour le traitement des eaux usées afin de combler les lacunes en matière d’infrastructures d’ici 2030.

L’Assemblée des Premières Nations recommande d’investir 3,675 millions de dollars pour la mise en œuvre des appels à la justice du rapport de l’Enquête nationale de 2019 sur les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées. Le rapport d’enquête préconise la création d’une ligne téléphonique nationale pour les signalements de femmes, de filles et de personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées. Dans le budget 2024, le gouvernement propose un premier engagement financier concret sur 5 ans à cet égard, qui commence par 1,3 million de dollars sur 3 ans à partir de 2024-2025, pour développer un système d’alerte Robe rouge en collaboration avec des partenaires autochtones.