Le budget fédéral montre que le gouvernement libéral est déterminé à déployer l’intelligence artificielle (IA) dans les milieux de travail sans protéger les travailleuses et travailleurs ni le public.
Les technologies numériques comme l’IA comportent en effet de nombreux risques pour les travailleuses et travailleurs, notamment :
- pertes d’emplois causées par l’automatisation;
- surveillance invasive;
- prise de décisions importantes en matière d’emploi assumée par l’IA, plutôt que par des humains;
- biais et discrimination en milieu de travail.
Le fédéral emprunte la voie de la négligence dans son budget de 2025
Le gouvernement fédéral a choisi la voie facile plutôt que d’assumer un véritable leadership en réglementant l’IA.
Les libéraux prévoient de remplacer des travailleuses et travailleurs par l’IA, sans mener de réelles consultations, faire preuve de transparence ou rendre des comptes. Cela nuira vraisemblablement à la qualité des services et obligera la population à vivre de longues et frustrantes interactions avec des robots conversationnels et des systèmes automatisés de prise de décisions. Ces changements sont particulièrement risqués pour les membres des groupes d’équité.
Lorsque des technologies appartenant à des entreprises privées remplacent des fonctionnaires, c’est une forme de privatisation.
Dans le budget, le gouvernement a annoncé qu’il compte signer encore plus de protocoles d’entente avec les entreprises technologiques; celles-ci auront ainsi une plus grande influence sur l’adoption des outils technologiques dans le secteur public. Cette démarche financera les profits du secteur privé à même les fonds publics et affaiblira l’expertise du secteur public.
L’expérience mondiale le montre bien : lorsque les multinationales de la technologie s’incrustent dans le secteur public, elles essaient de faire baisser les normes entourant l’IA et la gouvernance.
L’infrastructure numérique publique
Dans le budget 2025, un montant supplémentaire de 125,6 millions de dollars en nouvelles dépenses est accordé pour la souveraineté de l’infrastructure publique d’IA, ce qui amène le financement total à 925,6 millions sur cinq ans. Ce montant, qui augmentera la capacité de calcul de l’IA pour la recherche publique et privée, devrait plutôt servir à combler les besoins du secteur public.
Le gouvernement fédéral devrait en outre nous garantir que les données confidentielles sur la santé, l’éducation, la fiscalité et l’immigration sont stockées sur des serveurs de propriété publique, et non sur des serveurs d’entreprises privées américaines ou canadiennes.
Le tout devrait être accompagné d’investissements importants dans l’infrastructure numérique possédée et exploitée par l’État. L’infrastructure numérique, si elle demeure publique, sera plus transparente et responsable et pourrait aider à combler les besoins des travailleuses et travailleurs, ainsi que ceux des communautés, tout en protégeant l’environnement.
De meilleures données sur l’incidence de l’IA sur le travail
Le budget accorde aussi 25 millions sur six ans et 4,5 millions par année à Statistique Canada pour la mise en œuvre du Programme de mesure des technologies et de l’intelligence artificielle (TechStat).
Ce programme permettra de collecter et d’analyser des données pour comprendre l’influence de l’IA sur la société, la main-d’œuvre et l’économie. Le SCFP demande depuis un certain temps ce type de programme au gouvernement fédéral, étant donné que nous n’avons pas de données pour comprendre comment l’IA transforme les milieux de travail. Les syndicats devraient participer à l’élaboration de ces nouveaux outils de collecte de données.
Le gouvernement fédéral devrait également créer des groupes de travail qui regrouperaient des représentant(e)s de syndicats, d’employeurs et du gouvernement et qui coordonneraient la planification, les politiques et les programmes de manière à protéger les travailleuses et travailleurs pendant le virage technologique.